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  François Dauphin est ingénieur INSA Génie Electrique 1984, Supélec 1985 et diplômé de l'Ecole de Management de Lyon en 2002. Il est depuis janvier 2012 en charge du développement pour les pays francophones...

Régulation locale et réseaux électriques intelligents


mercredi 18 mars 2015

L'avenir réside dans la coordination des réseaux électriques centralisés et des productions délocalisées. Les techniques numériques et l'implication des individus et des collectivités territoriales permettent d'envisager des progrès rapides et durables.


Depuis une vingtaine d'années, l'organisation et le fonctionnement des systèmes électriques sont remis en cause. Avec l'ouverture à la concurrence, le développement de moyens de production décentralisés et de nouvelles techniques de pilotage de la demande, la gestion de l'équilibre du réseau électrique a pris une nouvelle dimension.

A court comme à moyen terme les zones à forte urbanisation resteront importatrices d'électricité fondée sur une prévision de consommation robuste incitant au maintien d'un équilibrage conçu autour d'une distribution descendante. Comme aujourd'hui, celui-ci devrait exploiter des moyens d'ajustement gérés globalement et une tarification horo-saisonnalisée incitant à l'effacement.

Les zones périurbaines et rurales ont des caractéristiques bien spécifiques : d'une part les lignes électriques y sont plus étendues et d'autre part elles sont déjà parfois en situation d'absorber un excédent de production décentralisée. Compte tenu de l'évolution planifiée du mix électrique français, les principes de l'équilibrage dans ces zones devront être sérieusement repensés.  

En particulier, il apparaît nécessaire de favoriser une coordination de proximité entre consommateurs, eux-mêmes appelé à devenir des producteurs, et d'y associer une vision dynamique de la solidarité électrique que pourrait offrir le réseau haute tension et le système historique.

Trois grandes orientations

Trois facteurs rendent légitimes cette réflexion.

Tout d'abord, au plan électrotechnique, les cartons sont pleins de technologies, de brevets et d'idées visant à  améliorer la flexibilité des réseaux. Les expérimentations en cours permettront d'en apprécier la pertinence opérationnelle. Il s'agit notamment des techniques de pilotage actif de la tension et de l'énergie réactive, de la reconfiguration dynamique de réseau, de la prise en compte de moyens de stockage à différents niveaux et des bornes de recharge de véhicules électriques, de la gestion des risques d'îlotage et du recouplage d'un réseau fonctionnant en boucle locale, ?

Ensuite, au plan des techniques numériques, les possibilités de gestion et d'arbitrages offertes par les moyens de communication et de calculs informatisés deviennent pratiquement sans contraintes (1). Elles permettent notamment d'envisager une gestion temps réel des usages et des équilibres électriques aussi bien à l'intérieur des lieux d'habitation ou des équipements de travail ou collectifs que dans un espace de proximité des ouvrages de réseau. Elles permettent également par agrégation de propager en cohérence l'information au niveau supérieur de l'équilibre production-consommation.

Enfin, au plan humain, la volonté d'implication locale, tant individuelle qu'au niveau des élus et des collectivités locales, est de plus en plus forte. Tous à différents degrés voudront ou devront s'impliquer pour devenir acteurs de la transition énergétique annoncée.

Réinventer une gouvernance de l'électricité

Voilà donc le challenge : est-il possible de réinventer (2) une économie et une gouvernance de l'électricité en exploitant localement au mieux les complémentarités avec le système national existant ? Il ne s'agit en effet ni de conserver une logique « tout consommateur » ni d'adopter une logique « tous producteurs indépendants ». L'une comme l'autre ne présente pas un optimum pour la collectivité. Les réseaux existent et rendent bien les services de solidarité et de rationalité économique qui ont fondé leur généralisation.

Pendant quelques années encore, la robustesse et la résilience du système électrique et des réseaux historiques pourront faire illusion. Mais il faudra certainement trouver très vite les termes d'une régulation technique de proximité visant à consommer au plus près l'énergie répartie et à mettre en balance les usages de voisinage avec les productions décentralisées.

Innover en la matière ne sera pas qu'une affaire technique. Il faudra aussi et surtout que tous les acteurs travaillent entre eux et puissent utiliser localement une gouvernance, des codes de bonnes pratiques et des échanges d'informations économiquement responsables. En ce sens, le rôle joué par le législateur, les autorités concédantes et les autorités de régulation devrait être essentiel, à la fois pour fixer un cadre décentralisé le plus efficient possible, harmoniser les approches et préserver une péréquation des prix pour le consommateur.

(1) Elles seront à terme sans limites, dans la perspective des visions développées autour de l'Internet des Objets.

(2) Rappelons qu'historiquement les réseaux électriques ont été développés car les zones de consommation étaient éloignées des zones de production, en particulier hydrauliques (la « houille blanche »).

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5 commentaire(s)
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Commentaire par un physicien
mercredi 18 mars 2015 17:48
Nous disposons d'un réseau électrique fiable, robuste et performant. Il est sûrement possible moyennant de grosses dépenses de le rendre instable, chaotique, sensible aux malveillances et beaucoup plus cher pour plaire à quelques bobos. Est-ce souhaitable ?
[2]
Commentaire par papijo
jeudi 19 mars 2015 15:33
Effectivement, quand on parle d'améliorer la flexibilité des réseaux ... cela rappelle la flexibilité de l'emploi ! La technique est la même, c'est la coupure ... mais avec un discours qui va bien tant qu'on n'est pas concerné !
[3]
Commentaire par 430 Milliards par réacteur
vendredi 20 mars 2015 13:19
Pauvres dinosaures ! Papijo et physicien se lamentent de plus en plus face à la montée inexorable des ENR, mais heureusement sans aucun impact. Ils vont être ravis de payer les 5 milliards de pertes d AREVA pour cette année, et idem les nombreuses autres qui vont suivre. Tout cet argent public aurait pu être investi plus intelligemment, et la France, leader mondial du solaire en 1970, le serait resté et en tirerait aujourd hui les bénéfices.
[4]
Commentaire par Hervé
lundi 23 mars 2015 18:47
Ou plutôt des pertes colossales si on regarde ce qui s?est passé chez nos voisins... D?ailleurs, en parlant de pertes, de mémoire l?état doit 5 milliards à EDF en compensation des primes versées aux producteurs ENR, qui va les payer ? Nous, bien entendu et pour une production ENR infime? Lien
[5]
Commentaire par 430 Milliards par réacteur
mardi 24 mars 2015 16:01
Il est plus intelligent d investir 5 milliards pour développer une énergie à cout marginal nul (qui est gratuite une fois l investissement amorti) que de perdre 5 milliards à essayer de faire marcher une cocotte minute qui risque d exploser et d obliger la moitié de l Europe à déménager, qui ne nous assure aucune indépendance énergétique (l uranium dont les stocks s épuisent est totalement importé au prix de quelques guerres et pollution de nappe phréatique au Niger), et va nous pourrir le sous-sol pour quelques millénaires.
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  François Dauphin est ingénieur INSA Génie Electrique 1984, Supélec 1985 et diplômé de l'Ecole de Management de Lyon en 2002. Il est depuis janvier 2012 en charge du développement pour les pays francophones...

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