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Après une carrière de haut fonctionnaire puis de directeur des systèmes d'information de grandes entreprises pendant plus de seize ans -Sollac, Usinor, Renault- , Jean-Pierre Corniou a dirigé EDS Consulting...
La France doit miser sur la petite voiture
lundi 03 mars 2014
Ne cultivons pas la nostalgie de la grande berline française. L'avenir appartient à la petite voiture urbaine, et la France a les moyens de s'imposer mondialement.
Renoncer au rêve du haut de gamme est évidemment déchirant pour les états-majors des groupes français. Pourtant, le réalisme impose de se concentrer avec talent sur la petite voiture à vocation mondiale. Ce qui est perçu comme un échec peut être une opportunité majeure pour l'industrie française.
Indépendamment de toute logique d?usage, le développement du véhicule haut de gamme, puissant, lourd et donc considérablement polluant, en dépit de l'ingéniosité des constructeurs, va à l'encontre des besoins réels des consommateurs. Il est absurde d'exploiter un véhicule de 1,8 tonne doté d'un V6 de 200 ch pour transporter une personne de 80 kg à 15 km/h de moyenne.
A l'inverse, les voitures françaises d'entrée de gamme ont des qualités indéniables : confort, habitabilité, agrément de conduite, équipement. Les petites ont tout d?une grande. Or, où va se situer le marché dans le futur : haut de gamme sur-motorisé, coûteux et ostentatoire ou véhicule polyvalent, urbain, compact, à l'empreinte environnementale la plus discrète possible ? Les manoeuvres du gouvernement allemand pour éviter l'application du vote du Parlement européen sur la mise en oeuvre d'un seuil de 95 g CO2/km ont été significatives d'une féroce volonté de pérenniser un modèle qui certes produit les marges et les excédents commerciaux d'aujourd'hui, mais ne prépare pas l'avenir.
Il est en effet évident que l'urbanisation mondiale comme le développement de moyens de transport interurbains plus performants que la voiture individuelle va mettre la petite voiture urbaine au coeur des attentes à la fois des pouvoirs publics et des consommateurs. La petite voiture française peut en redoublant de créativité s'imposer mondialement.
Pour cela il faut continuer de tirer vers le bas les consommations d'énergie. 2 litres au 100 est accessible en travaillant sur le poids, principal facteur de consommation. Or si les voitures sont devenues si lourdes c'est qu'elles sont conçues pour un usage qu'elles ne connaitront jamais : rouler à 200 km/h sur une autoroute allemande. Le marché a été intoxiqué par cette référence absurde. Il faut aussi revoir l'architecture qui n'a pas changé depuis les années trente et la caisse acier soudée. Qu'attend-on d'un véhicule qui sera essentiellement utilisé en ville, en périphérie urbaine, pour les déplacements pendulaires et pour les loisirs ? Les consommateurs attendent des véhicules pratiques qui permettent de faciliter la vie à bord, le rangement des objets comme les poussettes ou la connexion des appareils électroniques personnels, les circulations fréquentes d'entrée/sortie.
On a aussi besoin de se garer facilement dans un espace nécessairement limité et coûteux car le foncier urbain sera de plus en plus rare, voire même inaccessible. Quant à l'énergie on peut considérer que le véhicule électrique est urbain par destination : les nuisances, bruit, chaleur et émissions de particules et gaz polluants, sont minimales. Mais on peut aussi considérer la filière prometteuse hybride-air.
Pour une taxation au poids
Il faut aussi que les pouvoirs publics appuient un tel projet. Ils en ont la capacité par un mix de restrictions comme d'incitations, à la fois sur les droits d'usage et sur la taxation.
Comment vouloir faire évoluer le marché si le signal prix n'est pas durablement clair : il faut taxer les voitures au poids, meilleur indicateur pertinent de la trace environnementale tant en production qu'à l'usage. Cette taxation peut être appliquée soit à la source lors de l'achat en reconstruisant une vignette, soit à l'usage par le péage urbain et les droits de stationnement. La taxation au poids, parfaitement lisible, plus que les taxations sur les émissions complexes à mesurer, offre évidemment une opportunité pour les constructeurs de repenser leur stratégie technique et privilégiant les nouvelles architectures les nouveaux matériaux et les motorisations légères.
Loin de cultiver avec nostalgie l'âge de la grande berline française d'avant-guerre, loin d'entretenir l'espoir que le seul marché chinois, qui va limiter l'usage urbain des voitures individuelles, apportera la réponse à tous nos problèmes, il est urgent de considérer que travailler nos compétences fondamentales sur la petite automobile, agile, intelligente et adaptée génétiquement à la ville et à la rareté de l'énergie doit être notre principale priorité industrielle.
Elle pourrait d'ailleurs être également produite en France avec un effort de rénovation industrielle et de partenariat pour créer un écosystème efficient. Quelqu'un l'a compris : Toyota à Valenciennes avec la Yaris hybride. Espérons que Citroën Cactus et Renault Twingo nouvelle génération, hélas toutes deux fabriquées hors de France, contribuent également à ouvrir cette ère nouvelle.
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[Réponse de l'auteur]
Votre remarque est justifiée... C'est la justification primaire ! Le pétrole pas cher est déjà derrière nous, puisqu'il est stabilisé, par l'Arabie saoudite à 100 $ le baril, niveau qui constitue le plancher actuel... Ce qui préoccupe l'industrie pétrolière c'est la difficulté de renouveler les champs qui s'épuisent et la complexité technique, donc financière, des nouveaux champs (profondeur, distance, climat). Or la crise depuis six ans a masque cette situation en allégeant opportunément la demande. N'oublions pas l'hydrogène...