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 - Directeur expert à l' IFP pour les technologies de l'offshore

"Il y a eu un déséquilibre de pression sur la plateforme Deepwater Horizon"


lundi 14 juin 2010

Alors que Barack Obama va intensifier son action sur BP dans les prochains jours, Jean Guesnon, expert pour les technologies offshore à l'Institut Français du Pétrole, revient pour la chaîne Energie sur les différentes méthodes employées par le groupe pour stopper la marée noire.


Jean Guesnon est Directeur expert pour les technologie de l'offshore à l’Institut Français du Pétrole

Les conditions de forages étaient-elles particulièrement dangereuses ? Les groupes pétroliers ont-ils l’habitude de creuser si profond ?

Le forage est toujours une activité dangereuse, mais elle est, en principe, bien maîtrisée. Cependant, les conditions dans lesquelles fût pratiqué le forage sur la plateforme Deepwater Horizon n’étaient pas extrêmes. Creuser un puits à 1500 mètres de profondeur est devenu assez commun, lorsque l’on sait qu’il est aujourd’hui possible d’aller jusqu’à 3000 mètres.

Comment expliquer qu’une telle explosion se soit produite ?

Une enquête est en cours, elle seule pourra nous apporter tous les éléments pour l’expliquer. En tout cas, il est avéré que ce n’est pas la profondeur d'eau qui est en cause, mais bien ce qu’il s’est passé dans le puits. Nous savons qu’il y a eu un déséquilibre de pression dans le puits, comme cela peut parfois se produire. Normalement, pour maintenir un équilibre, la pression dans le puits doit être supérieure à celle des formations rocheuses : ici, le manque de pression a  provoqué une venue de pétrole et de gaz dans le puits qui a abouti  à une explosion en surface.

Est-ce la première fois que ce type d’incident survient sur une plateforme pétrolière ?

Non, un incident de ce type est notamment survenu en 1979 dans le golfe du Mexique, mais dans une profondeur d’eau beaucoup plus faible. La pollution fût d’ailleurs encore plus importante. Ce qui est arrivé sur la plateforme Deepwater Horizon est totalement différent : le puits, long de 6 km, est une réalité plus complexe.

Ce qui explique certainement l’incapacité de BP à trouver rapidement un moyen efficace de contenir l’épanchement…

Les solutions misent en œuvre par le groupe pétrolier ont été développées dans l’urgence. En principe, la première solution pour contenir l'éruption aurait été de couper la vanne à la tête de puits, mais dans le cas de Deepwater, il est clair que cela n'a pas fonctionné. D’autre part, il semblerait qu’il n’ait pas non plus été possible de déconnecter le "reiser" (prolongement du puits entre l'eau et la surface), ce qui aurait permis de sauver la plate-forme et 11 vies humaines. BP a alors tenté de mettre en place des moyens de collecte pour récupérer le pétrole (dômes de différentes tailles), mais il s'est heurté à la formation de cristaux d’hydrates. L’entreprise a ensuite essayé d’insérer un tube dans le "reiser", car elle n’avait pas accès à la «tête» du puits, ce qui lui a permis de récupérer des centaines de mètres cube par jour, mais pas suffisamment pour stopper la marée noire. Elle a également essayé d’injecter du fluide (de la boue) pour étouffer le puits, mais en vain. En début de semaine, après un mois d’essais, BP est finalement parvenu à couper le "reiser" et placer un dôme étanche sur la  tête du puits. Cette solution permet au groupe de se concentrer sur les moyens à mettre en œuvre en surface, pour traiter le pétrole, le pomper et le stocker. Seul le forage de puits secondaires permettra d’arrêter totalement la fuite : ces puits viendront intercepter le puits éruptif et permettront de percer le cuvelage pour  injecter de la  boue « lourde » directement dans le puits originel. Mais il faudra attendre le mois d’août…

Propos recueillis par Léa-Sarah Goldstein
 
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