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 - Ingénieur et démographe

Auteur
Ingénieur des mines, démographe, Dominique Bidou a été directeur de la Qualité de la Vie au Ministère de l'environnement. Il est président d'honneur de l'Association HQE (Haute qualité environnementale)...

Quantifions le coût économique des désastres écologiques


lundi 21 juin 2010

L'exploitation des sables bitumineux est loin d'être aussi rentable que celle des puits de pétrole texans. Pourtant, les exploitants s'y retrouvent financièrement : c'est que le coût de l'énergie a rendu celle-ci rentable...car ceux des désastres écologiques ne rentrent pas dans l'équation.


Le pétrole finit par nous coûter très cher. A la pompe,  ce n'est pas nouveau, mais pour l'ensemble de la collectivité, à la planète, la facture est de plus en plus lourde : On parle beaucoup de l'effet de serre, qui occupe tous les esprits, mais l'extraction et le transport du pétrole vont finir par peser aussi lourd, même si la facture n'est pas payée dans la même monnaie.

C'est la richesse biologique, la productivité primaire, qui est atteinte en premier, avec des effets irréversibles, mais il y a aussi du souci à se faire sur l'effet de serre : l'océan est le plus grand absorbeur de CO2, et la pollution affecte aussi le plancton, les échanges entre la mer et l'air.

Le "cycle de vie" du pétrole n'est pas un long fleuve tranquille. La ressource est effectivement abondante. Seules les formes les plus faciles à extraire ont été exploitées. A 15 $ le baril, on ne peut qu'écrémer le potentiel, on ramasse ce qui est à portée de derrick,  et on laisse tomber le reste. A 80 ou 100 $, tout est différent. Le niveau du cours conditionne le volume disponible, ce qui accentue les incertitudes sur les réserves et le « peak oil».

On a pu se réjouir du prix élevé  du pétrole, en espérant qu'il permettrait aux énergies renouvelables de trouver leur place, mais il encourage aussi la recherche du pétrole dans des contextes difficiles : plus loin dans la mer et plus profond dans les couches géologiques, et même les deux à la fois. Des territoires sensibles, extrêmes, sont aujourd'hui menacés, dans le grand Nord comme dans le grand Sud.

L'accident retient l'attention, et c'est bien normal, mais il ne faut pas oublier les autres méfaits de l'extraction forcenée du pétrole. Il existe d'autres formes d'exploitation destructrices d'environnement et de vie sociale. Avec des réserves considérables, ce qui est bien inquiétant. Il s'agit des sables bitumineux. On en trouve dans plusieurs régions du monde, Russie, Jordanie, Venezuela, République du Congo, Madagascar, et le gisement le plus important est au Canada, précisément dans la province d'Alberta. Le pétrole y est mélangé aux sols en faible concentration, dans d'immenses territoires couverts de forêts et de lacs. Une perspective de 170 milliards de barils de pétrole, de quoi retarder le "pic" de quelques années et aiguiser  les appétits des sociétés pétrolières.

L'exploitation se fait à ciel ouvert, après destruction de la forêt, ou par injection de vapeur d'eau en haute pression, pour récupérer l'or noir à la sortie. Ce dernier mode exige d'immenses quantités d'eau et d'énergie, et les eaux ainsi chargées restent polluées. Quelle que soit la méthode, il n'est pas question ici de risque de pollution, mais de certitude, pour lesquelles les compagnies pétrolières investissent chaque année des dizaines de milliards de dollars. La forêt boréale du Canada et la forêt primaire de Madagascar auront du mal à résister à cette formidable pression.

Le bilan énergétique de cette exploitation est médiocre, bien moins bon que celui du pétrole extrait au Texas par exemple, mais meilleur que les biocarburants de première génération. Le rapport énergie extraite sur énergie investie est de l'ordre de 1,5 à 3 selon le type de produit recherché (carburant ou bitume) alors qu'il est de 15 pour les extractions off shore et de 100 pour les grands gisements au sol (merci Wikipédia). La limite physique, où l'énergie injectée serait égale ou supérieure à l'énergie extraite n'arrêtera pas  l'exploitation des sables bitumineux. C'est juste une affaire d'argent. Le coût de l'énergie a rendu celle-ci rentable, et elle le restera tant que les dégradations portées à l'environnement, la destruction des ressources, la pollution de l'eau,  et le coût climatique n'entreront pas, eux aussi, dans l'équation économique.

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