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Diplômé de l’EM Lyon et de l’Université Hébraïque de Jérusalem, Stanley Nahon a débuté sa carrière dans la banque d’investissement avant de rejoindre Booz & Company en 2000 en qualité de consultant...

Le monde à court de pétrole ? Un scénario erroné


lundi 14 décembre 2009

Le secteur de l’énergie fait l’objet de nombreux mythes, dont l’un persiste depuis de nombreuses années : le monde sera bientôt à court de pétrole. Ce scénario est largement erroné.


Stanley Nahon est consultant chez Booz and Company

Contrairement aux idées reçues, il reste de nombreuses sources de pétrole conventionnel dans le monde.  Des sources non-conventionnelles telles que les sables ou les schistes bitumineux et d’autres sources alternatives comme le gaz naturel ou le charbon pourront également être exploitées.

Toutefois, force est de reconnaître que la production de pétrole n’a pas suivi l’augmentation de la demande. Ce déséquilibre entre offre et demande est à l’origine du niveau record du prix du pétrole au cours de ces dernières années. En effet, la production actuelle fournit les quelque 85 millions de barils que la planète consomme chaque jour et consommera dans les années à venir. Compte tenu du fait qu’il est peu probable que cette tendance s’inverse dans un futur proche, une augmentation du prix du pétrole et une plus grande dépendance vis-à-vis des pays de l’OPEP et de l’Arabie Saoudite sont à prévoir. Ceci aura pour conséquence d’accroître plus encore la volatilité des prix et les inquiétudes des pays importateurs concernant la sécurité de l’approvisionnement énergétique. 


 






















Une plus forte dépendance vis-à-vis des pays de l’OPEP


Du côté de l’offre, l’exploitation de nouveaux gisements pétroliers dans les années 80 et 90 s’est accélérée, avec une augmentation de la production de pétrole des pays hors OPEP provenant essentiellement des pays de l’ex-URSS et des gisements de mer du Nord, d’Alaska et d’Afrique de l’Ouest. Ces sources de production complémentaires ont permis de maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande. Mais depuis le milieu des années 90, la production de pétrole provenant des régions hors OPEP connaît une diminution continue. 
A titre d’exemple, depuis le pic des années 80, la production du plus grand champ pétrolifère d’Alaska, Prudhoe Bay, a chuté des deux tiers. D’autres champs en mer du Nord et au Mexique, connaissent également un déclin. La production de Pemex (compagnie pétrolière publique mexicaine) a diminué de 15 % depuis son pic en 2004. 






















A terme, les pays importateurs de pétrole deviendront de plus en plus dépendants de l’OPEP. En 2005, celle-ci concentrait 42% de la production mondiale de pétrole. Selon les prévisions de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), l’OPEP fournira vers 2030 plus de la moitié de l’offre mondiale de pétrole. Une telle concentration de la production conduira très probablement à une augmentation de la volatilité des prix et à la concentration des réserves dans des régions politiquement instables.
   
La production de pétrole conventionnel au maximum de ses capacités

Les producteurs de pétrole conventionnel ne se sont pas tournés assez rapidement vers de  nouvelles réserves pour faire face à l’augmentation constante de la demande. Dans le cadre de son évaluation globale des réserves de pétrole, l’AIE prévoit que les principaux pays producteurs du Moyen-Orient ne seront pas aptes, à court terme, à répondre à cette augmentation de la demande. En parallèle, les compagnies pétrolières internationales sont également au maximum de leur capacité.

Augmenter la production sera donc difficile et assurément plus coûteux. En effet, à long terme, la croissance continue de la demande et le maintien de prix relativement élevés se traduiront par la recherche et l’exploitation de nouvelles sources de pétrole conventionnel qui, contrairement aux sources actuelles, se trouveront dans des sites isolés et des champs pétrolifères où le forage se révèlera plus difficile (offshore en eau très profonde, puits à hautes pressions et températures…)  et donc plus coûteux. 

Montée en puissance et limites des nouveaux gisements de pétrole et des ressources alternatives

Le pétrole non-conventionnel

La demande importante et les prix élevés rendent plus attractifs les sources non conventionnelles, schistes et sables bitumineux, autrefois considérées comme peu rentables. Du point de vue de la sécurité des approvisionnements, ce pétrole non conventionnel ,disponible au sein de zones géographiques stables,  présente un intérêt certain pour les pays importateurs. Toutefois, d’un point de vue environnemental, il pose  encore d’importants problèmes. 

Les sables bitumineux

Il existe de vastes réserves de sables bitumineux dans le monde. Ils contiennent du sable, de la craie, de l’eau ainsi que des formes très visqueuses de pétrole. L’extraction et le raffinage des sables bitumineux deviennent rentables lorsque le prix du pétrole est supérieur à 40 – 50 $.  L’un des avantages majeurs de ces sables bitumineux est la stabilité politique des zones géographiques dans lesquelles ils se trouvent. 75 % des réserves connues sont situées au Canada et au Venezuela. Aujourd’hui, le Canada produit quotidiennement 1,2 millions de barils à partir de sables bitumineux, qu’il exporte vers les Etats-Unis. Sa production pourrait atteindre 5 millions de barils par jour d’ici 2030, ce qui permettrait de répondre à près de 20% de la demande américaine.
Cependant, la transformation des sables bitumineux en carburant ne présente pas un bilan écologique très favorable. Si les utilisateurs finaux, via leur consommation de carburant et de pétrole au sens large, émettent du gaz à effet de serre, les processus d’extraction et de transformation en génèrent aussi une quantité considérable. Ce problème pourrait être toutefois surmonté grâce à des technologies qui permettraient de retenir et de stocker le CO2 émis, mais cela en augmenterait inéluctablement le coût.

Les schistes bitumineux

Comme les sables bitumineux, le pétrole est aussi présent dans la roche. Les réserves potentielles représentent l’équivalent de 3 trillions de barils de pétrole. La moitié des dépôts connus dans le monde se trouvent dans l’ouest des Etats-Unis principalement dans les états du Colorado, de l’Utah et du Wyoming. On a estimé qu’entre 500 milliards et 1,1 trillion de barils de pétrole pouvaient être exploités à partir des schistes bitumineux. Cette quantité représente plus du quintuple des réserves connues de l’Arabie Saoudite.
Cependant, la transformation du schiste en pétrole requiert beaucoup plus d’investissement que les processus actuels utilisés pour transformer les sables bitumineux. Pour atteindre le seuil de rentabilité de la production de ce pétrole, on estime qu’il devrait être vendu entre 40 et 100 $ le baril. Les schistes bitumineux soulèvent le même type de problèmes concernant l’environnement et les gaz à effet de serre que les sables bitumineux dans la mesure où son extraction nécessite de très importantes quantités d’énergie.
Il faudrait plus de 10 ans et des investissements massifs pour mettre en place une infrastructure qui permette une production commerciale à grande échelle . Si le prix du pétrole continue à augmenter, ou si l’offre de pétrole importé des Etats-Unis venait à être menacée pour des raisons géopolitiques, le pétrole issu du schiste pourrait devenir une option envisageable.

 Les sources de carburants alternatives: charbon et gaz naturel

Le charbon

Le charbon liquéfié devient rentable à partir d’un prix du pétrole supérieur à 50 – 100 $ le baril. L’exploitation de cette ressource pourrait renforcer la sécurité énergétique des pays disposant d’abondantes réserves de charbon tels que les Etats-Unis, la Chine, l’Inde et l’Australie (à titre de comparaison, les réserves de charbon des Etats-Unis sont plus importantes que les réserves de pétrole de l’Arabie Saoudite).

Le gaz naturel

Transformer du gaz naturel en carburant liquide est relativement simple et devient rentable à partir d’un prix du pétrole supérieur à 40 $ le baril. L’impact des usines Gtl (Gas to liquids – la transformation de gaz naturel en carburant liquide) sur l’environnement est le même que celui des raffineries de pétrole. Cependant, à l’inverse du charbon, les réserves de gaz sont principalement situées dans les mêmes zones géographiques que les réserves de pétrole conventionnelles, au Moyen-Orient et en Russie, ce qui ne résoudrait pas davantage la problématique actuelle de sécurité des approvisionnements.


Pétrole, l'heure des choix

En conclusion, le pétrole reste et restera une source d’énergie majeure, notamment pour les transports. En 2030, la croissance de la demande et les conséquences du prix du pétrole sur les économies mondiales seront toujours au centre de la politique énergétique.

Si la demande continue à augmenter et que les prix actuels se maintiennent à des niveaux élevés, le recours aux sources d’énergie alternatives deviendra de plus en plus nécessaire, ce qui ne manquera pas de rendre délicate la conciliation entre besoins énergétiques et respect de l’environnement.




2 commentaire(s)
[1]
Commentaire par Neptune
mardi 15 décembre 2009 15:55
Merci pour cet article bien plus sérieux et documenté que ne le laisserait entrevoir l'accroche provocatrice. Le problème n'est effectivement pas la fin du pétrole mais l'impact de sa consommation effrénée sur l'environnement.

Merci donc d'avoir regroupé les chiffres et de tordre le coup à l'hypothèse alarmiste de la pénurie. Cependant, ce n'est pas tant la limite que le soucis d'inverser les tendances de surenchère de consommation. L'économie d'énergie pour maîtriser cette consommation et ne pas laisser un marché d'offre/demande décider des politiques de production et d'exploitation sinon nous courons à la dépendance aiguë et à l'inflammation de la biosphère mondiale. Il faut poser le problème correctement. Merci d'y avoir contribué.
[2]
Commentaire par iwjcg
samedi 19 décembre 2009 23:01
Il ne s'agit pas d'absence de petrole mais d'un manque de disponibilité immediate . Le pic oil est exactement le point ou la production journaliere va cesser de croitre ce point est a mon sens depassé depuis 2006 ! a 85 ou 87 mbarils jours nous vivons depuis sur un "plateau ondulé' l'EIA annonce pour 2010 une prod moyenne de 80 MB c'est a dire une baisse significative de production . Le grosmensonge de cet article est de faire croire que des reserves actuellement hors de portée seront exploitables de maniere rentable dans un avenir proche . Je suis abasourdi par ce tissu d'inexactitudes et d'approximations !
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