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« Menace sur le vin » : les effets du réchauffement climatique


mercredi 18 novembre 2015

Un livre récent, « Menace sur le vin », par Yves Leers et Valéry Laramée de Tannenberg, fait le point sur les conséquences des changements climatiques sur la vigne et la vinification.


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En mai 2013, l'Académie américaine des sciences publiait un article aux conclusions inquiétantes. En croisant deux scenarii climatiques avec les facteurs essentiels à la vie de la vigne, les neuf auteurs dressaient la carte de la viticulture mondiale de l'an 2050. Une grande partie des vignobles australiens, sud-africains, californiens est appelée à disparaître. L'Aquitaine, la vallée du Rhône, la frange méditerranéenne sont classées « vigne interdite ». Des pans entiers de Castille, d'Italie, de Grèce, du Portugal devront changer de culture ou de pratiques culturales.

Même si les résultats de l'équipe dirigée par Lee Hannah restent discutés, deux choses sont certaines : le réchauffement climatique a des conséquences pour l'industrie viti-vinicole mondiale. Et cela ira en s'amplifiant.
 
Un taux d'alcool en hausse

Depuis un demi-siècle, estime le climatologue Gregory Jones, la bande géographique favorable à la culture de la vigne s'est déjà déplacée de 80 kilomètres à 240 kilomètres vers les pôles.

Inexistante dans les années 1950, la viticulture britannique compte désormais 500 producteurs. Dans les anciennes régions vinicoles, on vendange près d'un mois plus tôt aujourd'hui qu'en 1945. Du jamais vu depuis 500 ans, confirme l'historien Emmanuel Le Roy Ladurie.

Contrairement aux idées reçues, la principale conséquence du réchauffement climatique n'est pas forcément la hausse des températures. Ce sont aussi et surtout la pluviométrie, la «qualité » et la longueur des hivers qui évoluent. Ce qui influe sur la totalité du cycle phénologique de la plante, avec des effets sur sa productivité et la qualité de sa production. La hausse des températures, notamment en période de maturation, accroît le taux de sucre dans le jus des baies et donc le taux d'alcool. De quoi rompre l'équilibre entre les saveurs primaires du goût et bouleverser la typicité des vins. L'élévation du degré alcoolique frappe de nombreuses régions viticoles. Dans la Napa Valley, le titre moyen d'alcool de la production vinicole est passé de 12,5 degrés, en 1971, à 14,8 degrés, en 2001. Conséquence : les vignerons du Golden State « désalcoolisent » leur vin.

Le recherche de la fraîcheur

La palette des solutions d'adaptation au réchauffement est certes étendue. À commencer par la migration. D'ores et déjà, des vignerons californiens, sud-africains et australiens s'installent sous des latitudes plus fraîches. Là où le relief s'y prête, les vignerons peuvent gagner les hauteurs à la recherche de fraîcheur. Ce qui se pratique déjà en Afrique du Sud ou au Chili. L'eau pourra être une précieuse alliée du vigneron, grâce à l'irrigation contrôlée ou à la brumisation. Elles se pratiquent dans maintes régions, du Languedoc à la Californie, en passant par le... Maroc.

Ailleurs, comme dans le Bordelais, on songe sérieusement à planter des variétés de vigne adaptées au climat futur. Sacrilège ? À d'autres ! « Jusqu'au milieu du XIXe siècle, le côt était un cépage important dans le Bordelais et le merlot quasi inconnu. La disparition du premier au profit du second n'a aucunement porté atteinte à la réputation des vins de Bordeaux » , rappelle Cornelis van Leeuwen, professeur de viticulture à Bordeaux Sciences Agro.

Des scientifiques parient aussi sur les manipulations du génome : « 80 % du problème pourraient être réglés grâce à la génétique », assure Hernán Ojeda, directeur de l'unité expérimentale de Pech Rouge (Inra).

Quel vin boirons nous demain ?

Bien loin de ces laboratoires, de plus en plus de vignerons optent pour différentes formes d'agriculture bio. Ces techniques culturales permettent de renforcer la plante, sans nuire à la qualité du produit fini, ni à la santé du vigneron. L'adaptation aura aussi lieu dans les chais. Partant du constat que le réchauffement déshydrate le raisin, certains vignerons, comme Michel Chapoutier, préconisent de couper le vin d'eau. L'Inra travaille, lui, sur un couplage de nouvelles variétés et de techniques de filtration d'alcool pour produire des vins titrant moins de 10 °C, bien qu'issus de vignes du midi de la France.

L'arsenal anti-réchauffement est donc large. Et, à l'échelle globale, la production de vin n'est pas menacée. Reste à répondre à LA question qui fâche  : «  quel vin souhaitons-nous boire demain ? » Si la réponse est : « le même qu'aujourd'hui » , les vignerons
devront sans doute avoir la main technologique très lourde. Si nous nous plaçons dans les traces de nos ancêtres et acceptons de voir le vin évoluer -- qui d'ailleurs boirait les vins de l'Antiquité ou la piquette médiévale ? --, le naturel reviendra au galop. Nous
avons choisi de ne pas décarboner notre mode de vie. À nous de choisir le vin qui va avec

"Menace sur le vin, les défis du changement climatique", Valéry Laramée de Tannenberg et Yves Leers, Buchet-Chastel. Voir le site

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