Par Stéphane Lhomme
- Président de l'Observatoire du Nucléaire
Auteur
Stéphane Lhomme, 45 ans, est président de l'Observatoire du Nucléaire. De septembre 2002 à février 2010, il a été porte-parole du réseau Sortir du nucléaire. Titulaire d'un DEA en sociologie,...
Politique nucléaire : pourquoi Sarkozy se trompe
Par Stéphane Lhomme
- Président de l'Observatoire du Nucléaire
lundi 23 mars 2009
Pour le réseau "Sortir du nucléaire", la France ne sera jamais exportatrice d'énergie et la stratégie de Nicolas Sarkozy n'a pas de sens
En effet, tout à fait officiellement, le nucléaire couvre 16% de la consommation française d'énergie. Attention, il faut bien lire "énergie" et non "électricité" : cette dernière est certes à 80% nucléaire en France, mais elle ne représente qu'un cinquième de l'énergie consommée. Le trio "carbonné" pétrole-gaz-charbon couvre, lui, 75% de ce total. On peut le regretter, mais c'est la réalité, et c'est pour cela que, lorsque le prix du pétrole est monté à 147 dollars le baril, la France a été frappée comme les pays voisins. Idem, la France a été touchée lorsque le gaz à été coupé du fait du différent russo-ukrainien, tant en 2006 qu'en 2009. Contrairement à ce qui est trop souvent dit ou écrit, le nucléaire, bien que poussé à son maximum en France, n'assure aucunement l'indépendance énergétique du pays et M Sarkozy se ridiculise en parlant d'une France "exportatrice d'énergie".
Hasard du calendrier, c'est aussi le 6 février que Bercy a publié le bilan énergétique pour 2008 : la facture française s'est alourdie de 13,4 milliards pour atteindre 59,4 milliards. Pour ce qui concerne la seule électricité, le France est certes encore exportatrice mais le solde se réduit : 62 Twh en 2006, 55 en 2007, et 45 en 2008. Qui plus est, la France exporte lorsque le prix du courant est faible et, pour alimenter ses millions de chauffages électriques, elle importe massivement lors des vagues de froid... lorsque le prix est au plus haut.
Hasard du calendrier, c'est aussi le 6 février que Bercy a publié le bilan énergétique pour 2008 : la facture française s'est alourdie de 13,4 milliards pour atteindre 59,4 milliards. Pour ce qui concerne la seule électricité, le France est certes encore exportatrice mais le solde se réduit : 62 Twh en 2006, 55 en 2007, et 45 en 2008. Qui plus est, la France exporte lorsque le prix du courant est faible et, pour alimenter ses millions de chauffages électriques, elle importe massivement lors des vagues de froid... lorsque le prix est au plus haut.
D'ailleurs, depuis 5 ans, c'est bien l'Allemagne qui est exportatrice nette d'électricité vers la France et non l'inverse comme tentent de le faire croire les promoteurs de l'atome : il est vrai qu'il est proprement ridicule pour le "royaume du nucléaire" de devoir importer massivement de l'électricité. Ce phénomène s'aggrave même puisque, en 2008, ce sont 12,6 TWh nets qui ont été importés d'Allemagne.
La France reste globalement exportatrice d'électricité, mais de moins en moins : cela a rapporté à peine, plus d'un milliard en 2008, un total négligeable par rapport aux plus de 60 milliards payés pour les importations d'énergie. Le "miracle nucléaire" n'existe pas. Pire : si l'on compte le coût des déchets radioactifs et celui du démantèlement des installations nucléaires, qui restent entièrement à notre charge, il est évident que la France exporte de l'électricité à pertes.
On nous répondra que, pour gagner enfin de l'argent, il n'y a qu'à augmenter fortement les exportations et pour ce faire, comme le souhaite M Sarkozy, construire de nouveaux réacteurs nucléaires. Or, vu les incroyables surcoûts de construction du réacteur EPR (sur les deux chantiers en cours, en Finlande et à Flamanville), cela ne ferait qu'augmenter les ventes à pertes.
Mais, surtout, M Sarkozy semble ignorer que tous les pays européens ont désormais des objectifs fermes en matière d'énergies renouvelables, en moyenne 20% d'ici 2020. En construisant de nouveaux réacteurs la France ne pourra atteindre son objectif. Pire : les autres pays se devant d'investir dans les renouvelables, ils n'auront aucun intérêt à importer de l'électricité nucléaire qui, de fait, ferait augmenter la part des énergies non-renouvelables.
Autre absurdité du "raisonnement" de M Sarkozy : il entend vendre des réacteurs nucléaires à la Grande-Bretagne et à l'Italie, principaux importateurs d'électricité française. Si ces ventes de réacteurs ont vraiment lieu (ce dont on peut heureusement douter : il y a un monde entre les effets d'annonce et la réalité) , les exportations françaises s'effondreront. Que faire alors des nouveaux réacteurs français ? De toute évidence, M Sarkozy n'a pas l'intention de s'embarrasser de ces objections : il entend faire construire des réacteurs quoi qu'il arrive... et réfléchir seulement après.
Nous n'avons évoqué ici que les questions économiques, mais il ne faut pas en déduire que les problèmes environnementaux sont réglés : plus que jamais, le nucléaire fait peser un danger extrême en cas d'accident, et contamine l'environnement par les rejets radioactifs et les déchets nucléaires. Il est grand temps que les citoyens de France prennent eux-mêmes en main leur avenir... et celui de leurs enfants.
Stéphane Lhomme
Porte-parole du Réseau "Sortir du nucléaire"
La France reste globalement exportatrice d'électricité, mais de moins en moins : cela a rapporté à peine, plus d'un milliard en 2008, un total négligeable par rapport aux plus de 60 milliards payés pour les importations d'énergie. Le "miracle nucléaire" n'existe pas. Pire : si l'on compte le coût des déchets radioactifs et celui du démantèlement des installations nucléaires, qui restent entièrement à notre charge, il est évident que la France exporte de l'électricité à pertes.
On nous répondra que, pour gagner enfin de l'argent, il n'y a qu'à augmenter fortement les exportations et pour ce faire, comme le souhaite M Sarkozy, construire de nouveaux réacteurs nucléaires. Or, vu les incroyables surcoûts de construction du réacteur EPR (sur les deux chantiers en cours, en Finlande et à Flamanville), cela ne ferait qu'augmenter les ventes à pertes.
Mais, surtout, M Sarkozy semble ignorer que tous les pays européens ont désormais des objectifs fermes en matière d'énergies renouvelables, en moyenne 20% d'ici 2020. En construisant de nouveaux réacteurs la France ne pourra atteindre son objectif. Pire : les autres pays se devant d'investir dans les renouvelables, ils n'auront aucun intérêt à importer de l'électricité nucléaire qui, de fait, ferait augmenter la part des énergies non-renouvelables.
Autre absurdité du "raisonnement" de M Sarkozy : il entend vendre des réacteurs nucléaires à la Grande-Bretagne et à l'Italie, principaux importateurs d'électricité française. Si ces ventes de réacteurs ont vraiment lieu (ce dont on peut heureusement douter : il y a un monde entre les effets d'annonce et la réalité) , les exportations françaises s'effondreront. Que faire alors des nouveaux réacteurs français ? De toute évidence, M Sarkozy n'a pas l'intention de s'embarrasser de ces objections : il entend faire construire des réacteurs quoi qu'il arrive... et réfléchir seulement après.
Nous n'avons évoqué ici que les questions économiques, mais il ne faut pas en déduire que les problèmes environnementaux sont réglés : plus que jamais, le nucléaire fait peser un danger extrême en cas d'accident, et contamine l'environnement par les rejets radioactifs et les déchets nucléaires. Il est grand temps que les citoyens de France prennent eux-mêmes en main leur avenir... et celui de leurs enfants.
Stéphane Lhomme
Porte-parole du Réseau "Sortir du nucléaire"
Plus d'actualités
-
15:42
Déchets nucléaires : nouvelle étape vers le stockage géologique
-
16/11/15
Les Etats-Unis ne délaissent pas leur puissance nucléaire
-
02/11/15
De 1973 à nos jours : qu'est-ce qui motive le choix du nucléaire ?
-
29/09/15
10 milliards d'euros pour l'EPR de Flamanville : pas si cher que ça !
-
17/09/15
La canicule du mois d'août a fait bondir la production nucléaire
"Nicolas" répond (ou plutôt ne répond pas) sur le thème du réchauffement climatique et du prix de l'électricité nucléaire. D'ailleurs, sur ces deux thèmes, le nucléaire est aussi pris en défaut.
En résumé :
- la contribution du nucléaire à la lutte contre le réchauffement climatique est quasi NULLE (rappel : le nucléaire ne couvre que 2% de la conso mondiale d'énergie : une part infime, 8 fois moins que les énergies renouvelables)
- l'électricité nucléaire est tellement chère que les projets de nouveaux réacteurs s'évanouissent les uns après les autres.
Je peux développer dans un prochain article
SL
Si vous prenez les chiffres des 27 pays de l’Union Européenne, la place du nucléaire dans le bilan énergétique primaire est déjà «meilleure» : 15% environ contre 37% pour le pétrole, 24% pour le gaz, 18% pour le charbon, 6% pour l’hydraulique, l’éolien et le solaire. C'et que les pays "développés" ont davantage recours au nucléaire (les Etats-Unis ayant gardé la mauvaise habitude de consommer beaucoup le charbon qu'ils ont à portée de main).
La vraie question est de savoir comment on fait évoluer ce mix. Actuellement, la première réponse qui vient, c’est le charbon. Vous savez très bien qu’à l’horizon 2050, cela va être l’énergie qui va répondre aux besoins légitimes des pays pauvres. Comme le pétole et le gaz s’essoufflent, que le nucléaire mettra beaucoup de temps à monter car les processus sont longs dans cette filière, c’est le charbon qui va occuper la place. Quant aux renouvelables, qui sont souhaitables, ils partent de bas et ils progressent lentement en valeurs absolues.
Il faut donc voir les évolutions à long terme, au-delà de 2050. Et c’est là où la place du nucléaire est en débat. S’il se développe, notamment dans les pays émergents, dans les pays du monde musulman, sa place va grandir, et celle du charbon et des énergies fossiles décroitre. Là, la France, qui est forte en technologie nucléaire, a un rôle à jouer et c’est qu’a voulu dire mon homonyme…
La place des renouvelables va également grimper, et c’est tant mieux. Car de toutes façons, on aura besoin de toutes les énergies si l’on veut assurer aux milliards de citoyens de la planète le minimum vital. Les milliards d’Indiens, de Chinois et d’Africains ont bien le droit eux aussi d’allumer la lumière qui permet à leurs enfants de lire le soir leurs livres de classe avec autre chose qu’une lampe à pétrole !
Bien à vous
[Réponse de l'auteur]
Le nucléaire est justement l' INVERSE d'une politique de l'emploi. Un réacteur en service, c'est 250 emplois, une misère pour 5 milliards d'euros investis. Il y a certes plus de monde au moment du chantier, mais c'est provisoire et ce sont des "nomades" du bâtiment qui sont mobilisés (ils sont baladés de chantiers en chantiers) : peu de locaux trouvent du travail. Par contre, en quelques années, l'Allemagne a créé 350 000 emplois dans les renouvelables. Résultat, le grand syndicat IG METALL a changé de position : après avoir été pendant des années aussi obtu que le CGT (pronucléaire à 100%), IG Metall condamne désormùais le nucléaire AU NOM DE L'EMPLOI. Qui plus est, de quels emplois parle-t-on ? Est-ce acceptable de devoir être irradié pour gagner sa vie ? Il est avéré que ce sont les plus précaires que EDF envoie faire la maintenance en zones radioactives. Ecoeurant. Voir aussi l'étude "Un courant alternatif pour le Grand-Ouest" qui montre que, avec les 3,5 milliards prévus pour l'EPR, on peut créer jusqy'à 15 fois plus d'emplois. Depuis, il est apparu que l'EPR coûtait en réalité au moins 5 milliards : les alternativent créent donc 20 ou 25 fois plus d'emplois. ( http://www.sortirdunucleaire.org/index.php?menu=sinformer&sousmenu=brochures&soussousmenu=courant-alternatif&page=index )