Par Hervé Nifenecker
- Président fondateur de Sauvons Le Climat
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Ingénieur et docteur ès sciences, Hervé Nifenecker est Président fondateur du collectif  Sauvons le Climat, qu'il a créé en 2004. Il s'exprime sur "la chaîne Energie" à titre personnel...
Point sur la sûreté nucléaire de l'EPR
Par Hervé Nifenecker
- Président fondateur de Sauvons Le Climat
jeudi 11 mars 2010
Hervé Nifenecker, scientifique pro-nucléaire, répond à « Sortir du Nucléaire », qui a fait état de notes d’études d’EDF mettant en cause, selon l’association, la sûreté de l’EPR. Faux, répond-il, cela prouve au contraire que rien n’est laissé au hasard.

Comme d'habitude il s'agit là d'une présentation fallacieuse et de mauvaise foi visant à démolir l'industrie nucléaire française (c'est en effet la seule qui « bénéficie » des diatribes de SDN).
Ceintures et bretelles
Il s'agit de définir des scénarios qui pourraient aboutir à un accident. Après qu'un tel scénario eut été défini, on évalue sa probabilité, et on prend des mesures pour la réduire le plus possible. Enfin, deuxième étape, on imagine que malgré tout l'accident se produit et on veille à ce qu'il n'ait pas de conséquences sérieuses pour la santé du public et des travailleurs. La sûreté, c'est donc la ceinture+ les bretelles.
Prenons un exemple. Le pire accident qui puisse arriver est la perte de l'eau qui assure l'extraction de la chaleur du cœur du réacteur. Cet accident pourrait se produire en cas de rupture des grosses canalisations qui relient le cœur du réacteur et les échangeurs de température. Dans ce cas la réaction de fission s'arrête d'elle même car les neutrons ne sont plus ralentis. Mais la radioactivité résiduelle continue de chauffer les éléments combustibles. On met alors en œuvre des systèmes de refroidissement de secours pour éviter la fusion du combustible, qui conduirait à la perte du réacteur, et, donc à une perte financière considérable.
Mais dans une étude de sûreté, on ne se contente pas de "faire confiance aux systèmes de refroidissement de secours", on fait l'hypothèse que ces refroidissements de secours ne fonctionnent pas, ce qui conduirait vers la fusion du cœur. L'analyse de sûreté définit alors les mesures qui permettent de limiter le plus possible la probabilité de cette fusion. C'est, évidemment l'intérêt économique de l'opérateur puisque la fusion du cœur est synonyme d'une perte de plusieurs milliards d'Euros ! Et faire des économies sur la sûreté des réacteurs est un non sens économique. Pour l'EPR cette probabilité doit être inférieure à un pour cent mille ans de fonctionnement du réacteur. L'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) doit vérifier que tel est bien le cas.
Puis l'analyse de sûreté suppose que la fusion a effectivement lieu. Il y a dégagement d'hydrogène susceptible de réagir de manière explosive avec l'oxygène de l'air. Conséquence : on décide que l'enceinte de confinement du réacteur doit résister à une telle explosion, ce qui n'empêche pas de disposer de recombineurs d'hydrogène pour limiter ou même supprimer cette dernière ...On voit donc que, dans ce processus d'amélioration de la sûreté, il faut bien prendre en considération des évolutions graves et peu probables pour en limiter encore la probabilité et, en ultime recours, démontrer que l'accident ne pourra pas avoir de conséquences sanitaires à l'extérieur de l'enceinte du réacteur.
Le scénario de l'éjection de grappe de contrôle
Les documents que s'est procuré SDN portent sur un point très spécifique, celui de la possibilité d'une éjection de grappe de contrôle (EDG). De quoi s'agit-il ?
Les Réacteur à Eau Pressurisée disposent de deux systèmes de pilotage et arrêt :
1. Les grappes de commande qui peuvent être introduites ou extraites du cœur du réacteur. Il y en a quatre vingt neuf dans l'EPR ; elle sont constituées d'un matériau absorbant les neutrons. Les barres dites « noires » sont fortement absorbantes et les « grises » le sont moins.
2. Le bore soluble, également absorbant, dont on peut faire varier la concentration (et donc l'absorption) ; on peut aussi faire une injection rapide de bore pour étouffer la réaction en situation accidentelle.
Pour opérer des variations rapides de puissance, on utilise les grappes dont les mouvements sont rapides. Par exemple si, fonctionnant à pleine puissance, on veut passer à un régime à 50% de puissance, on insère tout ou partie des grappes. Et on les sort si on veut remonter en puissance.
Dans toutes les études de sûreté de réacteurs, (EPR ou non) on envisage l'éventualité qu'une grappe de commande (qui, par construction, n'est pas fixée mais est mobile) soit éjectée du fait de la forte pression qui règne dans le cœur du réacteur. Cette éjection entraîne un percement de la cuve du réacteur et, donc, conduit à un accident considéré comme grave, bien que beaucoup moins grave que celui de perte totale du réfrigérant.
Une éjection de grappe serait d'autant plus violente que les barres de contrôle seraient plus enfoncées. C'est ici qu'on rencontre la spécificité des réacteurs français. Du fait que le parc nucléaire représente près de 80% de la production d'électricité, on conçoit que si la demande varie il faut aussi que la production du parc nucléaire s'ajuste, au moins partiellement, à cette variation. A cette fin, en dehors des périodes de forte demande, on fait marcher les réacteurs à une puissance inférieure à leur puissance nominale. Pour ce faire, on insère des barres absorbantes dans le réacteur. Lorsque la demande croît on les relève pour augmenter la puissance. C'est ce qu'on appelle une fonctionnement en suivi de charge. Sur les réacteurs actuels ceci est obtenu grâce à des barres peu absorbantes, les barres dites grises, qui permettent de piloter le réacteur "en douceur".
Le réacteur EPR n'était pas prévu, lors de sa conception, pour fonctionner en suivi de charge, car, économiquement, il y a intérêt à faire travailler le réacteur à pleine puissance (a cet égard l'affirmation de SDN selon laquelle le fonctionnement en suivi de charge serait exigée par la rentabilité économique est, tout simplement, stupide). Les barres de contrôle étaient donc des barres « noires » fortement absorbantes et supposée rester en position haute (peu insérées) en fonctionnement normal. EDF souhaitait, toutefois, garder la possibilité de suivi de charge, l'EPR de Flamanville étant une tête de série préfigurant les réacteurs devant remplacer les réacteurs actuels d'une part, le développement de la production éolienne impliquant des besoins croissants de modulation rapide de la puissance du parc nucléaire, d'autre part.
L'étude de sûreté EDF-AREVA
Les documents publiés sur le site de SDN reflètent l'étude de sûreté faite par EDF (en liaison avec AREVA) pour vérifier que le fonctionnement en suivi de charge de l'EPR, avec des « barres noires », ne constituait pas une pénalité inacceptable sur le plan de la sûreté. En 2007 il fut décidé, à la suite de cette étude, qu'il était préférable de revenir à l'utilisation de barres grises, comme dans les réacteurs actuels.En réalité, l'examen de ces documents montre bien avec quel souci du détail et d'exhaustivité sont menées les études de sûreté aussi bien par EDF que par AREVA, l'ensemble étant, en dernier ressort, examiné et évalué par les spécialistes de l'IRSN pour le compte de l'ASN.
C'est donc bien cette démarche de sûreté exigeante que condamne SDN, qui n'est d'ailleurs pas novice dans cette politique de Gribouille.
En conclusion on ne peut que remercier Philippe Brousse et « Sortir du Nucléaire » d'avoir montré à quel point EDF et AREVA prenaient au sérieux les études de sûreté.
Une analyse approfondie du dossier de SDN, due à Dominique Vignon ancien Président de Framatome NP est disponible ici
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1) On avait eu droit, il y a longtemps à un livre qui s'intitulait "Tchernobyl sur seine"... Alors, il ne faut pas être étonné de ce genre de manipulation que SDN essaye de rejouer de la même façon!
2) Tout le monde (chez les techniciens) a bien compris que l'éolien était un moyen pour certains de s'en mettre plein les poches sur le dos de l'ensemble des Français.
La production d’énergie étant, dans ce cas, complètement accessoire...
Comme en plus, techniquement, ça ne marche pas, alors on impose à EDF et AREVA de faire le nécessaire pour que les Français ne soient pas trop mécontents du montant de la CSPE en les délestant le moins possible, ce qui ne manquera pas d'arriver!!!
La solution est simple! On construit un EPR tel qu'il a été prévu à son origine (pleine charge en base) et on arrête de construire des éoliennes qui perturbent à la fois le réseau, mais aussi les portent monnaies des Français!
Avec les économies réalisées grâce à l’arrêt de l’éolien et les études qui ne seraient plus à refaire pour l’EPR, on pourrait lancer un réacteur nucléaire de 3 ieme génération de 600 à 800 MW qui serait compétitif à ce qui se fait en Corée du Sud ou ailleurs !!!!
Merci à Hervé Nifenecker de sa réactivité.
On voit que les normes de l'AIEA (en fait, évacuer pour une dose intégrée sur la durée de vie de 1000 mSv) sont extrêmement prudentes.
Si des critères de cette sorte étaient appliqués dans le cas des risques d'inondation il faudrait sans doute évacuer des millions de personnes. Pourtant, les inondations sont beaucoup plus probables qu'une contamination au niveau cité par jujubart!