Par Emmanuel Buovolo
- Chargé de campagne pour Greenpeace France
"BP est impuissant face à l'accroissement de la fuite"
Par Emmanuel Buovolo
- Chargé de campagne pour Greenpeace France
mercredi 19 mai 2010
Un mois après l'explosion de la plateforme pétrolière dans le Golfe du Mexique, plus de 800 000 litres de pétrole se déversent, chaque jour, dans l'océan. Alors que la direction de BP minimise le drame, l'ONG Greenpeace, elle, crie au scandale.
La chaîne Energie : Interrogé par la presse mardi 18 mai sur les conséquences environnementales de la marée noire au large des côtes de la Louisiane, le patron de BP Tony Hayward, a déclaré que la catastrophe n’aurait qu’un «impact modeste» sur l’environnement. Que vous inspire cette affirmation ?
Emmanuel Buovolo : Notre constat est simple : BP essaye de minimiser l’impact de la marée noire ! Nous savons déjà que l’impact environnemental de cette catastrophe est très important et qu’il le sera chaque jour un peu plus. La compagnie ne cesse de communiquer sur les mesures mises en œuvre, alors qu’elle est totalement impuissante face à l’accroissement constant de la fuite de pétrole brut. On sait d’ailleurs qu’elle ne parviendra, au final, qu’à ôter 10 à 20 % des hydrocarbures, comme c’est malheureusement la règle dans les cas de marées noires. L’usage massif de dispersants, après différents essais peu concluants (incendie, cloche…) le montre bien.
Voir l'article de l'Expansion sur les déclarations de Tony Hayward
Ces dispersants sont des solutions chimiques toxiques. Quels sont les risques inhérents à leur utilisation pour l’écosystème marin ?
Les dispersants, dont le Corexit, ne sont en effet pas très recommandables. Certains de ses composants sont considérés comme dangereux pour les animaux (baisse de fécondité, malformations…) par l’Etat de Californie, d’autres comme le proxylène glycol, un dégivrant, entraine une consommation importante de l’oxygène présent dans l’eau…et mettent en danger la vie animale, notamment celle des poissons. Ces solutions ont cependant un avantage relatif, celui de disperser le pétrole dans les fonds marins (1500 m de profondeur) et, ainsi, de préserver un peu plus la faune qui vit en surface, comme les oiseaux. Mais il ne faut pas se leurrer, même en profondeur, le pétrole reste extrêmement nocif et pénètre dans la chaîne alimentaire d’autres espèces !
Cette catastrophe semble donc insoluble. Doit-on s’attendre au pire ?
Il est difficile de se prononcer tant les informations tombent au compte-goutte. Les estimations sur la taille de la fuite sont régulièrement revues à la hausse, et nous disposons de peu de clés pour évaluer et établir des pronostics car ce type de forage est nouveau, et très profond. Les dommages causés par une marée noire sont durables, et les experts craignent par exemple l’apparition de « zones mortes » à cause du manque d’oxygène dans les fonds marins, et de très graves atteintes à venir sur les barrières de corail. Cette catastrophe montre, par son ampleur sans précédent, la nécessité absolue pour les Etats-Unis de penser un nouveau modèle de production énergétique, basé sur les énergies renouvelables non polluantes. Les exploitations pétrolières offshores sont très dangereuses, et les lacunes dans les mesures de prévention et de sécurité ont, encore une fois, amené au drame que nous connaissons. C’est pourquoi nous demandons aujourd’hui un moratoire sur l’exploitation offshore, et un contrôle drastique des relations qu’entretiennent Etats et groupes pétroliers.
Voir la vidéo "Etat des lieux" de Greenpeace
Voir le diaporama (29 avril) "La fuite en avant vers les fossiles"
Propos recueillis par Léa-Sarah Goldstein
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