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  François Dauphin est ingénieur INSA Génie Electrique 1984, Supélec 1985 et diplômé de l'Ecole de Management de Lyon en 2002. Il est depuis janvier 2012 en charge du développement pour les pays francophones...

Le bonus-malus automobile bien utilisé? Pas sûr...


mardi 23 novembre 2010

Le bonus-malus et la prime à la casse, destinés à soutenir l'industrie automobile, porteront certes des fruits environnementaux. Mais pas avant 2036! La bonne solution pour réduire les émissions de CO2 aurait été ...la taxe carbone.



Contribution par François Dauphin, expert international énergie climat, et Benoit Lemaignan consultant énergie climat.

Lors de la présentation des résultats du Grenelle de l'environnement, le gouvernement s'est enorgueilli de ses résultats en particulier en matière de politique de transport.

En effet, il met en avant la réduction des émissions des véhicules des particuliers de 149 gC02/km en 2007 à 133 gCO2/Km en 2009. Si la France prend, il est vrai,  le leadership européen sur ce critère, il faut rappeler qu'il y avait urgence car les constructeurs européens s'étaient engagés dès 1995 à réduire ce taux d'émission à 120 g dans les 10 ans : on reste loin du compte et nos derniers progrès ne comblent donc qu'une partie du retard important accumulé au cours de la dernière décennie.

 Néanmoins, selon le gouvernement, « le Grenelle a permis d'opérer une véritable rupture dans le domaine des transports et la perception de leur impact environnemental » et les deniers publics (environ 500 millions d'euros) auraient été utilisés de manière efficace. Nous pensons que cela est faux.

Un niveau record du parc automobile
 
D'une part le bonus/malus et plus particulièrement la prime à la casse, a eu pour effet d'accroitre de manière substantielle le nombre de véhicules vendus et retirés du marché. C'était même la première raison d'être de cette mesure de soutien à l'industrie automobile. Si cette mesure a effectivement permis d'augmenter d'environ 10 % le taux de rotation des véhicules en 2009, elle a aussi eu comme conséquence un accroissement du parc français qui a atteint le niveau record de plus de 31 millions de véhicules, 600.000 véhicules supplémentaires en trois ans. Pour produire ces véhicules, les usines de production automobile et de recyclage ont émis, au cours de la seule année 2009, environ un million de tonnes de CO2 supplémentaires.

Toujours pour cette même année, les statistiques du Centre Français des Constructeurs Automobiles montrent que les nouveaux véhicules consomment environ 0,4 litre/100km de moins et que le nombre de kilomètres parcourus par véhicule est resté globalement stable. Sur ces bases, les véhicules fabriqués en 2009 auront engendré de l'ordre de 4 tonnes de CO2 pour leur fabrication et recyclage, et vont éviter des émissions à raison de 13 g de CO2 par km ; le calcul est simple : il faudra que les voitures supplémentaires produites effectuent plus de 306 000 km pour générer leur premières économies en matière d'émissions.

C'est donc en 2036 pour que nous pourrions commencer à recueillir les fruits de la politique de prime à la casse ... sachant qu'une majorité de ces véhicules sera retirée de la circulation plus de 10 ans avant. Ces mesures, qui auront coûté à l'Etat un demi-milliard d'Euros, vont donc générer une augmentation nette des gaz à effet de serre. Nous sommes bien loin « d'une véritable rupture dans la perception de l'impact environnemental des transports» et, même pour un coût nul, la prime à la casse aurait eu des conséquences négatives pour le climat.

La bonne solution était la taxe carbone...

La première conclusion de cette analyse est qu'en matière de gaz à effet de serre, il convient d'apprendre à compter en valeur absolue et pas en valeur relative. Toute les études sur la réduction par un facteur 4 de nos émissions de gaz à effet de serre montrent que nous devrons disposer de véhicules ne consommant pas plus de 2 litres au 100 ... et probablement disposer de moins de véhicules utilisés avec parcimonie. A ce titre, si une prime à la casse doit être instaurée c'est probablement plus pour favoriser l'achat de deux roues que de voitures, à moins qu'elles n'économisent au moins 3 litres de carburant aux 100km.

La seconde conclusion est qu'il convient effectivement de supporter l'initiative du gouvernement de réduire régulièrement et de manière volontarisme les seuils de réglage du bonus-malus tout en visant un équilibre financier des deniers publics. L'objectif n'est pas de ramener le seuil à 120 ou même 90 g/km mais bien de le réduire de nouveau de plus de moitié.

La troisième est que, compte tenu du taux de remplacement très lent des véhicules, le prix des carburants à un effet largement plus important sur le volume absolu des émissions de CO2 que l'efficience des véhicules mis en circulation. La solution la plus efficace, pour qui veut réellement réduire les émissions liées aux transports routiers, reste de remonter le niveau de prix des carburants et de se servir de ces rentrées pour favoriser l'émergence de solutions alternatives. Cette solution avait un nom ... elle s'appelait la taxe carbone.
 
 
 
 

 
 
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  François Dauphin est ingénieur INSA Génie Electrique 1984, Supélec 1985 et diplômé de l'Ecole de Management de Lyon en 2002. Il est depuis janvier 2012 en charge du développement pour les pays francophones...

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