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Le nucléaire français se tire une balle dans le pied


vendredi 03 décembre 2010

Un colloque parlementaire sur le nucléaire civil a été l’occasion de revenir sur les difficultés de l’organisation de la filière. François Roussely y a réaffirmé l’urgence de «remettre en ligne une équipe de France» dirigée par EDF et défendu la primauté de l’intérêt national sur celui des entreprises.



Tous les participants aux 4eme Rencontres parlementaires sur l'énergie nucléaire (*) étaient d'accord sur un point : l'échec du nucléaire français à Abu Dhabi, face à l'offre sud-coréenne, a été un traumatisme.

Mais ils divergent sur les leçons à en tirer : faut-il reconstituer une équipe France  avec un chef de file comme EDF, ou au contraire se diriger vers des partenariats plus ouverts avec des entreprises internationales, comme le japonais Mitsubishi?

Et à trop débattre de nos faiblesses, ne risquons nous pas de nous tirer une balle dans le pied?
 
 
François Roussely, auteur d'un rapport au président de la République sur l'avenir de la filière française du nucléaire civil, un des patrons "historiques" d'EDF, a réaffirmé sa conviction qu' »il y a urgence à remettre en ligne une équipe de France». «Il faut instiller un peu d'intérêt général. Les ambitions de chaque chef d'entreprise sont légitimes mais à un moment il faut avoir une ambition pour le pays (...) La polémique publique, la publicité donnée aux dissensions sont contraires à l'intérêt national. Quand il s'agit de deux entreprise publiques, la confusion confine à la faute. Il ne faut pas que les querelles de chef deviennent des querelles d'entreprise, c'est incompréhensible pour nos concurrents, ils s'en réjouissent secrètement», a-t-il dit.
 
En réponse à une question de Jean-Marie Chevalier, professeur d'économie, -que l'on sait ne pas être favorable à l'idée d'»équipe de France » (voir son interview) -, M. François Roussely a redit que pour lui, «le chef de file ne peut être qu'EDF, qui est le seul à apporter une expérience supplémentaire, à savoir le retour de l'exploitation». «EDF donne une assurance très appréciée, le service après-vente. Cela rassure les clients car construire une centrale n'est pas une affaire simple. D'ailleurs Abu Dhabi a choisi la société coréenne (KEPCO) qui est l'équivalent d'EDF. Dans 5 ou 10 ans il y aura peut-être d'autres chefs de file possible. Mais pas encore».
 
Il a rejeté l'argument qu'un client électricien puisse redouter d'avoir EDF comme intégrateur du projet. «Si un client ne veut pas d'EDF comme architecte-ensemblier, il n'y a pas de problème, il trouvera un autre intégrateur».
 
M. Roussely est revenu sur les négociations d''Abu Dhabi, d'abord menées par un consortium avec Areva, GDF-Suez et Total, avant qu'EDF ne soit in-extremis ramené dans le paysage comme coordinateur.
 
«Les autorités d'Abu Dhabi avaient une demande simple : + on veut Flamanville opéré par EDF+ EDF a alors dit que cela ne faisait pas partie de ses priorités et n'avait pas les moyens. Il y a eu là  une défaillance de l'Etat, principal actionnaire. Si l'Etat avait considéré qu'Abu Dhabi était une priorité, il aurait dit à EDF :+ c'est la priorité de l'Etat, débrouillez vous pour...+ Au lieu de cela on les a fait rentrer par la fenêtre».
 
Pour M. Roussely il était frappant de voir les premiers protagonistes de la négociation, sans EDF, défendre leur projet devant les décideurs d'Abu Dhabi. Ceux-ci se demandaient : »Ces gentlemen ont-ils déjà travaillé ensemble ? La réponse était non...».
 
Thomas Branche, de la Direction générale de l'énergie et du climat, représentant l'Etat, a été plus prudent en estimant qu'il y avait plusieurs leçons à tirer du «traumatisme» d'Abu Dhabi :

- La performance du réacteur, son prix et sa puissance
- L'organisation du consortium
- Le niveau de coopération entre Etats
- La capacité française à être « aux côtés du client »
 
Il a souligné qu'il ne faut pas dénigrer l'EPR. Il a noté que l'autorité de sûreté nucléaire britannique, le HSE, avait publié sur son site ses évaluations comparées sur la capacité de l'EPR et de l'AP1000 de Toshiba-Westinghouse à répondre aux normes. Pour lui, «il n'y a pas photo » (voir  les deux évaluations). On a tendance en France à se tirer une balle dans le pied».
 
Il a d'autre part soulevé la faiblesse française dans l'accompagnement du client en amont. Le consulting ingenierie est intégré actuellement aux deux grandes entreprises EDF et Areva. Cela interdit d'intervenir avant le processus de sélection des projets car on ne peut être à la fois consultant en amont et lié à l'entreprise qui répond à l'appel d'offres en aval.
 
Le représentant d'Areva, Luc Oursel, a souligné la diversité de la palette d'offres de son groupe et l'intérêt des collaborations avec des partenaires étranges. Outre l'EPR, Areva développe un réacteur plus petit, l'ATMEA, avec Mitsubishi, et Kerena, un réacteur à eau bouillante, avec le plus grand électricien allemand E-ON.
 
Luc Poyer, représentant en France d'E-ON, a d'ailleurs repris la parabole de l' «équipe de France» sous un angle inattendu ! Soulignant l'accord entre E-ON et AREVA dans le développement de Kerena ou sa collaboration en R&D avec le CEA, il a dit : »Nous souhaitons grand succès international à l'équipe de France, mais cela n'empêche pas que dans les clubs de football on puisse faire venir jouer des joueurs étrangers, comme Ribery au Bayern de Munich !»
 
(+) 4me Rencontres parlementaires sur l'énergie nucléaire - le nucléaire français, une excellence à préserver, des défis à relever ». Rencontres présidées par Christian Bataille (député du Nord) et Jean-Claude Lenoir (député de l'Orne).
 
(Compte-rendu par Yves de Saint Jacob - Newsteam)
 
3 commentaire(s)
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Commentaire par ikda
vendredi 03 décembre 2010 14:30
Ces comiques reussiront a casser l'industrie nucleaire francaise, avec augmentation du prix de l'electricite pour les Francais, et pertes d'emplois dans le nucleaire en France. L'Etat proprietaire de l'economie, voila le mal Francais que personne ne veut extraire, et certainement pas les Enarques et les X qui eux s'en mettent plein LEURS poches: Dommage pour nos enfants!
[2]
Commentaire par Jess
vendredi 03 décembre 2010 15:18
Le problème du nucléaire français est que la filière n'a jamais annoncé le vrai cout de l'électricité d'origine nucléaire. Le prix public est bien en de ça du cout réel de production qui est soutenu par des subventions cachées et ce que devront payer les générations futures pour les démantèlements et la gestion des déchets.
[3]
Commentaire par g.jacquin
lundi 06 décembre 2010 14:53
Le CRE, lors de l'élaboration de la loi NOME a défini le coût moyen du nucléaire (en base) à 30.9 €/MWh. Dans ce montant, est inclus l'amortissement et le démentellement.

Il etait prévu ce MWh soit revendu 42€ aux Poweo et consorts....

Ce qui fait que les centrales du type Tricastin dont certaines tranches sont amorties (>30 ans) voient leurs coûts de revient à 25 € de MWh. Les autres à près de 33 ou 34 € le MWh.

L’article est bien fait, mais je pense que tant que l’on considérera, en France, que l’électricité est un produit, on sera à côté du sujet !

La “déontologie électrique“ doit rester la même… à savoir : l’électricité est un droit qui doit coûter le moins cher possible et qu’en conséquence, en France, tout doit être fait pour que ce soit le cas !

C’est en ce sens que la loi NOME est une idiotie ! Idiotie de plus me direz-vous, mais, cette idiotie va coûter à très court terme aux Français une augmentation de + de 35%.

Quant à l’export, tout découle de cette “déontologie“. Il est évident qu’Areva ne serait pas maître d’œuvre de l’EPR et autres, si le gouvernement n’avait pas “cassé“ la structure mise en place initialement (1970) et que les problèmes que l’on rencontre à l’étranger ne se poseraient pas.

Et enfin, si les magouilles politiciennes n’avaient pas permis aux écologistes (Vouanet) de détruire Superphénix, nous serions leader dans le monde, pour cette technologie nucléaire, avec à la clé, des centaines de milliers d'emplois.