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 - Ingénieur et démographe

Auteur
Ingénieur des mines, démographe, Dominique Bidou a été directeur de la Qualité de la Vie au Ministère de l'environnement. Il est président d'honneur de l'Association HQE (Haute qualité environnementale)...

Fukushima, Amoco Cadiz, Malpasset : et si on allait vers l'énergie diffuse?


mercredi 30 mars 2011

Concentrer l'énergie est bien sûr utile pour les besoins des industries et des grandes métropoles. Mais elle provoque des catastrophes. Si on essayait de relancer l'idée que "small is beautiful"?


Le blog de Dominique Bidou

Une bonne partie de nos besoins en énergie sont diffus, répartis sur le territoire. Ça tombe bien, la ressource est, elle aussi, le plus souvent diffuse.

Nous l'avons concentrée pour des raisons de pouvoir, de contrôle, autant que pour des raisons techniques. Pourquoi pas un nouveau modèle de développement pour l'énergie, privilégiant le diffus ?

L'énergie est partout dans la nature, le vent, le soleil, les cours d'eau, les vagues, les marées et les courants marins en sont quelques illustrations que nous observons tous les jours.

Elle se trouve parfois sous forme concentrée, ce sont les cyclones, la foudre, les tremblements de terre, les raz-de-marée. Ces manifestations de force que la nature nous inflige parfois sont de véritables épreuves, souvent des catastrophes, comme celle que le Japon connait aujourd'hui. L'énergie concentrée est dangereuse.

Pourtant, nous nous ingénions à la concentrer artificiellement. C'est de l'eau, que nous accumulons derrière des barrages, dans les hauteurs, pour la turbiner quand nous en avons besoin ; c'est du pétrole ou du gaz, transporté et stocké dans des supertankers ou de gigantesques réservoirs ; ce sont des matières radioactives, que nous concentrons avec d'immenses précautions tellement elles sont puissantes.

Voilà une énergie dormante, souterraine le plus souvent, qui ne demandait rien à personne, qui se trouve mobilisée en masse, prête à l'emploi. Un emploi pour notre bonheur, le confort et la production industrielle, si tout va bien. Mais aussi pour la catastrophe, à la mesure du degré de concentration, en cas de malheur. Les exemples de ces malheurs sont rares, il faut le rappeler et s'en réjouir, mais le risque zéro n'existe pas, comme les industriels nous le rappellent régulièrement, avec raison. Quand les affaires tournent mal, les dégâts sont impressionnants. Les noms parlent d'eux-mêmes, Malpasset (1959), Feyzin (1966), Torrey-Canyon (1967) et Amoco Cadiz (1978), et bien sûr Tchernobyl (1986), quelques exemples de catastrophes qui nous ont touchés en France, et il y en a beaucoup plus dans le monde.

La voie d'une énergie décentralisée

Les concentrations d'énergie sont malgré tout très utiles pour certains usages, essentiellement industriels, et pour alimenter les grandes concentrations humaines, dont on nous dit qu'elles sont l'avenir de l'humanité. Small ne serait plus beautiful. Il n'en reste pas moins qu'une bonne partie de nos besoins sont diffus, tout comme l'énergie dans la nature. Ne faut-il donc miser que sur l'énergie concentrée, et chercher systématiquement à répondre aux besoins que par des systèmes lourds, centralisés, bien contrôlés.

N'y a -t-il pas une autre voie ?

La sagesse, et sans doute l'avenir, ne serait-elle pas de privilégier l'énergie diffuse, et de ne réserver l'énergie concentrée qu'aux applications où elle est réellement nécessaire ? L'exigence affirmée pour 2020 de ne construire que des bâtiments à énergie positive traduit cette orientation, qu'il convient d'étendre au maximum d'activités. Sous toutes les latitudes, chaque mètre carré de sol reçoit une bonne dose d'énergie, intermittente, mais stockée sous différentes formes, dans le sol ou dans la biomasse. L'avenir est ainsi amorcé, paradoxalement, sur le continent antarctique, avec la station Princess Elisabeth (*). Voilà un ensemble érigé dans les conditions les plus défavorables, et qui, malgré tout, est emblématique du « zéro émission ». Il s'agit bien sûr d'un exploit exceptionnel réalisé par nos amis Belges, prenons-le comme la figure de proue d'un mouvement à développer avec détermination.

Il n'y a pas que l'habitat. Celui-ci représente une grande part de notre consommation d'énergie, mais l'énergie diffuse pourrait fort bien concerner de nombreuses activités et les transports. L'intégration maison individuelle-voiture électrique est souvent évoquée, mais le mouvement est actuellement relayé par les transports maritimes, dont on connait l'importance. Les 300 cargos de la compagnie américaine Cargill vont progressivement revenir à la voile, évidemment modernisée. Ils vont se doter du dispositif imaginé par la société allemande SkySails, une sorte de cerf-volant géant qui réduit d'un tiers la consommation de carburant.

Nous ne sommes qu'au début d'un retournement de tendance. Après une longue période de concentration, vient la tendance à une valorisation diffuse des ressources en énergie. Il faudra du temps, beaucoup d'intelligence et quelques crédits de recherche pour trouver un équilibre économique à grande échelle, mais le virage est amorcé.

Il y aura sans doute toujours de fortes concentrations, avec les dangers qui vont avec, mais ce ne sera pas la règle, la solution unique.

Small redeviendra peut-être beautiful.

(*) On pourra se reporter sur ce point au très bel ouvrage Princess Elisabeth, station polaire Zéro émission, PC Editions.
1 commentaire(s)
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Commentaire par Simon
mercredi 30 mars 2011 08:58
N'y a-t-il pas une erreur de date pour l'accident de Feyzin: 1966 et pas 1974 ?

[Réponse de l'auteur]
Merci, Simon, d'avoir rectifié cette erreur : c'est bien en 1966, et non en 1974, que la catastrophe de Feyzin a eu lieu. Mille excuses pour cette faute, qui, heureusement en un sens, ne change rien au fond du billet.
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