Auteur
Béatrice Mathieu et Charles Haquet, journalistes à L'Expansion, sont les responsables éditoriaux de la Chaîne Energie.
A quoi servira l’EPR ? Vos réponses
lundi 16 février 2009
En quinze jours de débats, depuis l’ouverture de la « chaîne énergie », plusieurs d’entre vous ont apporté des informations sur une question toute simple : à quoi servira le nouvel EPR ?
Politis pose la question d’emblée :
Le 6 février (parlant à Flamanville), M. Sarkozy a fait un bel aveu, que M. Gadonneix, PDG d'EDF, s'était bien gardé de faire : « La France qui n’a pas une goutte de gaz, une goutte de pétrole, va pouvoir exporter de l’électricité ».
Ainsi, écrit-il, les EPR ne seront pas destinés à une consommation intérieure, et le seraient d'autant moins si on savait déjà optimiser la gestion de nos centrales actuelles... ce qui est loin d'être le cas.
Il voit confirmation de cet objectif d’exportation dans une audition le 28 janvier à l'Assemblée nationale de Claude Mandil, l'ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie.
Politis relève ce passage éclairant des propos de Claude Mandil :
« (...) si la politique suivie est uniquement nationale, la France aura trop d’énergie d’origine nucléaire : 80 % d’électricité ainsi produite, c’est risqué – mais aussi inefficace. Il faut en effet savoir que le taux de disponibilité de nos centrales est sensiblement inférieur à celui de l’Allemagne car, notre marché étant essentiellement national, certains doivent être arrêtés durant les heures creuses. Si le nucléaire français ne représentait plus 80 % de la production d’électricité française mais 15 à 20 % de la production d’électricité européenne, les centrales tourneraient sans cesse – temps de maintenance excepté – et, durant les heures creuses, elles exporteraient massivement. Ce serait bon pour les consommateurs et pour les opérateurs et très bon pour la planète car on remplacerait par cette électricité d’origine nucléaire un peu de l’électricité allemande produite au charbon. Ce serait donc un très grand progrès.
Et Claude Mandil conclut de façon lapidaire : « En résumé, ce n’est pas la France qui a besoin de deux EPR, mais l’Europe. S'ils sont en France, pourquoi pas ? Mais pour qu’il soit simple à un Allemand d’acheter de l’électricité nucléaire française, il faut des interconnexions et un marché intérieur achevé".
(Toute l'audition de Claude Mandil vaut d'être lue, notamment pour son analyse de la question du gaz après le conflit russo-ukrainien).
Cette idée de la complémentarité entre l’électricité de base, fournie par le nucléaire, qui est peu « flexible », et l’électricité de pointe, aux heures de grand consommation, par des centrales à gaz (ou a charbon) qui démarrent au quart de tour, est mise en valeur aussi par Colette Lewiner (voir sa contribution sur « la chaine énergie ») et qui répond à plusieurs questions d’Antoine Bassard.
La France est nette exportatrice d’électricité : 47 milliards de kWh en 2008 même si c'est moins que dans le passé. La France a exporté jusqu'à 70 Milliards de kWh. En fait elle manque de moyens dits de "pointe "c'est à dire de centrales fonctionnant économiquement un nombre d'heures (de pointe) limitée dans l'année. Pour être plus spécifique, la France exporte essentiellement en dehors des périodes de pointe de l'électricité produite à partir de l'énergie hydraulique et nucléaire. En période de pointe ce sont les centrales au gaz qui sont compétitives. (…)Le 2ème EPR va permettre de faire face à un accroissement de la consommation intérieure et augmenter les exportations d'électricité produite sans émissions de CO2. On évitera peut-être ainsi que l'Allemagne ne construise toutes les centrales au charbon prévues! «
« On a construit récemment 3 000 MW de centrales de pointe en France et 3 000 MW supplémentaires sont planifiés. Certes ces centrales émettent du CO2 mais en revanche, elles ne fonctionnent qu'un nombre limité d'heures par an. On va un peu dégrader le bilan carbone de la France mais c'est nécessaire …Il n'y a pas de monde parfait. » conclut-elle.
(A noter qu’un internaute nous a fourni un lien sur un compteur d’émissions de C02.Il y a la traduction quotidienne de ce compteur sur "L’usine à Ges").
Riche, très partisan du nucléaire, estime même que les centrales nucléaires, plus l’hydraulique, sont capables d’une production modulée selon la demande. Il cite en appui une analyse de « Sauvons le climat : "Les réacteurs nucléaires peuvent faire face aux variations de la demande".
Il nous fournit d’autre part une série de liens sur la relance du nucléaire dans le monde :
- L’Italie se retourne vers le nucléaire : de la Societa Italiana de Fisica (en italien - 158 pages - un peu long à charger)
- Recommandations de l'Académie des Sciences de France - Energie 2007-2050 - Les choix et les pièges
- La Suède tourne le dos à l’abandon du nucléaire
Merci à tous pour vos informations.
POURSUIVONS LE DEBAT.
N’HESITEZ PAS A NOUS ENVOYER LES LIENS VERS DES INFORMATIONS INTERESSANTES
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Résultat, le dossier de l'Expansion est complètement biaisé : il tombe (délibérément ?) dans le piège d'EDf et Areva qui consiste à ne tenir compte que d'un seul critère : les émissions de co2. En oubliant d'ailleurs que la filière nucléaire émet des quatités non négligeables (et grandissantes) de gaz à effet de serre, mais aussi de la radioactivité dans l'air et dans l'eau, sans oublier les contaminations par les mines d'uranium et la production de déchets radioactifs : mais tout ça c'est... "bon pour l'environnement" !
Voici néanmoins une réponse à l'annonce ridicule de M Sarkozy :
Une France "exportatrice d'énergie" : les errements de M Sarkozy
En déplacement le 6 février sur le chantier du réacteur nucléaire EPR de Flamanville (Manche), M Sarkozy a déclaré : "La France, qui n'a pas de pétrole, qui n'a pas de gaz, va devenir exportatrice d'énergie". Il s'agit d'une nouvelle preuve - rappelons nous du débat de l'entre deux tours de l'élection présidentielle - de l'incompétence de M Sarkozy sur les questions énergétiques.
En effet, tout à fait officiellement, le nucléaire couvre 16% de la consommation française d'énergie. Attention, il faut bien lire "énergie" et non "électricité" : cette dernière est certes à 80% nucléaire en France, mais elle ne représente qu'un cinquième de l'énergie consommée. Le trio "carbonné" pétrole-gaz-charbon couvre, lui, 75% de ce total. On peut le regretter, mais c'est la réalité, et c'est pour cela que, lorsque le prix du pétrole est monté à 147 dollars le baril, la France a été frappée comme les pays voisins. Idem, la France a été touchée lorsque le gaz à été coupé du fait du différent russo-ukrainien, tant en 2006 qu'en 2009. Contrairement à ce qui est trop souvent dit ou écrit, le nucléaire, bien que poussé à son maximum en France, n'assure aucunement l'indépendance énergétique du pays.
Le 6 février, Bercy a publié le bilan énergétique (*) pour 2008 : la facture française s'est alourdie de 13,4 milliards pour atteindre 59,4 milliards. Pour ce qui concerne la seule électricité, le France est certes encore exportatrice mais le solde se réduit : 62 Twh en 2006, 55 en 2007, et 45 en 2008. Qui plus est, la France exporte lorsque le prix du courant est faible et, pour alimenter ses millions de chauffages électriques, elle importe massivement lors des vagues de froid... lorsque le prix est au plus haut.
Résultat, le bénéfice financier de la vente d'électricité est de plus en plus réduit, à peine plus d'un milliard : c'est négligeable par rapport aux plus de 60 milliards payés pour les importations d'énergie. Le "miracle nucléaire" n'existe pas. Pire : si l'on compte le coût des déchets radioactifs et celui du démantèlement des installations nucléaires, qui restent entièrement à la charge de la France, il est probable que la France exporte de l'électricité à pertes.
On nous répondra que, pour gagner enfin de l'argent, il n'y a qu'à augmenter fortement les exportations et pour ce faire, comme le souhaite M Sarkozy, construire de nouveaux réacteurs nucléaires. Or, vu les incroyables surcoûts de construction du réacteur EPR (sur les deux chantiers en cours, en Finlande et à Flamanville), il est fort probable que cela ne ferait qu'augmenter les ventes à pertes.
Mais, surtout, M Sarkozy semble ignorer que tous les pays européens ont désormais des objectifs fermes en matière d'énergies renouvelables, en moyenne 20% d'ici 2020. En construisant de nouveaux réacteurs la France ne pourra atteindre son objectif. Pire : les autres pays se devant d'investir dans les renouvelables, ils n'auront aucun intérêt à importer de l'électricité nucléaire qui, de fait, ferait augmenter la part des énergies non-renouvelables.
Autre absurdité du "raisonnement" de M Sarkozy : il entend vendre des réacteurs nucléaires à la Grande-Bretagne et à l'Italie, principaux importateurs d'électricité française. Si ces ventes de réacteurs se font, les exportations françaises s'effondreront. Que faire alors des nouveaux réacteurs français ? De toute évidence, M Sarkozy n'a pas l'intention de s'embarrasser de ces objections : il entend faire construire des réacteurs quoi qu'il arrive... et réfléchir seulement après.
Nous n'avons évoqué ici que les questions économiques, mais il ne faut pas en déduire que les problèmes environnementaux sont réglés : plus que jamais, le nucléaire fait peser un danger extrême en cas d'accident, et contamine l'environnement par les rejets radioactifs et les déchets nucléaires. Il est grand temps que les citoyens de France prennent eux-mêmes en main leur avenir... et celui de leurs enfants.
Stéphane Lhomme
Porte-parole du Réseau "Sortir du nucléaire"
(*) cf http://lekiosque.finances.gouv.fr/Appchiffre/Etudes/thematiques/A2008.pdf
Dans le monde, des centaines de millions d'hommes et de femmes veulent légitimement accéder à plus de confort ("confort" voulant dire souvent des conditions minimales de santé, d'éducation, de développement). Pour cela, on a besoin d'énergie, de beaucoup d'énergie. Il faudra 1) économiser 2) multiplier la recherche pour trouver de nouvelles techniques 3) développer toutes les énergies existantes de la façon la plus "propre". Il faut faire ces trois choses toutes en même temps, car il n'y a pas de recette miracle, ni d'énergie providentielle. Ni le nucléaire, ni le solaire, ni aucune.
La notion de "miracle", cela appartient au Moyen-Age...
La société américaine Hyperion Power Generation a présenté un concept de mini-réacteur nucléaire transportable lors de la conférence de l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique (AIEA), à Vienne.
Mesurant 1,5 mètre de diamètre, il serait commercialisé d'ici à cinq ans pour alimenter en chaleur ou en électricité des régions isolées ou des petites villes de 20.000 habitants. Hyperion annonce déjà une centaine de commandes pour ses mini-réacteurs, principalement de l'industrie du pétrole et de l'électricité. La première commande vient de la compagnie tchèque TES spécialisée dans les centrales hydrauliques et énergétiques. TES a commandé six modules et mis une option sur douze autres avec un premier projet d'installation en Roumanie. Ce module serait complètement fermé et enterré, ne nécessiterait pas d'entretien et serait à changer tous les cinq à dix ans.
Hyperion ne donne aucune information sur la technologie de son réacteur dont le concept provient des travaux de O. Peterson et d'autres scientifiques du laboratoire américain de Los Alamos. Certains éléments permettent cependant de supposer qu'il s'agit d'un réacteur soit dérivé des moteurs embarqués dans les sous-marins nucléaires, soit de petits réacteurs expérimentaux de type Triga, largement utilisés pour la recherche dans les universités.
Hyperion prévoit de construire trois sites de construction de ces mini-réacteurs avec en vue une production de 4000 unités entre 2013 et 2023.