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Après une carrière de haut fonctionnaire puis de directeur des systèmes d'information de grandes entreprises pendant plus de seize ans -Sollac, Usinor, Renault- , Jean-Pierre Corniou a dirigé EDS Consulting...
La fin programmée du modèle automobile
vendredi 15 juin 2012
On estime à 800 millions le nombre de voitures utilisées par 7 milliards de terriens. D'ici 2035, les automobiles vont être multipliées par deux. La cohabitation est-elle possible?"
L'automobile a conquis le monde en un siècle. Saura-t-elle s'adapter pour survivre à ses transformations ?
Lorsque Nicolas-Joseph Cugnot fit rouler son lourd fardier à vapeur pour tirer une pièce d'artillerie en mai 1771, il ne pouvait certainement pas imaginer que la notion « d'auto-mobile » rencontrerait un succès tel qu'il léguerait inconsciemment aux générations suivantes un problème majeur : contenir la profusion de ces objets d'autant plus encombrants que leur accumulation conduit à les transformer en « auto-immobiles ». (...)
L'automobile a apporté tant aux pays pionniers : satisfaction individuelle, liberté des horaires et des itinéraires, emplois qualifiés, ouverture à la civilisation des sites les plus reculés, accès au tourisme pour tous... Le même désir se vit dans les pays émergents. Dans ce bilan général, les victimes de la route comme des nuisances quotidiennes, les émissions de gaz toxiques et à effet de serre, les tensions géopolitiques n'ont pas pesé lourd et ont été gérés comme des dégâts collatéraux de cette arme de progrès. Aujourd'hui, alors que nous commençons à comprendre l'impact systémique de l'automobile, peut-il encore en être de même ?
La question centrale de ce début de XXIe siècle, après 120 ans d'essor continu de l'automobile, est bien de s'interroger sur la poursuite de cette croissance sans frein et sans vision globale. En 2011 ont été produits 80 millions de voitures particulières et d'utilitaires légers. Le stock mondial de véhicules est estimé à 800 millions. En 2011 également, l'Agence Internationale de l'Energie estime que la production de gaz à effet de serre, sous forme de CO2, a atteint le record absolu de 31,6 gigatonnes, en augmentation de 3,2% par rapport à 2010. Le pétrole représente 35% de ces émissions, On considère que la production d'automobiles devrait monter à 120 millions par an et le stock rapidement dépasser, vers 2020, 1,2 milliards de véhicules puis en 2035 1,7 milliard. Quelles conséquences pour le monde ? Quelles tensions sur les ressources naturelles, matières premières, énergie, espace ? Quelles conséquences sociétales pour les villes et la santé publique ?
(...)
Quarante ans après le rapport Meadows, publié pour le Club de Rome en mars 1972, on constate que se confirment les prévisions de ces experts, très contestées à l'époque, qui mettaient en évidence les tensions inéluctables que la croissance de la population et de la production allaient créer sur les ressources naturelles. Le rapport Randers, publié en mai 2012, est encore plus pessimiste car il constate que si les données ont été confirmées par les faits, l'absolue incapacité de la communauté humaine à se doter d'une vision et d'une gouvernance à long terme renforce les risques de rupture systémique avant la fin du siècle.
L'automobile doit se transformer
Nous pensons, en refusant toute schématisation entre autophiles et autophobes, qui souvent se substitue à une réflexion politique construite, que l'automobile ne peut plus avancer à l'identique et doit se transformer. Ce qu'on appelle crise de l'automobile dans les pays matures n'est que l'expression de cette transformation, plus subie que préparée. Mais si les pays matures doivent reconsidérer leur relation à l'automobile, il en est de même pour les pays émergents qui sont confrontés à la responsabilité de faire face aux besoins de mobilité de leur population tout en intégrant la vision globale de l'impact de l'automobile sur la société et les ressources naturelles. Ils ne peuvent désormais en ignorer les défis et doivent contribuer à faire émerger les solutions. Aussi le fuite en avant des constructeurs vers les pays émergents avec un modèle de développement identique ne peut être considéré comme une option durable, même si elle semble apporter un répit salvateur.
L'avenir sera multimodal, multi-énergies, multi-choix. Il ne pourra toutefois être équilibré que de façon contrainte et volontariste. Pour éviter l'affrontement et la crise, alors que l'opposition entre transports publics et automobile conduisait à des choix binaires, tranchés, les options du futur imposent l'analyse fine des solutions, la concertation entre acteurs, la complémentarité plutôt que l'opposition frontale et idéologique.
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[Réponse de l'auteur]
Merci M. le Sénateur J'adhère parfaitement à votre vision à long terme. Je pense que la parenthèse automobile se refermera naturellement dans quelques décennies comme elle s'est ouverte en laissant la place à des objets interconnectés permettant de se déplacer physiquement en exploitant la meilleure solution possible, individuelle et collective, exploitant le moins d'énergie possible. L'intelligence des réseaux n'exploitera plus le déplacement des personnes et des biens que de façon optimale. Bien sûr l'option H2 est essentielle dans ce schéma, pas seulement pour se déplacer mais pour stocker des énergies renouvelables... Je vous enverrai naturellement le livre qui se conclut autour de ces thèmes qui aujourd'hui nous font passer pour de doux rêveurs mais qui éclateront de bon sens pour nos successeurs... Très cordialement