Par Remy Prud'homme
- Professeur émérite à l'Université de Paris XII
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Professeur émérite à l'Université de Paris XII, il a fait ses études à HEC, à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Paris, à l'Université Harvard,...
L'Etat, pompier-pyromane de l'automobile
Par Remy Prud'homme
- Professeur émérite à l'Université de Paris XII
lundi 02 mars 2009
Depuis des années, la France mène une politique anti-automobile et pro-rail. Aujourd'hui, pour cause de chomage , on retricote : on subventionne les achats d'automobiles
La politique française est anti-automobile depuis une bonne quinzaine d’années. Aux niveaux européen, national, régional et local ; pour les personnes et pour le fret. L’objectif affiché par tous les ministres des transports, tous les présidents de région et à peu près tous les maires, est : moins de voitures et de camions, plus de trains. En langage technocratique, cela se dit : « promouvoir le changement modal ».
Cet objectif est la pierre angulaire de la politique des transports. On n’a pas lésiné sur les moyens de l’atteindre. La route est lourdement taxée : les carburants sont imposés à environ 200%, alors que le rail est lourdement subventionné : en moyenne à 50%. Les investissements routiers sont freinés ou arrêtés : la région Ile de France a été jusqu’à publier la carte des investissements routiers qu’elle s’engageait à ne pas faire. Beaucoup de villes, à l’instar de Paris, réduisent l’espace viaire utilisé par les voitures et les camions. Le Grenelle de l’Environnement a solennellement réaffirmé ces objectifs. Il a multiplié les mesures pro-rail, comme des milliers de km de TGV et de tramways subventionnés pour des montants astronomiques, et les mesures anti-route, comme une taxe supplémentaire de plus d’un milliard d’euros sur les camions ou un prélèvement de centaines de millions sur les autoroutes. On peut penser ce que l’on voudra de cette politique, mais on ne peut pas nier son caractère franc et massif.
Elle a commencé à porter ses fruits. Comme il est bien naturel, le transport routier sur-imposé et brimé a commencé à stagner et à diminuer, cependant que le transport ferroviaire subventionné augmentait (sauf en ce qui concerne le fret). Hélas, ces fruits tardaient à mûrir, et le recul de l’usage des véhicules était plutôt lent. A droite et plus encore à gauche, il était politiquement correct de déplorer cette lenteur.
Heureusement, la hausse du pétrole en 2007, puis la crise économique en 2008, sont venus à la rescousse de cette politique de « changement modal ». Et nos compatriotes ont enfin compris ce qu’on leur répétait depuis tant années : utiliser son automobile est un péché, et le plus sûr moyen de ne pas fauter est encore de ne pas en posséder. Les achats de voitures se sont finalement effondrés. Les usines automobiles commencent enfin à fermer, et les chômeurs à pointer à l’ANPE. Bien entendu, la politique anti-automobile n’est pas la seule cause de la crise du secteur, mais il est évident qu’elle contribue à cette crise.
Les promoteurs de cette politique – c’est-à-dire à peu près tous les hommes politiques et tous les leaders d’opinion - devraient en bonne logique chanter victoire. Enfin une politique qui atteint ses objectifs ! Il y en a sûrement quelques uns qui se frottent les mains, mais ils le font avec discrétion, sans fanfare.
La plupart de ceux qui ont voulu et obtenu le recul de l’automobile se lamentent au contraire sur le sort des ouvriers au chômage technique, des sous-traitants ruinés, des entreprises de transport routier qui font faillite par centaines chaque mois. Comme dit Bossuet, ils « se plaignent des conséquences alors qu'ils en chérissent les causes ». Il faut, crient-ils, intervenir d’urgence. L’Etat doit absolument agir. Il agit, et le voilà qui subventionne les achats d’automobiles et les constructeurs français.
Ce qu’il a détricoté - et qu’il continue de détricoter - d’une main, l’Etat va le retricoter de l’autre. Car la politique pro-rail et anti-route continue, bien entendu. La nouvelle taxe sur les camions, qui va mettre au chômage des milliers de camionneurs de plus, va entrer en vigueur prochainement. Quelques petits tronçons d’autoroutes s’étaient glissés dans le gros paquet de projets d’infrastructures ferroviaires mis sur la table de la relance : la protestation des anti-voitures a été immédiate et vive, même si l’Etat, pour le moment, fait mine de ne pas y céder.
Si tout cela ne plongeait pas des milliers de familles dans la misère, on rirait de cette histoire de pyromanes devenus pompiers. Il ne s’agit pas ici d’une politique qui aurait échoué et que l’on changerait, ce qui peut arriver à tout le monde, même à l’Etat. Il s’agit de deux politiques antagonistes (vouloir moins de voitures utilisées et plus de voitures achetées) et du refus névrotique de voir cette évidente contradiction. Encore plus d’Etat, de volontarisme et d’intervention, pourquoi pas ? Mais avec un peu plus d’analyse économique et de courage politique.
Le blog de Rémy Prud'homme
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L'Etat est mal géré et ne sait pas bien faire de politique industrielle, on le sait.
Mais comment penser que la politique industrielle peut etre menée par des fonctionnaires ne connaissant rien à l'industrie?
Le spoil system ou le recours systématique a des consultants qualifiés employés a la place des fonctionnaires est une évolution indispensable à la France.
Le principe de précaution relève de cela et l'on pourrait multiplier les exemples: on est pour le rail à condition qu'il ne passe pas à côté de chez soi, pour le tel. portable, mais sans les émetteurs, etc...etc...