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Auteur
Olga Gerasimchuk est doctorante au Centre de Recherche Europe-Eurasie, à l'INALCO (Institut national des Langues et Civilisations orientales).

Le gaz naturel liquéfié en Europe : un atout face au gaz russe


lundi 24 août 2015

L'Europe a relancé son projet d'"union de l'énergie", avec comme priorité de mieux assurer sa sécurité d'approvisionnement, notamment en gaz. Le gaz naturel liquéfié (GNL) peut jouer un rôle important dans cette perspective.


En dépit d'une certaine accalmie dans les guerres de gaz entre Moscou et Kiev, l'Europe, pour des raisons géopolitiques connues, poursuit fermement sa politique énergétique, visant à réduire au maximum sa dépendance vis à vis du gaz russe. Une diversification de ses sources d'approvisionnement énergétique demeure toujours au coeur de cette stratégie.

L'Europe continue à promouvoir la création du « Corridor Sud », cher à la Commission européenne, qui permettrait d'acheminer en Europe le gaz de la Mer Caspienne, notamment d'Azerbaidjan. Mais elle compte aussi se tourner davantage vers le gaz naturel liquéfié (GNL). Contrairement au gaz de pipeline, soumis à des liaisons fixes, le GNL est transportable par méthaniers et offre un accès à un plus grand nombre de fournisseurs, dans tous les coins du monde. De ce seul fait devient une alternative stratégiquement importante au gaz naturel russe.

Selon Cedigaz, centre d'information international sur le gaz naturel, les importations européennes de GNL ont augmentées de 27,8% depuis le début de 2015 pour atteindre 15,9 millions de tonnes de gaz, à rapporter au 12,4 millions de tonnes constatées sur la même période en 2014. Cette augmentation récente dans les importations de gaz naturel liquéfié constitue-t-elle un tournant dans la politique européenne de diversification ou n'est-elle qu'un changement conjoncturel de tendance, où l'Europe absorbe simplement l'excès de GNL résultant d'une baisse des prix sur le marché asiatique ?

Une demande peu régulière

Contrairement aux marchés asiatiques du gaz, qui tout au long de leur développement ont toujours manifesté une dynamique positive de leur demande de GNL, le marché européen a souvent connu un caractère intermittent de la demande. Cette situation s'explique en grande partie par les changements structurels dans la production électrique européenne, fortement marqué par le retour du charbon bon marché, notamment le charbon américain concurrencé sur place par le gaz de schiste, ainsi que par l'augmentation lente, mais sûre des énergies renouvelables. Mais c'est le ralentissement de la croissance économique qui a joué un rôle prépondérant.

La baisse de la consommation de gaz s'est immédiatement traduite par la diminution importante des importations. Résultat, la part de l'Europe dans l'importation mondiale de GNL a sensiblement chuté pour atteindre 28% en 2009 et 21% en 2012. En tout début de 2014, la part européenne dans le commerce du gaz naturel liquéfié n'a atteint que 14%. De cette situation a résulté une réduction marquante des capacités d'importation de GN, c'est-à-dire des ports méthaniers et des usines de regazéification du GNL. En 2013, le taux d'utilisation des terminaux d'accueil de GNL en Europe s'est situé à 26%, un déclin substantiel par rapport à 2012 et 2011, où ces derniers fonctionnaient à 33 et 45% respectivement de leur potentiel. Dans la 2ème moitié de 2014, ces mêmes terminaux, conçus pour traiter des dizaines de milliards de m³ de gaz par an, ne fonctionnaient pas à plus de 15% de leurs capacités initiales.
      
Paradoxalement, la diminution de l'importation de GNL n'a pas conduit à la suspension de nombreux projets de construction de terminaux de regazéification de GNL en Europe. A ce jour, les importateurs historiques de la zone tels l'Espagne, l'Italie, ou encore la France continuent à augmenter leurs capacités de regazéification, qu'il s'agisse de l'expansion de terminaux existants ou de la construction de nouveaux terminaux de GNL. En 2013, L'Italie a mis en exploitation son premier terminal flottant de regazéification FSRU LNG Toscana à Livorno pour une capacité d'importation de 3,75 Gm³ de gaz/an. Cette année la France prévoit la mise en service du plus grand terminal méthanier en Europe occidentale, celui de Dunkerque LNG d'une capacité de 13 Gm³ par an.

Des contraintes techniques

Traditionnellement plus dépendante du gaz naturel de pipeline, notamment russe, l'Europe orientale ne manque pas non plus d'initiatives quant au développement de sa propre industrie de GNL, d'autant plus que la situation géographique des pays de la zone le permet. La Lituanie est la première à mettre en oeuvre le GNL. Depuis décembre 2014, le pays loue un FSRU auprès de la compagnie norvégienne  Höegh LNG, lui permettant d'importer 2,2 MT de gaz par an. D'autres projets de GNL sont à ce jour à l'étude en Lettonie, Estonie et Finlande. Quant à la Pologne, le pays prévoit la mise en place de son premier terminal d'importation du GNL à Swinoujscie sur la côte Baltique d'une capacité initiale de 5 Gm³ de gaz/an, ce qui lui permettra de desserrer l'étau gazier de Moscou.

Mais le recours à grande échelle au GNL se heurte à une contrainte structurelle, la nécessité pour les unités de regazéification de se trouver sur le littoral, afin de permettre aux méthaniers d'approvisionner ses unités. Certains Etats européens tels la Hongrie, la Slovaquie voire la Serbie sont totalement enclavés et dépourvus d'accès à la mer. Aussi, si le développement du GNL constitue une bonne alternative au gaz russe de pipeline, elle ne peut s'envisager que dans le cadre de la mise en place d'un véritable marché intégré européen et donc par la généralisation de l'interconnexion des réseaux nationaux existants.

Si le gaz naturel liquéfié représente une option indéniablement plus avantageuse par rapport au gaz de pipeline du point de vue purement géostratégique, elle reste donc complexe à court terme en raison d'un ensemble de contraintes d'ordre technique et économique.


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2 commentaire(s)
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Commentaire par Redux
mardi 25 août 2015 01:28
Compte-tenu des pertes de méthanes lié au transport, le GNL est plus polluant que le charbon pour un coût plus important... Alors à quoi bon ?
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Commentaire par FATMA HAYEK
jeudi 20 octobre 2016 19:49
Bonjour,Oui en effet plus le temps passe plus le gaz est amené un peu à disparaître de nos habitations de plus en plus de logement sont entièrement électrique ou voir même maintenant des énergies renouvelables telles que l'énergie solaire consultez ceci : http://www.dusolaireetdeshommes.com/
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Olga Gerasimchuk est doctorante au Centre de Recherche Europe-Eurasie, à l'INALCO (Institut national des Langues et Civilisations orientales).

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