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Après une carrière de haut fonctionnaire puis de directeur des systèmes d'information de grandes entreprises pendant plus de seize ans -Sollac, Usinor, Renault- , Jean-Pierre Corniou a dirigé EDS Consulting...
Vers la fin de la "voiture au pétrole" du XXe siècle
mercredi 02 septembre 2009
L’automobile sera encore un des secteurs clefs du XXIe siècle. Mais ce ne sera plus la même. Et ce ne seront plus les mêmes acteurs…
Il ne faut pas avoir la naïveté de croire que la crise de l’industrie automobile est née de la crise financière et que tout reprendra un jour comme avant…
L’automobile a simplement mal toléré le passage au deuxième siècle de son existence, et vit, sans surprise, depuis plus de quinze ans, une profonde mutation qui va remettre en cause son modèle économique, sa fonction sociale et ses icônes. Cette transformation, avec son cortège de faillites, de drames sociaux et de friches industrielles est engagée et durera au moins une décennie.
Dans cette incertitude anxiogène, il y aura des voies de sortie à explorer avec leurs propres risques car la partie sera difficile. Mais d’autres secteurs comme la sidérurgie l’ont vécu, ou le vivront comme l’industrie informatique.
Les symptômes de la crise
Crise de la demande, crise de l’offre, les symptômes étaient connus depuis longtemps et avaient reçu des thérapies de choc. Le crédit surabondant, le matraquage publicitaire et la prolifération des modèles dans des gammes aussi pléthoriques qu’illisibles. Ces artifices exploités par les constructeurs dans la plupart des pays, ont été poussés à leur paroxysme aux Etats-Unis.
Tout ceci a dégradé la marge des constructeurs au détriment de la recherche développement et de la mise en production de véhicules réellement innovants. Là encore les Big Three ont donné dans la démesure, le symbole en étant le Hummer, marque achetée avec clairvoyance par GM en 1999, la ruée vers les 4×4 et les trucks, rustiques et faciles à construire, générateurs de marge, mais terriblement inappropriés au cahier des charges implicite des consommateurs qui du jour au lendemain les ont abandonnés. Partout dans le monde les véhicules étaient plus lourds, plus gourmands, plus sophistiqués, plus chers.
La grande illusion se lisait dans l’addition des plans de conquête de chaque constructeur, qui chacun prévoyait des volumes en croissance constante sur les marchés développés matures ou des explosions irréalistes de la demande dans des pays émergents, aux infrastructures défaillantes ou à la solvabilité aléatoire. Chaque constructeur pensait que le plaisir de conduire était immuable, que l’association du progrès à l’automobile allait motiver aussi bien les jeunes générations que les nouvelles classes moyennes des pays émergents, reproduisant à l’infini le rêve de la belle américaine. Marché de plaisir et d’inconstance, mais aussi industrie d’ingénieurs, la réponse au triple défi urbain, environnemental et générationnel, ne pouvait venir que de l’abondance, de la fuite en avant technique, de cette stratégie du plus de la même chose qui est la riposte classique, mais désespérée, au caractère fantasque et cruel des marchés.
Deux expériences prometteuses
Deux exceptions méritent l’attention car elles illustrent la possibilité de sortir de l’itinéraire glissant dans lequel l’ensemble des constructeurs se sont aveuglément engouffrés : le downsizing et la simplification avec Logan, la mise au point de modes de propulsion alternatifs avec Prius.
Faire simple, robuste et moins cher était dans le cahier des charges de la Logan. Renault y est parvenu grâce aux composants éprouvés de la Clio et à l’outil industriel de l’usine de Pitesti en Roumanie, base industrielle que Renault a rénovée pour parvenir à relever ce défi de la voiture à 5000 $. Depuis, la millionième Logan a été produite et le modèle a essaimé dans plusieurs usines et plusieurs continents. Il se décline en gamme à succès, que chacun tente d’imiter après avoir ironisé sur cette voiture au rabais.
Le pari de Toyota était au moins aussi complexe : trouver le moyen de relayer, à terme, l’inusable moteur à combustion interne, dont l’espérance de vie avait été prolongée à l’infini par les prouesses du moteur diesel à injection à rampe commune. Le parcours de la première voiture commerciale à propulsion hybride a été difficile, coûteux pour la firme de Nagoya obstinément à l’écart des modes, et aura attiré tous les sarcasmes des constructeurs qui condamnaient à l’avance cette aberration inefficace et coûteuse qui consistait à mettre deux moteurs au lieu d’un dans une voiture. La millionième Prius est sortie, la Prius 3 est diffusée à partir de juin 2009 avec plus de performances et un prix constant. Toyota, fort d’une expérience unique, a annoncé que toutes ses voitures seront hybrides ou électriques dans les prochaines années.
L’aventure automobile n’a pas fini de faire rêver tant cette industrie est au carrefour des fantasmes, de l’innovation… et du quotidien de centaines de millions d’utilisateurs. Sociologique, anthropologique, technologique, l’industrie automobile est le reflet de toutes les ambigüités de l’époque comme l’avait si bien vu Roland Barthes. La mort programmée de GM est l’annonce expiatoire d’une reconfiguration de l’industrie automobile. Plus concentrée, plus essentielle, encore plus technique avec le mariage de l’automobile et du système global de transport grâce à l’électronique, moins carbonée avec l’abandon à long terme de la voiture au pétrole, l’automobile sera encore un des secteurs clefs du XXIe siècle. Mais ce ne sera plus la même. Et ce ne seront plus les mêmes acteurs…
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