Participez aux débats sur l'énergie de demain

Auteur
Après une carrière de haut fonctionnaire puis de directeur des systèmes d'information de grandes entreprises pendant plus de seize ans -Sollac, Usinor, Renault- , Jean-Pierre Corniou a dirigé EDS Consulting...

La voiture électrique, star du salon de Detroit


mercredi 04 mars 2009

Ford et General Motors n’ont pas d’autre choix : ils transforment leurs gammes pour aller vers des véhicules électriques ou hybrides moins avides de pétrole. Un long chemin


Illustration : le  chargement d'une voiture électrique à Detroit au début du siècle (
wikimedia commons)

Le cœur historique de l’industrie automobile américaine offre depuis des années déjà un visage peu avenant. Le centre ville battu par les vents froids du début janvier, date rituelle du Salon de l’automobile de Détroit, n’invite pas à la rêverie et les tours du Renaissance Center, siège de GM, commencent elles-mêmes à souffrir d’un manque d’éclat. L’industrie automobile a déserté en grande partie Motor Town pour le Sud Est plus accueillant et… moins syndiqué. Mais le Salon de Détroit reste la référence nord-américaine.

De tous les salons mondiaux, c’est le plus extrême, le plus excessif, avec ses chromes agressifs, ses concepts cars démesurés. Au cours des dernières années, Détroit consacrait le triomphe des SUV et des trucks dans lesquels les constructeurs américains avaient placé tous leurs espoirs face à la montée inexorable de Toyota, Honda, Nissan, Hyundai… et des constructeurs allemands de berlines.

Mais la crise qui s’est abattue sur l’automobile depuis 2007 a poussé les constructeurs américains au bord de la faillite et cassé l’élan de leurs concurrents asiatiques. Le Salon de Détroit 2009 est un salon de crise, la pire à laquelle ont été confrontés les (ex) Big Three ainsi que tous les autres constructeurs mondiaux. Au point que plusieurs constructeurs, comme Nissan, Infiniti, Suzuki et même Porsche, n’ont pas pris la peine de participer au Detroit Motor Show de cette année. Et les présentations des participants y sont beaucoup plus austères qu’auparavant. Car les constructeurs américains ont le sentiment d’y jouer leur dernière carte, n’étant pas assurés d’être encore présents en 2010.

Il s’agit bien sûr d’une crise de la demande, les consommateurs ayant d’autres préoccupations que le renouvellement de leur véhicule dans les marchés matures, aggravée par la raréfaction des crédits. Mais c’est aussi une crise de l’offre, la voiture ne faisant plus rêver car accusée de contribuer au réchauffement climatique, à l’encombrement urbain et jugée trop chère et peu innovante par les jeunes générations.

Or, comme l’expriment avec talent deux journalistes de The Economist, Iain Carson et Vijay Vaitheeswaran dans leur ouvrage Zoom, ce n’est pas la voiture le problème, mais le pétrole… La voiture continuera à jouer un rôle fonctionnel majeur aux Etats-Unis comme dans les autres pays développés, et attirerera aussi les primo-accédants des pays émergents. A condition que l’offre donne le sentiment à ces clients qu’ils sont entendus, que leurs préoccupations sont prises en compte et que la valeur produite soit à la hauteur des intentions. Aussi, tout ce qui peut soigner l’addiction des américains au pétrole est désormais bienvenu. Le salon se tenait d’ailleurs quelques jours avant la prise de fonction de Barak Obama qui a fait de ce remède un de ses objectifs environnementaux, mais aussi géo-politiques, majeurs. Et les modèles présentés traduisent une volonté de transformer cette industrie qui est fondamentalement au cœur de la culture nord-américaine et qui a façonné ses paysages.

Ford, en moins mauvaise santé que ses deux concurrents, attaque résolument la transformation de sa gamme. La Ford Fusion, hybride promise déjà pour 2010, n’est que la partie visible de l’iceberg. Bill Ford lui-même annonce que le véhicule électrique n’est pas un simple programme, mais le cœur du business plan de la marque, « green et high-tech », visant un marché de volume à prix abordable. Ce ne sont pas moins de quatre véhicules qui sont annoncés pour les quatre prochaines années. Ford proposera sur le marché américain aussi bien des hybrides que des véhicules électriques « plug-in ». Dès 2010, un véhicule commercial électrique à batteries lithium-ion sera introduit. Une petite voiture sera produite en 2011 en coopération avec Magna International. Enfin, en 2012, de nouveaux véhicules hybrides seront proposés…

GM, en piètre situation économique, figure encore en 2008 au palmarès des entreprises américaines ayant le plus investi en recherche développement. Depuis des années, GM travaille sur l’hydrogène et les véhicules électriques, ayant investi en 1996 un milliard de dollars dans un prototype, la EV-1, louée en petite série en Californie et en Arizona. GM s’engage en 2009 dans la construction d’une usine de batteries litium-ion aux Etats-Unis, opérationnelle en 2010, et développe ses capacités de recherche. Sa Chevy Volt, aux lignes tendues et à l’intérieur hi-tech, avec un tableau de bord en cristaux liquides reconfigurable, permettra en 2010 de parcourir sur batteries 65 kilomètres sans essence, avant d’utiliser un petit moteur classique, essence et éthanol, pour recharger ses batteries. Faisant office de générateur, ce moteur permettra une autonomie supplémentaire de près de 500 km. La Volt n’est pas un véhicule hybride, mais un véhicule électrique n’ayant qu’un système unique de propulsion. Il ne s’agit pas d’un véhicule isolé mais de l’amorce d’une gamme de véhicules que GM appelle « extended-range electric vehicle » (E-REV), équipés du même système de propulsion que la Volt nommé Vortec. GM a ainsi annoncé un modèle de Cadillac, la Cadillac Converj, luxueux coupé, de même qu’un mini-van.

Mais les constructeurs américains ont également compris que cette mutation du marché ne serait ni facile, ni rapide. L’influent Larry Burns, vice-président R&D et planification de GM, appelle à « un partenariat entre le gouvernement fédéral, les constructeurs et équipementiers automobiles et toutes les parties prenantes engagées dans la transformation de l’industrie automobile ». Cet appel à la coopération est un fait nouveau qui traduit bien le désarroi d’une industrie dépassée par l’ampleur de la crise et des ruptures nécessaires pour retrouver le chemin de la croissance.

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint de Sia-Conseil. Voir son blog



PARTICIPEZ !
Cet espace est le vôtre !
La chaîne Energie de LExpansion.com
vous ouvre ses colonnes. Partagez vos analyses !