Par Hervé Nifenecker
- Président fondateur de Sauvons Le Climat
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Ingénieur et docteur ès sciences, Hervé Nifenecker est Président fondateur du collectif  Sauvons le Climat, qu'il a créé en 2004. Il s'exprime sur "la chaîne Energie" à titre personnel...
Sortie allemande du nucléaire : plus de charbon et donc plus d’émissions de CO2
Par Hervé Nifenecker
- Président fondateur de Sauvons Le Climat
jeudi 08 septembre 2011
Les premiers effets de l'arrêt de centrales nucléaires en Allemagne apparaissent : plus d'importations d'électricité, donc une facture commerciale plus lourde. L'Allemagne peut, la France ne pourrait pas.
Dès maintenant, ce qui se passe en Allemagne, est riche d'enseignements et préfigure ce qui se passera d'ici 2022.
La puissance des 8 réacteurs allemands mis à l'arrêt est de 8,5 GW pour une production annuelle de 61 TWh (1) . Au fur et à mesure de l'arrêt de ses réacteurs, l'Allemagne va augmenter ses importations. Alors que, le 11 mars 2011, l'Allemagne exportait 32 GWh en France, 15 jours après c'était la France qui exportait 92 GWh vers l'Allemagne (2) .
L'Allemagne fit aussi appel à des importations en provenance de Tchéquie, de Pologne et de Suisse. Globalement, alors que l'Allemagne exportait de 100 à 180 GWh avant le 11 mars, elle devenait importatrice de 70 GWh chaque jour après le 20 mars. La différence entre les deux positions correspond à une puissance moyenne de 8 GW, soit la presque totalité de la puissance des réacteurs arrêtés. Et il est piquant de constater que l'électricité importée par l'Allemagne provient essentiellement de centrales nucléaires.
Il n'y a donc pas eu de diminution de la consommation d'électricité et la production éolienne n'a pas réussi à se substituer à l'électricité nucléaire. La totalité de la production éolienne des 27 GW installés ne dépasse pas 35 à 40 TWh, soit les deux tiers de la production des réacteurs arrêtés. Mais le caractère irrégulier de la production éolienne (et solaire) fait que les énergies renouvelables ne peuvent se substituer que marginalement à la production nucléaire.
Insupportable pour la balance commerciale française
Sur le plan économique, la situation confortable du commerce extérieur allemand permet d'envisager un fort recours à l'importation de courant. C'est ainsi que, avant même la catastrophe de Fukushima le concept énergétique (3) du gouvernement fédéral prévoyait, pour certains scénarios, l'importation de plus de 100 TWh par an en 2050 (4) , près du quart de la production électrique prévue à cette époque. Aux tarifs actuels ceci représenterait environ 7 milliards d'Euros annuels, soit environ 20% du déficit commercial français mais moins de 4% de l'excédent commercial allemand. Ce qui serait acceptable pour l'Allemagne, ne le serait pas pour la France.
Certains des scénarios pour 2050 poussent encore plus loin cette désinvolture. En effet, le scénario qui prévoit une importation de 102 TWh, envisage que la production locale de 327 TWh serait fournie pour 154 TWh par l'éolien et pour 39 TWh par le photovoltaïque, autrement dit par des énergies intermittentes et non contrôlables (non dispatchables). Cela n'est pas crédible.
Par exemple, la puissance éolienne instantanée délivrée pourrait varier entre 5 et 70 GW. A son maximum cette puissance serait bien trop importante pour être utilisée sur le réseau allemand (70 GW, alors que la demande moyenne est de l'ordre de 50 GW). Inversement, en cas d'absence de vent, il faudra que les importations fournissent à tout moment la puissance manquante de 30 GW (la moitié de la puissance du parc nucléaire français). Et cette puissance ne pourra être fournie que par des équipements contrôlables comme des barrages hydroélectriques, des centrales brûlant des combustibles fossiles ou des centrales nucléaires.
La vertu verte allemande ne semble guère s'encombrer de celle de ses partenaires...
Des émissions de CO2 en hausse
Outre les importations, l'Allemagne doit donc envisager la construction de nouvelles centrales à charbon et lignite. En attendant, on mobilise les plus anciennes centrales, celles qui émettent le plus de gaz carbonique. On retarde les opérations de maintenance, y compris celles sur les centrales nucléaires encore en fonctionnement. Cette mobilisation est nécessaire si on veut éviter une panne générale sur le réseau allemand, et, plus généralement, sur le réseau européen pendant les heures de forte demande d'hiver, au moment où la demande excèdera la capacité de production des centrales européennes.
Pour faire face à ses besoins à plus long terme, l'Allemagne a signé des accords de fourniture de gaz par la Russie (5) .
Dans l'état actuel l'Allemagne a donc choisi de donner la préférence à la sortie du nucléaire plutôt qu'à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Au début de juillet 2011 au parlement européen, l'Allemagne a d'ailleurs refusé de s'engager à une réduction supplémentaire des émissions de CO2, passant de 20% à 30%.
Illustration : Photo : la centrale de Philippsburg en Allemagne (wikimedia commons).
(1) Soit une moyenne de 200 GWh/jour pour un facteur de charge de 85%
(2) Il faut remarquer que le solde positif total des exportations de la France était compris entre 150 et 200 GWh journaliers
(3) Energieszenarien für ein Energiekonzept der Bundesregierung, (Prognos / EWI / GWS 2100 ; Projekt Nr 12/10, des Bundesministeriums für Wirtshaft und Technologie. Berlin)
(4) voir, par exemple l'étude de C.Acket et P.Bacher sur le site de « Sauvons le Climat » : http://ex.sauvonsleclimat.org/new/spip/IMG/pdf/Approche_allemande_du_facteur_4.pdf
(5) Le gaz dit naturel, n'est ni plus ni moins « naturel » que le pétrole ou le charbon, ni, d'ailleurs que l'uranium. S'il est vrai que les centrales à gaz émettent environ deux fois moins de CO2 que les centrales à charbon, la production et le transport de gaz sont accompagnés de fuites de méthane, un gaz à effet de serre ayant un pouvoir de réchauffement entre 60 fois (dans les 25 ans suivant son émission) et 20 fois (dans les 100 ans suivant son émission) plus grand que celui du CO2.
Et à ça il faut ajouter l'injection de biogaz sur le réseau dont l'Allemagne attend qu'elle produira 6% de sa consommation en 2020.
Maintenant ce qu'on peut reprocher à votre vision du monde c'est que vous avez un peu tendance à imaginer que le mix énergétique d'un pays est décidée par une administration centralisée composée d'une élite de hauts fonctionnaires tous persuadés de savoir ce qui est le mieux pour le peuple et prêt à lui imposer même contre son grès. Cette situation se retrouve effectivement en Corée du Nord ou en France mais chez les démocraties c'est un petit peu différent...
L'Allemagne a produit 20% de son électricité à partir de sources renouvelables pendant les 6 premiers mois de 2011 (7,6% éolien ; 5,6% biomasse ; 3,5% photovoltaïque ; 3,3% hydro). Ces 20% d'électricité sont majoritairement développer via des investissements locaux et sont donc une perte sèche pour les gros acteurs de l'électricité qui avaient auparavant le monopole économique sur le secteur de la production et défendent le mix polluant que vous décrivez (nucléaire-gaz-charbon) par rapport au seul mix soutenable que nous connaissons actuellement (EnR, efficacité énergétique, économie d'énergie).
Quelle est la différence, chimiquement parlant, entre le "biogaz" et le gaz importé de Russie?
Absolument aucune. Les pseudos écolos qui se targuent d'utiliser du biogaz contribuent à l'effet de serre de la même manière que ceux qui importent du gaz à la Russie.
Et svp pourriez vous nous expliquez pourquoi vous opposez la France et les démocraties. Sous entendez vous que la France ne serait pas une démocratie?
Ah oui, et expliquez nous comment vous comptez regler le problème de l'intermittence de de l'éolien et du photovoltaique? Et le problème du bilan carbone négatif des panneaux solaires produits en Chine? Tout cela sans multiplier le prix de l'électricité par 4 bien sur.
Il va falloir réviser les bases de l'effet du CO2 sur l'effet de serre, la différence c'est que le gaz naturel de Russie est une ressource fossile (ie piégée dans la terre) qui augmente donc la quantité de CO2 de l'atmosphère lors de sa combustion alors que le biogaz est une ressource renouvelable issue de la capture du CO2 par les plantes ce qui est neutre sur la composition de l'atmosphère (rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme).
Egalement, toutes les productions électriques sont intermittentes, quand il y a un problème sur Gravelines c'est plusieurs GW d'électricité en moins. La centrale qui fonctionne 24h/24 et 7j/7 ça n'existe tout simplement pas dans le monde réel ou il y a des pannes, des maintenances, des changements de combustibles.
http://www.debatpublic-eolien-en-mer.org/docs/docs/contribution-rte.pdf
et également à jeter coup d'oeil sur cette maquette de l'alimentation électrique allemande qui utilise des données de production d'installation renouvelables réelles pour simuler une centrale virtuelle qui permet de répondre à tout instant au profil de la demande électrique allemande.(cliquer sur "animation starten" pour faire défiler les jours)
http://www.kombikraftwerk.de/fileadmin/flash/kk_jahresstatistik_06.swf
Vos interventions sont fort critiquables :
L'auteur n'impose pas sa vision du monde, mais un fait un bilan physique à l'échelle d'un pays et vous feriez bien d'en faire autant. Pour vous la biomasse est mobilisable «à volonté» , au sens de «quand on le souhaite», c'est exact mais pas du tout dans les quantités nécessaires (autant qu'on le souhaite). La ressource en biomasse de l'Allemagne doit se situer autour de 70 millions de tonnes de matière par an ; alors que l'Allemagne émet 250 millions de tonnes de carbone ... Nulle part en Europe, il n'y a assez de biomasse pour combler les besoins en chauffage, biocarburant et électricité.
Si on décentralisait la production les collectivités locales se retourneraient vers des centrales à gaz. Et la production de gaz n'est -elle pas concentrée dans certains gisement comme Ourengoï, des terminaux de liquéfaction etc...
Si on étudie les scénarios 100% renouvelable, la ressource n'est pas à l'échelle locale : on va la chercher en Mer du Nord pour l'éolien, en Espagne ou en Afrique pour le solaire en multipliant les lignes HT sur notre pays.
«Les collectivités locales ont prouvé qu'elles pouvaient être capable de développer des énergies propres de façons plus rapide que l'administration centrale» : ah bon ? La France a su construire jusqu' à 5 GWe par an, en comparaison le développement du photovoltaïque n'aboutira qu'à 5,4 GWc, soit 0,6 GWe moyen (la plus grande partie en été, ce qui est inutile
L'EPR à 6 milliards d'euros que par Watt on est pas loin de l'éolien marin qui dure 3 fois moins longtemps et qui tourne 3 fois moins de manière irrégulière et vous ne pouvez pas comparer cette irrégularité intrinsèque avec le risque très faible de panne sur un réacteur nucléaire et les maintenances programmée dans les périodes de faible consommation.
Alors, faire confiance aux politiques? Mort de Rire!
http://cleantechnica.com/2011/03/05/how-denmark-will-integrate-50-wind-power-by-2025/
http://cleantechnica.com/2011/06/01/iea-wind-and-solar-intermittency-not-a-big-deal/
http://greengrowing.over-blog.com
[Réponse de l'auteur]
La vraie question est de savoir si on prend comme critère le % de renouvelable, le % de nucléaire ou les émissions de CO2 (et autres GES) Le tableau ci-dessous (voir http://www.iea.org/co2highlights/CO2highlights.pdf) est intéressant car il donne la situation (en 2008 car je n'ai pas les valeurs les plus récentes) pour les émissions comparées du Dk et de la France . Pour une fois que nous faisons bien (5,7 tonnes pour la France, 8,7 pour le Dk) nous pourrions en être heureux! En ce qui concerne le développement du nucléaire tout dépend des choix politiques. Ceux qui le refusent porteront une lourde responsabilité en ce qui concerne le réchauffement climatique. C'est leur problème. Pour les ENR, pourquoi pas et je ne demande pas mieux que voir les problèmes de l'intermittence, de l'environnement (pour la biomasse en particulier) et du coût réglés de façon satisfaisante. Pour moi j'observerai comme vous. Mais un tien vaut mieux que deux tu l'auras. Total CO2 émissions/tête (kg) Total Electicité Industrie Transport Autres (dont résidentiel) Denmark 8815 3965 1330 2494 1026 France 5743 792 1394 1945 1612
http://www.eea.europa.eu/data-and-maps/data/national-emissions-reported-to-the-unfccc-and-to-the-eu-greenhouse-gas-monitoring-mechanism-5
Le fait pour la France de ne pas développer le biogaz et la biomasse pour traiter ses déchets oblige à avoir des dégagements de méthane et de NH3 qui impacte son bilan...
L'objectif pour "sauver le climat" est de passer de 2 à 3 teqCO2/habitants au niveau mondial, ce qui met la France strictement au même niveau que l'Allemagne ou le Danemark en termes d'émissions...
[Réponse de l'auteur]
Les chiffres que je donne ne concernent que le CO2 et émanent de l'Agence Internationale de l'Energie. Les vôtres incluent tous les autres GES, en particulier le méthane et les oxydes d'azote qui n'ont tien à voir avec le chauffage. Ils dépendent essentiellement des pratiques agricoles et de la production agricole par tête. Il est probable que la France pourrait s'améliorer dans ce secteur. Par contre je doute que le développement de l'usage de la biomasse soit neutre sur la plan des émissions d'oxyde d'azote et sur celui de l'énergie nécessaire pour abattre, transporter les arbres etc. Je ne comprends pas comment la France pourrait être au même niveau que le Dk puisque selon vos propres chiffres même on 8t/hab pour la France et 11 t/hab pour le Dk. Mais vous bottez toujours en touche et cela est vraiment fatigant.
Le nucléaire c'est ce qu'il y a de moins cher, les gens qui disent le contraire ne doivent pas savoir calculer des investissements.
Le coût du démantèlement est très élevé et n'est pas pris en compte à son vrai coût. Tous les démantèlements précédents ont dépassé les prévisions de beaucoup.
Le nucléaire n'assure pas; il suffit de se reporter à Fuckushima et l'on voit que les autorités ont changé la norme .. De 1 à 10 millisivert ... de radiation par habitant et par an.
Vu que la pollution au Japon est plus dévastatrice qu'à Tchernobyl les enfants anormaux y seront autrement plus nombreux sans parler des cancers...
Ces phénomènes ont un coût qui n'est pas pris en charge ni par l'Etat ni par les assurances, ni par l'entreprise concernée.
http://greengrowing.over-blog.com
Et si vous ne voyez pas la relation entre pollution des déchets agricoles et traitement des déchets agricoles, je vous invite à faire une petite visite des belles plages vertes de Bretagne...
@Berthier : Lol
Vraiment un must de clairvoyance, compte tenue de ses fonctions.
Les énergies alternatives et fossiles y compris le gaz sont non maîtrisables et poluent notre planête y compris visuellement. Le coût des d'énergies maitrisables à mettrent en fonction est une goute d'eau dans l'ensemble des mers et océans, revenir au charbon avec ce comeback nous allons devenir créatif, les éoliennes un simple lobby financier puisque EDF achéte la production plus chére que son prix de vente. Quand à l'EPR il est un maillon aux seing des avancés technologiques, en attente d'énergies encore incontrôlables à grande échelle et surtout en application commune, comme le choc "matiére anti matiére" expérimenté et réussie au CERN ou pétroliérement non correcte comme l'hydrogéne liquide.