Auteur
Béatrice Mathieu et Charles Haquet, journalistes à L'Expansion, sont les responsables éditoriaux de la Chaîne Energie.
Le « best of » des débats de « la chaîne énergie »
mercredi 25 février 2009
Les dialogues qui se nouent sur cet espace donnent lieu à de nouveaux sujets de réflexion : en voici quelques uns soulevés au cours des dix derniers jours
« Ceux qui s'opposent à l'EPR au prétexte qu'il serait inutile car nous pourrions diminuer notre consommation électrique ne me semblent pas s'être opposés à la construction de 6,4 GWe de centrales à gaz et charbon prévue dans la programmation pluriannuelle de 2006 », écrit Hervé Nifenecker, président d’honneur de « Sauvons le climat » , en commentant le papier de Jacques Percebois, un des meilleurs spécialistes universitaires des questions de l’énergie.
Sauvons le climat » est un collectif qui est favorable au nucléaire dans la mesure où il permet de limiter les émissions de CO2. Hervé Nifenecker conteste aussi l’argument du coût d’investissement : « les projets de 25 GWe d'éoliennes et de 5,4 GWe de photovoltaïque correspondent à d'énormes investissements, probablement 10 fois plus que l'EPR », écrit-il.
Jacques Percebois, professeur à Montpellier 1, qui a listé les arguments « pour » et « contre » la construction du 2eme EPR lui répond : « Certes, mais n'oublions pas que le nucléaire ne peut pas trop monter dans la courbe de charge et qu'il nous faut aussi prévoir des moyens de pointe; au demeurant un peu de diversification du parc est nécessaire ».
Abandonner Superphenix : "une erreur"
Percebois note que certains de ceux qui sont sceptiques sur la nécessité d’un deuxième EPR pensent qu’on aurait pu passer directement de la génération 2 (l‘actuelle) à la génération 4 (moins gourmande en uranium). Antoine Bassard commente : « Il y a toujours ce type de dilemme dans le nucléaire : faut-il tout mettre dans la recherche fondamentale pour un nouveau type de procédé, ou investir dans l’application industrielle. Il y a la même question au delà de la génération IV de la fission, à savoir la recherche sur la fusion, c’est-à-dire ITER. Faut-il dépenser avec le projet mondial en cours à Cadarache –pour une technologie révolutionnaire qui ne marchera peut-être jamais- ou mettre le paquet sur le développement industriel qu’on sait possible de la génération 4 ».
« Au passage, poursuit-il, cette génération 4 n’était-elle pas en germe dans Superphenix ? Et l’arrêt de ce projet signifie-t-il que tout a été perdu ?
». « Oui, répond Jacques Percebois, le réacteur de type RNR (neutrons rapides) est dans le prolongement de Superphenix; il bénéficiera heureusement d'améliorations; le fait d'avoir fermé Superphénix (pour des raisons strictement politiques) fut une erreur qui nous a sans doute conduits à prendre un peu de retard dans ce domaine.
La fuite en avant du nucléaire
Le papier d'Hervé Nifenecker , soulignant que la France –grâce au nucléaire- émet beaucoup moins de C02 que l’Allemagne , a suscité de longs débats (voir le dialogue in extenso).
Le premier , lancé par Stank, était inévitable : si elle émet moins de CO2, en revanche, la France doit gérer sur le long terme les déchets nucléaires. La France a choisi la politique de retraitement des déchets –y compris ceux des autres- ce qui permet de diminuer leur volume. La mise en place de réacteurs de 4eme génération ( à l’horizon 2050) devrait permettre, par la transmutation, d’en réutiliser une grande partie.
« Décider une sortie du nucléaire, souligne Hervé Nifenecker, ne change pas vraiment le problème, sauf qu'elle interdira définitivement la réduction du volume de déchet par la transmutation et que les compétences qui sont absolument nécessaires pour gérer les déchets simplement entreposés (et non stockés définitivement) disparaîtront (…) Au bout du compte il est bien possible que les Allemands finissent par devoir gérer un plus grand volume de déchets de haute activité et de vie longue que les Français ».
Stank réagit tout de suite : « Je trouve assez peu vertueux le raisonnement selon lequel on peut (ou doit) continuer dans le nucléaire... parce qu'on a déjà des déchets à gérer de toute façon ».
Les dangers du « tout électrique »
Cette « fuite en avant », Stank la constate sur un autre plan :
« Le lobby nucléaire a fait la promotion du tout électrique depuis les années 80 (…). Energétiquement c'est absurde : on produit de la chaleur avec le rayonnement nucléaire, on la convertit en électricité dans une turbine à vapeur, on transporte l'électricité dans un réseau, et enfin on la re-convertit en chaleur dans un convecteur. Cette filière a un rendement énergétique global bien inférieur à 30% (de la centrale nucléaire au chauffage, sans compter les dépenses énergétiques d'extraction et enrichissement de l'uranium). (…)On a poussé le chauffage électrique parce qu'on avait besoin de consommation pour construire un parc nucléaire rentable dans les années 70-80. Un des gros défaut du nucléaire est qu'il n'incite pas à la réduction des consommations du tout. Structurellement le nucléaire pousse à la consommation ».
Hervé Nifenecker, qui ne laisse jamais un commentaire sans réponse, ne nie pas l’importante déperdition entre énergie consommée et électricité produite. « Je pense, toutefois que se focaliser sur la seule efficacité au niveau de la production d’électricité est une erreur. Le rendement des cellules photovoltaïques commerciales n’excède pas 15%. Est-ce une raison qui, en soi, justifierait d’abandonner cette technique ? Non, bien sûr, car l’énergie primaire (le flux solaire) ne coûte rien, et ne produit pas de CO2. Le rendement n’est donc pas le seul critère ».
La comparaison des risques
Claude lance la polémique : » La mauvaise foi des anti-nucléaires m'énerve toujours un peu lorsqu'ils mettent en avant le risque à long terme de la gestion des déchets nucléaires.
Ils privilégient ainsi un risque "POTENTIEL" (excusez le pléonasme) à deux risques immédiats ou à court/moyen terme : la silicose d'une part qui fait actuellement dans le monde quelques dixaines de milliers de morts TOUS les ans (on meurt encore de silicose ACTUELLEMENT en france), et le réchauffement climatique d'autre part. Je ne compte pas les milliers de morts annuels par accidents du travail dans des industries lourdes comme le charbon et le pétrole. Le nombre d'accidents du travail dans la filière "uranium" est sans commune mesure ».
« Irisyak », qui anime le blog "Energies nouvelles" - rebondit sur cette question des risques ,
»Le coût de l'électricité ne comporte pas le coût des assurances en cas d'accident majeur. dans ce cas c'est l'Etat qui s'en occupe et on voit ce qu'il en est à Tchernobyl!! « .
Réponse d'Hervé Nifenecker : il n’est pas exact que les producteurs d’électricité ne sont pas assurés. Aux USA les électriciens privés sont assurés jusqu’à un montant de 1 à 2 milliards d’euros. C’est un des domaines d’activité que les assureurs préfèrent car très profitables (heureusement). EDF s’assure elle-même jusqu’à une somme du même ordre. Au delà de quelques milliards de dollars ce serait, effectivement, les Etats qui devraient faire face aux dépenses. Le coût de la catastrophe de Tchernobyl a été estimé aux environs de 100 milliards de dollars. comparable à celui de la catastrophe Katrina (80 milliards de dollars, 1800 morts) ».
Décentraliser la région parisienne
Enfin, Irisyak regrette qu’il n’y ait pas plus de crédits pour la recherche en énergies nouvelles : » nous avons 90% des crédits de recherche dans le nucléaire. Si les crédits étaient plus modulés les microalgues produiraient la biomasse à raison de 100 tonnes à l'hectare à des coûts supportables. Il suffit de se reporter aux travaux réalisés au Portugal qui détient la plus grande algothèque du monde ».
D’autre part, il avance des idées en matière d’habitat : »il faut décentraliser les activités de la région parisienne et créer dix villes de 500 000 habitants et notre pays respirera....On voit de plus en plus des territoires autonomes en énergie et le phénomène va s'accentuer au fil du temps et de l'expérience. Les "smart grids" (les réseaux intelligents) fonctionnent de mieux en mieux ».
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