Par Stéphane Lhomme
- Président de l'Observatoire du Nucléaire
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Stéphane Lhomme, 45 ans, est président de l'Observatoire du Nucléaire. De septembre 2002 à février 2010, il a été porte-parole du réseau Sortir du nucléaire. Titulaire d'un DEA en sociologie,...
En finir avec le mythe de l’Autorité de Sureté Nucléaire
Par Stéphane Lhomme
- Président de l'Observatoire du Nucléaire
mardi 30 octobre 2012
André-Claude Lacoste, président de l’ASN, s’en va dans quelques jours. Il n’était pas en mesure d’assurer la sûreté des centrales française, et son successeur ne le sera pas davantage…
Il ne s'agit pas ici de s'en prendre à la personne d'André-Claude Lacoste, responsable de la "sûreté nucléaire" en France depuis 1993, et qui va prendre sa retraite dans quelques jours. C'est bien le mythe qui entoure ce personnage qu'il convient d'urgence de déconstruire : au moment où circule déjà le nom de son probable successeur, chacun doit savoir que M. Lacoste n'était, pas plus que n'importe qui d'autre, en mesure de garantir la sûreté nucléaire.
Notons d'abord que M. Lacoste s'est lourdement trompé pendant près de 20 ans, depuis sa prise de fonction jusqu'à la catastrophe de Fukushima : avant ce drame, il se portait garant de la sûreté du parc nucléaire français tel que ce dernier se présentait. Désormais, il exige d'EDF la construction, pour chaque centrale, d'un "noyau dur" d'alimentation électrique et de source d'eau froide, et un ensemble d'équipements de diagnostics, de conduite et de gestion, pilotable depuis une salle de repli "bunkérisée", capable de résister "aux agressions extrêmes".
En réalité, les mesures exigées aujourd'hui étaient tout aussi exigibles avant Fukushima. Mais M. Lacoste n'avait tout simplement pas pu les imposer à EDF, qui n'en voulait pas pour des raisons financières.
Il ne s'agit pas ici d'accréditer l'idée que ces mesures, une fois qu'elles seront mises en œuvre (dans de longues années !), garantiront la sûreté nucléaire puisque, à nouveau, ce ne sera jamais le cas. Il s'agit de montrer qu'André-Claude Lacoste a attendu une catastrophe causée par un tsunami pour exiger des mesures... qui n'ont rien à voir avec le risque de tsunami.
Une indépendance contestable
Venons-en maintenant à la supposée indépendance de l'Autorité de sûreté et de son patron. Quelques jours après le début de la catastrophe de Fukushima, André-Claude Lacoste, auditionné à l'Assemblée nationale, déclarait "Je pense que si la question d'un moratoire se pose, et nous nous la posons, ce sera sur la construction de Flamanville 3" (cf dépêche d'agence), c'est à dire sur le réacteur EPR actuellement en chantier dans la Manche.
Or, le lendemain matin dès l'aube, M. Lacoste s'exprimait sur différentes radios pour... réfuter l'idée d'un moratoire sur l'EPR (cf dépêche d'agence) ! Que s'était-il donc passé pendant la nuit ? C'est bien simple : au même moment, M. Sarkozy arrivait au Japon pour y prétendre, sans honte et contre toute évidence, qu'avec le réacteur EPR, la catastrophe ne se serait pas produite.
Autre affaire bien gênante : le 2 novembre 2009, un communiqué commun des autorités de sûreté finlandaise, française et britannique pointait d'inquiétants problèmes de sûreté concernant le système de contrôle-commande de l'EPR, et exigeait d'Areva d'importantes modifications.
Aussitôt, de multiples articles louèrent la supposée "indépendance" de l'ASN française et de son patron qui n'hésitait pas à mettre publiquement Areva en cause, au nom de la sûreté. Or, en réalité, comme en atteste The Times du 1er juillet 2009, le lièvre avait été levé par la seule Autorité de sûreté britannique.
Cette dernière a eu la coupable indulgence d'associer à son communiqué les autorités de Finlande (la STUK) et de France, les deux pays où un EPR était déjà en chantier, cachant ainsi la réalité glaçante : l'ASN française et la STUK n'avaient rien vu (il s'agirait alors d'une très grave incompétence) ou, pire, rien dit.
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15 commentaire(s)
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Commentaire par patrig k
mardi 30 octobre 2012 18:53
Il fallait l'écrire, et le dire haut et fort ..
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[2]
Commentaire par Hervé
mardi 30 octobre 2012 20:49
A partir du moment ou on fait quelque chose, on prend des risques et c'est valable dans tous les domaines, pas seulement dans le cas de l'industrie nucléaire. Plus d'un million de personnes meurent sur les routes chaque années, et malgré cela, ça n'a pas remis en cause l'usage de l'automobile. Il en est de même pour le secteur de l'énergie. Tant que le bilan risque / intérêt penche en faveur de l?intérêt, on continuera. Par exemple L'Ukraine qui a subi Tchernobyl continue malgré cela sur la voir du nucléaire. Et le japon fera certainement de même si ses projets d'exploitation du gaz naturel ne s'avèrent pas faisable. En fait tout dépend des ressources alternatives disponibles, de la situation économique,... Les avions sont toujours tombés, ll en tombe de moins en moins car on améliore la sécurité mais ils continueront à tomber et on continuera à les prendre...
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[3]
Commentaire par Chelya
mardi 30 octobre 2012 22:33
Grosse différence entre le nucléaire et le secteur automobile : on oblige les automobilistes à souscrire une assurance pour que leurs victimes puissent obtenir réparation alors que l'industrie nucléaire est dispensé d'assurance sur les centaines de milliards d'euros que coûtent ses accidents...
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[4]
Commentaire par un physicien
mercredi 31 octobre 2012 09:40
En finir avec le mythe des expertises indépendantes. M. Lhomme détient la Vérité Par principe.
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[5]
Commentaire par Trob
mercredi 31 octobre 2012 10:33
Qu'apporte cet article? Aucune analyse, aucun fait qui n'est pas connu depuis des mois... Un peu décevant pour l'expansion
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[6]
Commentaire par Hervé
mercredi 31 octobre 2012 18:27
@ Trob Si, Si, On y apprend que Mr lacoste prend sa retraite. @ Chelya Etant donné qu'on en profite tous, d'une certaine manière, c'est compris dans le prix de l'élec...
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Commentaire par Superboeuf
jeudi 01 novembre 2012 01:58
Peut être bien que vous n'aimez pas l'ASN, très cher Stéphane, mais contrairement à vous, M. Lacoste est compétent en matière de nucléaire (et ce n'est pas un sociologue manipulateur qui fait passer une association pour officiel en mettant "observatoire" qui peut, ne serait-ce prétendre, dire le contraire).
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[8]
Commentaire par Stéphane Lhomme
vendredi 02 novembre 2012 14:21
@ Superboeuf : si l'ASN est "compétente" en matière de nucléaire, pourquoi M Jamet (bras droit de Lacoste) , chargé par l'AIEA de tirer les enseignements du séisme de juillet 2007 au Japon, a-t-il assuré que les centrales nippones pouvaient continuer à fonctionner ? Trois ans après, on a eu Fukushima, bravo !
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[9]
Commentaire par Stéphane Lhomme
vendredi 02 novembre 2012 14:24
@ Trob : si un fait est "déjà connu", il ne faut plus jamais en parler ? C'est bien ça votre "raisonnement" ??? De toute façon, le fait que M. Lacoste se soit couché devant M Sarkozy n'est pas connu, ou si peu.
Et le fait qu'il ait laissé fonctionner le parc français sans les mesures de sauvegarde (générateur bunkérisé, etc) est peu connu : personne ne trouve ça bizarre ?
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[10]
Commentaire par Hervé
samedi 03 novembre 2012 23:42
Concernant la sécurité des centrales au japon, il faut rappeler que seule la centrale de Fukushima Daiichi a défailli. Celle d'Onagawa plus prés de l'épicentre a résité sans domages majeurs. Idem pour Fukushima Daini. Ce qui montre que les système de sécurité peuvent aussi fonctionner. Bunkeriser la salle de commande permetra d'améliorer la sécurité en cas de chute d'avion... et réduira un peu plus le risque.
De toute façon, on ne pourra jamais affirmer qu'une installation est sure à 100%. Une météorite peut tomber sur une centrale, un volcan peut pousser juste sous une installation. Ce qu'il faut regarder c'est le bilan risque / avantages / cout / enjeux géopolitiques et sur ce plan contrairement à ce que certains veulent faire croire, l'énergie nucléaire s'en tire trés bien malgrés Tchernobyl et Fukushima. Bien entendu, ce bilan est différent d'un pays à l'autre en fonction de ses ressources alternatives...
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[11]
Commentaire par corrector
mardi 06 novembre 2012 19:49
"cachant ainsi la réalité glaçante : l'ASN française et la STUK n'avaient rien vu (il s'agirait alors d'une très grave incompétence) ou, pire, rien dit."
Qu'en savez-vous?
RIEN, comme toujours.
Vous n'êtes qu'un vulgaire propagandiste, déformateur des faits.
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[12]
Commentaire par GOP
jeudi 08 novembre 2012 11:44
Que penser de travaux "dirigés" afin de déterminer de pseudo-résistances des installations, pour y avoir participé, je n'ai pu que constater que nombre de critères pris en compte n'avaient que peu de choses à voir avec ce que pourrait être la réalité d'un incident....Je suis donc très sceptique sur nombre de points délivrés par l'asn ou l'exploitant, il y a là un vaste débat à ouvrir...
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[13]
Commentaire par François07
vendredi 16 novembre 2012 15:43
@hervé : l'analyse bénéfice/risque est en effet pertinente, et pouvait être jusqu'à présent favorable au nucléaire, en nombre de morts par rapport à d'autres industries, mais avec un sérieux bémol pour les Bordelais, si jamais Fukushima s'était produit lors de la tempête du 27 décembre 1999 quand une vague a noyé la centrale du Blayais et coupé l?alimentation des réacteurs n°2 et 4, comme à Fukushima. Ce qui a permis aux Bordelais d'éviter de déménager, c'est qu'heureusement, les moteurs diesels ont fonctionné (ce qui n?a pas toujours été le cas, par ex. le 14 avril 1984 à la centrale du Bugey). Cependant, avec l'énergie solaire, personne ne risque de devoir déménager. Et si les pays du golfe abandonnent leurs projets de centrales nucléaires pour le solaire, c'est qu'en plus c'est moins cher !
Les Espagnols ne sont pas fous, aux 7 à 9c le kWh de Flamenville 3 (cour des Comptes), ils ont préféré les 4c de la centrale photovoltaïque de Talaván : Investissement 250 M? soit 304 M? avec un taux d?intérêt de 4% sur 10 ans. Sur 25 ans, la centrale va produire 25 x 400 MWh soit 10 TWh. 304 M? /10 TWh = 0,03 ? le kWh +1c ? (105 employés). Et comme pour les vielles centrales nucléaires, dans 25 ans le kWh sera quasiment gratuit, mais sans risque que tout explose. De plus, les centrales solaires à sel fondu fonctionnent aussi la nuit et, d?après le ministère de l?industrie, un carré de 56 km de côté couvert de panneaux solaires suffirait à couvrir les besoins de la France entière.
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[14]
Commentaire par Hervé
mardi 20 novembre 2012 19:43
@François
Si je reprends vos chiffres, une production annuelle de 400Mwh @ 4ct le Kwh, ça fait un CA annuel de 16000euros... Je crois que vous vouliez dire 400Gwh. Dans ce cas, le CA annuel sera de 16ME soit 15.6 ans pour rembourser les 250ME, ça dépasse déjà votre calcul sur 10 ans et ce sans les frais financiers , salaires le personnel, les pièces de rechange... Avec les frais financiers il faudrait 25 ans a ajouter aux 105 emplois ça couterait minimum 2 ME / an chez nous. Cette centrale doit être assez grande (disons 5Km2) avec une densité moyenne de 2 coups au km2, elle va recevoir 10 coup de foudre / ans. Difficile d'estimer les dégâts mais on peut s'attendre à du matos à changer.
@4ct ça me parait pas viable actuellement même au sud de l'Espagne. Cela dit, une installation de ce type profitant des bas prix actuels des panneaux doit financièrement "tenir la route" @8ct/Kwh et devient intéressante pour participer à la pointe journalière. Le solaire a de l'avenir, mais restera un appoint pas plus, à moins d'une rupture techno sur le stockage. Cdlt
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[15]
Commentaire par Hervé
mardi 20 novembre 2012 20:18
@ François Concernant Blayais, la situation était très différente de Fukushima. Il n'y a pas eu de tremblement de terre ce qui aurait grandement facilité disponibilité et la venue des secours. D'autre part, il est plus facile de refroidir provisoirement un PWR avec de l'eau de mer car il suffit de raccorder une motopompe de pompier au circuit secondaire afin d'évacuer la chaleur résiduelle. Enfin ce type de centrale est d'une conception proche de celle de Three Mile Island qui avait réussi a contenir la radioactivité malgré une fusion du c?ur et des explosions d?hydrogène dans le confinement. De plus elles ont été améliorées depuis pour faire face a ce type de problème. Cependant il est certain que on ne peut pas avoir une sécurité absolue. De ce coté la je pense que la "piqure de rappel Fukushima" sera très bénéfique à ceux qui pouvaient considérer que nos centrales sont parfaitement sures. Pour ma part et je pourrais en faire témoigner des amis écologistes, j'ai toujours défendu le fait que les déchets sont un problème secondaire en rapport du risque. Cela ne m?empêche pas de penser qu'en l'état de la techno, ça reste encore la meilleure façon de produire de l?énergie en masse avec le plus faible impact sur la planète. Mais il est certain que si ça pête c'est localement une catastrophe d'ampleur majeure.
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