Par Remy Prud'homme
- Professeur émérite à l'Université de Paris XII
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Professeur émérite à l'Université de Paris XII, il a fait ses études à HEC, à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Paris, à l'Université Harvard,...
Débat - Pr Prud'homme : l'éolien mord sur le nucléaire plus que sur le thermique
Par Remy Prud'homme
- Professeur émérite à l'Université de Paris XII
mardi 25 mars 2008
Nous poursuivons le débat sur l'efficacité des énergies renouvelables en matière de réduction d'émissions de CO2. L'énergie éolienne reduira-t-elle l'électricité thermique ou ne fera-t-elle que prendre la place d'une énergie déjà "propre", le nucléaire ? Le Pr Remy Prud'homme est catégorique : l'éolien s'implantera pour 80% au détriment du nucléaire.
On affirme souvent que l’éolien (et le photovoltaique) vont se substituer à l’électricité d’origine thermique, réduisant d’autant les rejets de CO2. La réalité est bien différente. En réalité, l’éolien va principalement se substituer à l’électricité nucléaire, qui coûte bien moins cher et qui ne rejette pas du tout de CO2.
Pour le comprendre, il faut faire un petit détour et considérer la demande d’électricité et la façon dont elle est satisfaite par l’électricité nucléaire.
Pendant environ 6 800 heures par an, soit un peu plus des trois quarts des 8 760 heures de l’année, la puissance demandée est inférieure à 63 GW qui est la puissance du parc nucléaire, et ce parc, avec l’assistance de l’hydraulique, est parfaitement en mesure de fournir l’électricité demandée. Il le fait à un coût marginal faible ou négligeable, puisque les centrales sont là.
L’électricité éolienne produite et déchargée sur le réseau durant ces 6 800 heures est donc inutile. Mais elle n’est pas seulement inutile, elle est nuisible. D’une part, elle coûte beaucoup plus cher que l’électricité nucléaire qu’elle remplace. D’autre part, comme elle est intermittente, elle soumet le réseau à des variations fortes et imprévisibles que l’on ne peut pas gérer avec le seul parc nucléaire. Des centrales au gaz que l’on démarre et que l’on arrête ad libitum sont donc nécessaires pour absorber ces variations de l’électricité éolienne. Plus il y a d’éoliennes, plus il doit y avoir de centrales thermiques. Plus il y a de centrales thermiques qui fonctionnent (peu mais qui fonctionnent de temps en temps) plus il y a de rejets de CO2. Hors périodes de pointe, l’éolien ne réduit pas les rejets de CO2 (qui sont inexistants), il les augmente. On ne dispose d’aucune estimation de l’importance de ces rejets.
Restent les 2 000 heures pendant lesquelles la puissance demandée dépasse les 63 GW. Construire des centrales nucléaires supplémentaires pour répondre à cette demande ne serait pas une bonne idée, car une centrale nucléaire qui ne fonctionnerait que 1 000 heures par an, et a fortiori 100 heures par, produirait de l’électricité à un coût très élevé. C’est pourquoi on utilise, outre l’électricité hydraulique, des centrales à charbon ou au gaz. En simplifiant un peu, ces centrales dites thermiques classiques, qui assurent un peu moins de 10% de la production d’électricité, ne fonctionnent que pendant 2 000 heures chaque année (c’est du reste à peu près le chiffre que l’on obtient en divisant la production d’électricité thermique, 54 TWh, par la puissance thermique installée, 25 GW, ce qui donne la durée annuelle moyenne de fonctionnement d’une centrale thermique).
Les éoliennes fonctionnent environ 2 200 heures par an, car le vent ne souffle que le quart du temps. Il n’y a aucune raison pour que ces heures-là coïncident avec les 2 000 heures pendant lesquelles fonctionnent les centrales thermiques classiques. Pendant les 2 000 heures où les centrales thermiques classiques sont plus économiques que les centrales nucléaires, et fonctionnent et rejettent du CO2, l’éolien pourra avoir un impact positif. Mais il sera faible. Pendant ces 2 000 heures-là chaque éolienne fonctionne seulement le quart du temps, soit 500 heures. Même avec le coûteux programme éolien prévu, la production d’électricité éolienne sera d’environ 14 TWh, à comparer avec la production d’électricité thermique actuelle de 54 TWh.
En termes de puissance, c’est-à-dire d’investissements, l’éolien n’aura aucun impact positif. Rien ne garantit que le vent soufflera au moment des hyper-pointes, lorsque tout le parc (nucléaire et thermique) doit être mobilisé. Sauf à prendre le risque de coupures, le développement du parc éolien ne réduira pas l’importance du parc thermique. Inconvénient supplémentaire mineur mais réel, le développement de l’éolien, en réduisant le nombre d’heures de fonctionnement des centrales thermiques, augmentera (d’assez peu il est vrai) le coût de production de l’électricité qu’elles produisent.
La production d’électricité thermique, et les rejets de CO2 associés, qui sont particulièrement faibles en France, seront donc réduits d’environ 25% seulement, soit environ 7 millions de tonnes de CO2 par an (1,4% des rejets français). A un surcoût annuel pour le consommateur d’électricité d’environ 3,3 milliards d’euros, cela met la tonne de CO2 évitée à 470 euros. Cette estimation est par défaut : elle néglige les rejets de CO2 engendrés par les centrales thermiques qui absorbent les intermittences de l’éolien hors des périodes de pointe et que nous ne savons pas estimer.
On voit donc que le développement prévu de l’éolien se fera pour plus des trois-quarts, disons 80% pour fixer les idées, au détriment de l’électricité nucléaire et pour quelques 20% au détriment de l’électricité thermique. Il réduira la production d’électricité thermique, et les rejets de CO2 associés, qui sont particulièrement faibles en France, d’environ 20% également. A un coût très élevé en perte de pouvoir d’achat.
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