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 - Président fondateur de Sauvons Le Climat

Auteur
Ingénieur et docteur ès sciences, Hervé Nifenecker est Président fondateur du collectif  Sauvons le Climat, qu'il a créé en 2004. Il s'exprime sur "la chaîne Energie" à titre personnel...

EDF ou Areva : qui doit être chef de file ?


lundi 30 novembre 2009

La filière nucléaire a de belles perspectives, mais aussi quelques soucis d'organisation. Une proposition est ici mise sur la table : créer une filiale "grands chantiers" commune à AREVA et EDF.


Le chantier d'Olkiluoto
Henri Proglio a jeté un pavé dans la mare en suggérant  de revoir la structure de la filière nucléaire française. Il s’agirait de séparer l’activité de construction de réacteurs d’AREVA qui devrait devenir un simple sous-traitant d’EDF. En d’autres termes on reviendrait à la situation d’avant 2001 où Framatome était l’interlocuteur exclusif d’EDF. Aux dernières nouvelles,  après une prise de position très nette  de la Ministre des Finances, Mme Christine Lagarde, il semble que le nouveau Président d'EDF ait mis de l'eau dans son vin et n'envisage plus le démantèlement d'AREVA. Toutefois ses déclarations ont le mérite de soulever une vraie question sur l'organisation de la filière nucléaire.

Personne ne peut nier le succès qu’a connu l'industrie nucléaire française d'avant 2001. . Personne ne peut nier, non plus, les difficultés du chantier d’Olkiluoto, en Finlande, et, sans doute, à un moindre degré, de Flamanville-3.

Si on cherche les raisons profondes de ces difficultés on doit bien reconnaître qu’il a fallu recréer les compétences. En effet le dernier réacteur construit par ce qui était alors encore Framatome, le réacteur de Civaux-2 a divergé en 1999, après plus de 8 ans de construction. Entre le démarrage de la construction de Civaux-2 et celui de l’EPR finlandais il s’est écoulé plus de 12 ans. De plus cette période a vu de nombreux ingénieurs expérimentés partir en retraite sans que la relève puisse être assurée faute d’activité de construction. Une telle situation est d’autant plus regrettable que nous voyons que la construction de quelques réacteurs pendant cette période aurait évité les tensions sur la fourniture d’électricité dont nous voyons les avant goûts.  Il est clair qu’EDF (et les pouvoirs publics) n’ont pas su avoir une politique de maintien des compétences en commandant quelques réacteurs en temps utile.

Ne croyons pas que des changements de structure suffiront à effacer la période pendant laquelle nous n’avons plus construit de réacteurs. Il est capital de laisser les nouvelles équipes se former dans la sérénité et retrouver l’efficacité de leurs anciens . 

Mais la nécessité de reconstruire les compétences n’explique peut être pas tout. Il est clair que la présence d’un vrai architecte industriel capable de contrôler aussi bien le travail du béton que la partie nucléaire a manqué au chantier d’Olkiluoto. Ce type de compétences se trouve chez EDF.   La (première) proposition d’Henri Proglio semble donc avoir une solide justification. Réunir en une seule entité les architectes et les constructeurs aurait le mérite de la logique. La question est de savoir s’il est préférable que cette entité appartienne à EDF, où, au contraire, à AREVA.

Qu’on le veuille ou non, qu’on le regrette ou non, la situation du secteur électrique français et mondial a profondément changé depuis les années 1990. EDF est plongée dans la concurrence en France, mais surtout à l’étranger où elle fait 50% de son chiffre d’affaire. En Europe elle est confrontée à la concurrence des allemands Eon et RWE, du suédois Vattenfall, du Français GDF-Suez, de l’italien Enel. La Commission Européenne fait la chasse aux ententes et cherche à exacerber la concurrence. Supposons qu’EDF devienne l’acteur français de la construction de réacteurs. Peut on envisager qu’elle vende ses réacteurs à ses concurrents ? Pour cela il faudrait qu’elle dispose d’un monopole de compétences. Or les Français vont devoir affronter une sérieuse concurrence des Japonais (Toshiba a conduit 3 réacteurs à la divergence depuis 2000 dont les deux derniers en 2004 et 2005), des Russes dont les deux dernières mise en service datent de 2004 et 2001, des Coréens qui ont mis en service 4 réacteurs depuis 2000 dont le dernier en 2005. Les concurrents d’EDF auront l’embarras du choix…

De son côté AREVA  pourra travailler avec tous les opérateurs à condition de faire de meilleures offres que ses concurrents. Il est donc important de la renforcer par l’apport des compétences d’EDF dans le domaine du contrôle et de la gestion des chantiers nucléaires. Si le rattachement pur et simple des services concernés d’EDF à AREVA peut poser des questions difficiles, il serait possible de créer une structure autonome gérée indépendamment de la production et de la direction générale. On pourrait ainsi créer une filiale « grands chantiers » commune à AREVA et EDF  qui aurait comme spécialité la conception et la gestion des grands chantiers comme ceux des réacteurs nucléaires. Elle pourrait aussi faire valoir ses compétences dans le domaine des grands barrages et dans celui des grands champs d éoliennes off shore.

3 commentaire(s)
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Commentaire par Stéphane Lhomme
lundi 30 novembre 2009 10:10
Il faut démanteler Areva... et dénucléariser EDF

La visite le 26 novembre de M Fillon (1er ministre), M Proglio (EDF) et Mme Lauvergeon (Areva) sur le chantier en déroute du réacteur EPR de Flamanville ressemblait à un véritable cortège funèbre pour l'industrie nucléaire française en pleine déconfiture.

Je n'ai pas la place ici pour développer mais il faut noter :
le désastres des chantiers EPR (en Finlande (Areva) et à Flamanville (EDF)) ; La "sûreté" de l'EPR est compromise ; L'EPR sera interdit aux USA et en Grande-Bretagne ; EDF et Areva sont lourdement endettés ; Absence de solution pour les déchets radioactifs ; Les réacteurs actuels sont en état de délabrement ; La "France nucléaire" en est réduite à importer massivement de l'électricité ; Les jeunes diplômés se détournent du nucléaire ;

L'industrie nucléaire française est donc dans une situation inextricable et, sur l'ensemble de la planète, la majorité de projets de nouveau réacteurs sont annulés car trop chers. Ce n'est donc pas le lugubre défilé de MM Fillon et Proglio et de Mme Lauvergeon à Flamanville qui pourra redresser la situation. Il est grand temps de décider de sortir du nucléaire, et de lancer des plans ambitieux d'économies d'énergie et de développement des énergies renouvelables.

Donc, pour répondre à la question posée, il ne faut pas de "chef de file" pour le nucléaire français, il faut démanteler Areva et dénucléariser EDF.

[Réponse de l'auteur]
Toujours honoré d'attirer immédiatement l'attention de Stéphane. Il a bien raison il faut laisser les Japonais et les Chinois construire les centrales nucléaires dans le monde; ce sont des gens sérieux, il n'ont pas de Stéphane Lhomme. En attendant leurs centrales remplaçons les nôtres par des centrales au charbon et à la lignite comme nos amis allemands. On respirera mieux en France!
[2]
Commentaire par Vincent
mercredi 02 décembre 2009 17:11
> "On pourrait ainsi créer une filiale « grands chantiers »
> commune à AREVA et EDF qui aurait comme spécialité la
> conception et la gestion des grands chantiers comme ceux
> des réacteurs nucléaires."

Ca existe déjà ; ca s'appelle SOFINEL...

[Réponse de l'auteur]
Merci de cette information. Pourriez vous donner davantage de détails. Cette filiale est-elle intervenue à Olkiluoto et Flamanville et dans quel sens?


[Réponse de l'auteur]
Effectivement SOFINEL est une filiale commune EDF-AREVA chargée de l'ingénieurie de l'îlot nucléaire (à l'exception de la chaudière). Elle est intervenue aussi bien en Chine qu'en Finlande. On pourrait soit étendre les compétences de SOFINEL à la gestion des grands chantiers, soit créer une filiale spécifique ayant une structure analogue à SOFINEL et compétente pour cette gestion.
[3]
Commentaire par BRETONTETU INGEDUSECTEUR
jeudi 03 décembre 2009 18:26
QUELQUES POINTS IMPORTANTS NON DEVELOPPES:
-L'EPR est un Prototype
La France devait le mettre en service à Flamanville,
puis l'exporter
-De plus on fait un prototype en immolant
les industriels français compétents (ceux qui ont fait CHOOZ et CIVAUX)
pour faire un cadeau stupide et sans contrepartie à SIEMENS
qui n'a rien fait d'équivalent en salle des machines
et en salle de commande type N4!
Aujourd'hui SIEMENS s'enfuie devant les pertes annoncées
Le contribuable français va payer les pertes (appelées pudiquement
besoin de financement pour la croissance!!)
Il est vrai que le Management d'AREVA est plus à l'aise
dans "les ministères et l'Elysée" qu'avec son client Finlandais
ou dans ses équipes .
Le parachutage français est une catastrophe, le mélange politique/
industrie de même!
Il a fait un tort considérable au plan calcul
(UNIDATA/SIEMENS une réussite?), au management d'AIRBUS,...
On médiatise beaucoup trop les Dirigeants!
Ils prennent la grosse tête , plantent leurs clients et leurs équipes!
L'Ingénierie Nucléaire est trop sérieuse pour se passer
des Ingenieurs (les vrais, pas ceux des Cabinets) d'EDF
qui ont démarré CHOOZ, CIVAUX, PALUEL, DAYA BAY
Ils existent mais ne passent pas leur temps à se faire interviewer
Ils font leur travail d'Ingénieur!
Monsieur PROGLIO: bon courage, dépêchez vous à faire un bon casting!
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