Participez aux débats sur l'énergie de demain
 - Ingénieur et démographe

Auteur
Ingénieur des mines, démographe, Dominique Bidou a été directeur de la Qualité de la Vie au Ministère de l'environnement. Il est président d'honneur de l'Association HQE (Haute qualité environnementale)...

Transport aérien (suite) : l'avis de Dominique Bidou


mardi 26 février 2008

Ingénieur des mines, Dominique Bidou a été directeur de la Qualité de la Vie au Ministère de l'environnement. Il est président d'honneur de l'Association HQE (Haute qualité environnementale) et président du CIDB (Centre d'information et de documentation sur le bruit).



default text 












Voir le blog de Dominique Bidou

Si vous participez à un congrès sur le développement durable, il est aujourd’hui courant que l’on vous demande de compenser la consommation de gaz à effet de serre que vous avez provoquée par votre voyage, spécialement si vous êtes venu en avion. Il vous faut alors cotiser à un fonds qui replante des forêts pour piéger le gaz carbonique que vous avez envoyé dans l’atmosphère en prenant l’avion (1). C’est dire toute l’estime, toute l’attention dont l’avion bénéficie dans les milieux bien informés du développement durable.
 
Pourtant, il ne représente qu’entre 2 et 3 % des émissions de gaz à effet de serre, moins que le transport maritime, soit dit au passage. Il y aurait mieux à faire que d’embêter le petit monde de l’aéronautique, qui fait d’ailleurs de gros efforts de modernisation de ses flottes. Les appareils ne consomment aujourd’hui que 4 litres pour cent kilomètres parcourus par un passager, et ce sera bientôt 3 avec les prochaines générations d’appareils. Les grands constructeurs aéronautiques travaillent à la mise au point de nouveaux carburants à base d’algues pour diviser par deux leur contribution à l’effet de serre, et font des essais de moteurs alimentés par une pile à combustible.

"La pollution la plus faible est excessive si elle ne répond à aucun besoin"

Et en plus, les transports aériens sont les seuls à s’équilibrer financièrement. Pas de crédits publics comme pour les routes ou les chemins de fer, ce sont les taxes payées par les passagers qui paient les infrastructures. Les billets ne sont pas non plus subventionnés comme dans le train. Il est vrai que l’aviation échappe à la taxe sur le CO², mais pour peu de temps, car elle sera intégrée dès 2011 dans le système communautaire d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre. Alors, pourquoi aller embêter ces gens là ?

La part des émissions est modeste, mais il faut la comparer à celle de l’aviation civile dans le PNB mondial : 0,6 %. Ajoutons que le transport aérien se développe, que les émissions de gaz à effet de serre ont doublé depuis 1990, date de référence du protocole de Kyoto, alors que l’objectif est de les réduire de 8 % d’ici 2010. Malgré des efforts des avionneurs, la croissance continue du trafic conduirait à un triplement des émissions d’ici 2050, alors que, nous le savons, il faudrait d’ici là les diviser par quatre. Un grand écart difficile à justifier si on limite le champ de l’observation au strict transport aérien. Une première mesure pourrait consister en une information systématique du voyageur sur ses émissions de gaz à effet de serre, évoquée ci-dessus, juste pour que chacun évalue l'impact de ses décisions, et puisse éventuellement comparer plusieurs choix. La pollution la plus faible est cependant excessive si elle ne répond à aucun besoin.

La dimension "utile" d'un déplacement

Il faut revenir à l’utilité des choses, en l'occurrence d'un voyage en avion. Mis à part quelques vols de découverte, pour le plaisir de voler et de découvrir la terre vue du ciel, l’essentiel des vols présente une utilité sociale ou économique. La bonne manière de poser la question n’est donc pas l’évaluation du coût environnemental du déplacement, mais celle du coût de l’activité dont il n’est qu’une composante. Quelle est la contribution à l’effet de serre par rapport au service rendu, à la richesse produite. Bien sûr, ce ratio offre un élément de comparaison et un critère de choix pour le mode de transport, et l’avion se trouvera souvent en concurrence avec d’autres modes de transport, moins gourmands en énergie et moins polluants. A lui de faire la preuve de son utilité particulière dans les différents cas d’espèce qui se présentent. Cette utilité peut être d'ordre varié, économique, culturelle ou sociale, mais quand il s’agit d’aller déguster des tapas à Gérone pour 39 €, comme le proposent parfois des voyagistes sur les murs de nos villes, on peut douter du caractère « durable » du transport aérien…

Des efforts à faire autour des aéroports

Trop souvent, on réduit la question du développement durable de l’aviation aux problèmes posés aux riverains, bruit et pollution notamment. Il est vrai que le développement du transport aérien est encadré par le degré d’acceptation des riverains : on l’a vu à Strasbourg, quand l’action des citoyens a empêché DHL de s’installer, on l’a vu quand il a été décidé d’instaurer un couvre-feu à Orly, conséquence d’une action continue des associations et des collectivités voisines.

Contrairement aux modes de transports terrestres, chemin de fer, canaux et route, l’avion n’a pas besoin d’infrastructures tout au long de son parcours. Il ne provoque pas d’effet de coupure, avec les impacts écologiques et paysagers qui en découlent. En dehors des grandes villes, et de leurs aéroports saturés, il offre une souplesse d’adaptation du trafic sans avoir à transformer l’infrastructure. Et l’avion est beaucoup plus sûr que la route ! Ce sont de véritables avantages, à ne pas négliger. Au-delà de l’effet de serre, il reste les problèmes locaux, concentrés sur les habitants proches des points de départ et d’arrivée. Le bruit est sans doute la nuisance la plus ressentie, et les réponses (isolation, appareils moins bruyants, modes d’approche et trajectoires mieux adaptés, etc.) sont loin de répondre aux exigences des riverains. Comme pour l’énergie, les avions font des progrès. Chaque génération de moteurs gagne en décibels, et on pense installer prochainement leurs réacteurs au dessus des ailes pour que celle-ci renvoient le bruit vers le ciel au lieu de le rabattre sur la terre. Il y a aussi la pollution de l’air, qui reste significative autour des grands aéroports, et les problèmes d’eau : les grandes plateformes sont lessivées par les pluies et entraînent hydrocarbures et produits de dégivrage vers les rivières, nécessitant ainsi de puissantes stations d’épuration. Bref, ce sont des questions traditionnelles d’environnement, bruit, pollution de l’air et des eaux, qui se trouvent massivement posées autour des aéroports, et dont la résolution conditionne le développement du trafic, même si les aérogares sont HQE (2) et les véhicules de services électriques.

Pour conclure, il ne faut pas oublier les circulations automobiles induites par le transport aérien. Le bruit et la pollution des autoroutes d’accès sont parfois aussi importants que ceux des avions. Là encore, c’est sur toute la filière du voyage qu’il faut faire le bilan.

1 - Notez que les voyagistes vous proposent de calculer les émissions de gaz à effet de serre de vos voyages (tous modes) et de cotiser à une association environnementale pour les compensations que vous aurez à cœur de pratiquer.
2 - HQE : haute qualité environnementale

Dominique Bidou
Voir son blog
© benjamin py - Fotolia.com  
1 commentaire(s)
[1]
Commentaire par Rémi
jeudi 28 février 2008 12:03
Bien d'accord avec la tonalité de votre article, mais êtes vous vraiment sûr que les taxes aéroportuaires paient tous les coûts du transport aérien ? Peut-être les coûts d'entretien, mais historiquement les grands aéroports n'ont ils pas été payés sur fonds publics?
PARTICIPEZ !
Cet espace est le vôtre !
La chaîne Energie de LExpansion.com
vous ouvre ses colonnes. Partagez vos analyses !