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 - Président de l'Observatoire du Nucléaire

Auteur
Stéphane Lhomme, 45 ans, est président de l'Observatoire du Nucléaire. De septembre 2002 à février 2010, il a été porte-parole du réseau Sortir du nucléaire. Titulaire d'un DEA en sociologie,...

AREVA ne construira aucune centrale en Turquie !


vendredi 10 mai 2013

La presse n'a pas de mémoire : cela fait près de 50 ans que la Turquie annonce le lancement d'un programme nucléaire... Sans jamais le réaliser !


Voir l'Observatoire du nucléaire de Stéphane Lhomme

Dès la nouvelle connue, jeudi 2 mai 2013, la plupart des médias français ont célébré l'"immense succès" d'Areva, sélectionné avec son partenaire japonais Mitsubishi pour construire quatre réacteurs nucléaires en Turquie.

Les superlatifs n'ont pas manqué: "Le méga-contrat en Turquie sort Areva d'une disette de commandes" (AFP), "Contrat historique en vue en Turquie pour la France/" (Le Figaro),  "Le nucléaire retrouve le sourire", (Les Echos). Même emballement dans l'audiovisuel.

Pourtant, cette affaire mérite un traitement bien plus fin qu'un déferlement de cocoricos bien imprudents et surtout fort peu justifiés. Il est en effet indispensable de tenir compte des données historiques du fantomatique programme nucléaire turc et du contexte géopolitique à l'approche du centenaire du génocide arménien (1915-2015). Il est enfin légitime de se demander si ce chantier, au cas où il se concrétiserait, rapporterait bien de l'argent à la France... ou lui en coûterait !

Trou de mémoire

Certains médias sont d'autant plus fautifs qu'il leur suffisait de consulter leurs propres archives pour s'apercevoir que, à de multiples reprises depuis... 1967, la Turquie avait annoncé la construction de réacteurs nucléaires.

Un article du Monde du 19 juin 1985 signale que "la société ouest-allemande KWU se retire de la compétition pour la construction de la seconde centrale nucléaire turque d'Akkuyu/" et que "la premièreavait été attribuée à la société canadienne AECL." Or, aucune des deux n'a été construite.

Le 26 août 1997, les Echos titre : "Framatome et Siemens sur les rangs pour construire la première centrale nucléaire turque" et, le 21 janvier 1999, le même journal assure que l'offre franco-allemande est la meilleure et "pourrait être officiellement retenue ce mois-ci, ce qui ouvrirait la phase de négociations techniques et commerciales." On en est au même point 16 ans plus tard.

Plus récemment, le 25 mars 2008, Les Echos titre : "Ankara lance un appel d'offres pour construire sa première centrale" et assure sans le moindre bémol que "la centrale sera construite à Akkuyu/" et qu'elle "devrait être opérationnelle en 2013 ou 2014/." Nous y sommes et la centrale n'existe toujours pas.

Les médias français n'ont tenu aucun compte de ces innombrables effets d'annonce pitoyablement suivis d'annulations, et sont repartis en mai 2013 dans les titres plus affirmatifs les uns que les autres. C'est de cette façon que l'on accrédite dans l'opinion l'idée - totalement fausse - que la France réduit son déficit commercial en exportant des centrales nucléaires.

Il faut en effet rappeler que la dernière centrale vendue est le fameux EPR qui a été bradé par Areva à la Finlande en 2003 pour 3 milliards d'euros : le réacteur, qui devait entrer en service en 2009, n'est toujours pas terminé, et son coût a triplé... au détriment des finances françaises.

Un petit "détail"

Areva tente de se défendre en expliquant que c'était la première fois qu'un EPR était mis en chantier : raison de plus pour prédire un nouveau désastre puisque le réacteur proposé aux Turcs est un nouveau modèle, l'Atmea... qui n'a lui-même jamais été construit. D'ailleurs, les négociations financières ne font que commencer et il est très probable qu'elles n'aboutissent jamais, tant la production d'électricité nucléaire est une activité ruineuse.

Il est aussi un "détail" qui ne peut échapper: entre 2013, année du choix du constructeur, et 2017, date théorique du début du chantier, se trouve 2015 : l'année du centenaire du génocide arménien... dont Ankara ne veut pas entendre parler.
Il n'est pas interdit de penser que c'est pour pousser les autorités françaises à la plus grande modération, voire au silence en 2015, qu'Areva a été sélectionné : si Paris "dérape" (du point de vue turc), le contrat sera annulé.

Areva ne construira aucune centrale en Turquie et, si jamais cela se produit, ce sera à nouveau un gouffre financier pour la France !

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8 commentaire(s)
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Commentaire par Antoine
vendredi 10 mai 2013 10:54
Comment un journal aussi sérieux que l'expansion peut il accorder une quelconque crédibilité à Stephane Lhomme farouche opposant au nucléaire qui n'y connait rien en géopolitique ? La situation actuelle de la Turquie n'est pas la même que celle d'il y a 10 ans.

[Réponse de l'auteur]
@Antoine : votre commentaire est totalement dénué du moindre argument. Essayez donc d'expliquer en quoi ce qui est écrit serait faux...
[2]
Commentaire par Foulon
vendredi 10 mai 2013 14:48
Ce qui est écrit n'est peut-être pas faux, mais ce qui est encore plus vrai, c'est qu'il y a un marché de l'énergie nucléaire en Turquie, dont les parts de marché sont à prendre. Toutefois, il faut remarquer qu'un contrat de construction d'une centrale est signé avec la Russie. Ca c'est du concret. Avec la croissance en cours de l"économie turque, les besoins en énergie de ce pays sont très importants. A ne pas négliger.

[Réponse de l'auteur]
Les archives montrent que les annulations ont été multiples (jusqu'à 2008 : c'est très récent), on verra bien si cette fois c'est la bonne, rien ne vous empêche d'y croire. Mais si jamais c'est le cas, on verra si Areva gagne de l'argent ou, comme à chaque fois, en perd ! Quant aux Russes, il leur arrive exceptionnellement de concrétiser un contrat nucléaire, par exemple à Bouchehr (Iran), mais il leur a fallu 16 ans (!!!) juste pour finir une centrale en grande partie construite par les allemands dans les années 70...
[3]
Commentaire par Antoine
vendredi 10 mai 2013 14:56
@Mr Lhomme, 1 . "En 2003 pour 3 milliards d'euros : le réacteur, qui devait entrer en service en 2009, n'est toujours pas terminé, et son coût a triplé... au détriment des finances françaises." Vous confondez finances françaises et ressources d'Areva. L'Etat ne finance pas Areva c'est Areva qui finance l'Etat (218 millions d'euros de dividendes versés à l'Etat en 2008). Les problèmes de financement de l'EPR ont étés résolus grâce à la vente d'Areva T&D. 2. "Les médias français n'ont tenu aucun compte de ces innombrables effets d'annonce pitoyablement suivis d'annulations, et sont repartis en mai 2013 dans les titres plus affirmatifs les uns que les autres" Sauf que nous sommes en 2013 et que la situation en Turquie n'est plus la même qu'il y a 20 ans. C'est un autre gouvernement et c'est une autre économie.

[Réponse de l'auteur]
* Areva, c'est un gros tas de dettes, certaines déjà connues et d'autres dans les placards, sans parler de l'affaire Uramin. Tôt ou tard, la vérité va exploser, et qui va payer les dizaines ou centaines des milliards ? Le propriétaire d'Areva : l'Etat français ! Comme au japon, c'est l'argent public qui paie pour Tepco, entreprise privée qui a causé une catastrophe... publique. * Quant au fait de vendre les bijoux de famille (T&D) pour se renflouer, c'est de la fuite en avant... qui ne marche qu'une fois ! * En Turquie, l'annulation de 2008 ne remonte pas à 20 ans !!! De toute façon, le nucléaire est trop cher, voyez des exemples ici : http://bit.ly/17QDahj
[4]
Commentaire par Didou
vendredi 10 mai 2013 17:37
Mouais, votre mauvaise foi habituelle... Areva n'a jamais construit d'ATMEA (mais des réacteurs, il y en a eu plein...)... ni vous d'ailleurs, je ne vois pas pourquoi vous en parlez alors. Vous oubliez que des gens des milliers de fois plus compétents (vous qu'un sociologue raté, chef de secte après tout) et plus impartiaux (non mais allo quoi) que vous disent que la nucléaire est sûr (plein d'études médicales le prouvent d'ailleurs sur The Lancet), propre (pareil, sur Energy Policy par ex.) et peu cher (plus cher que les fossiles - qui doivent faire vos gros chèques d'ailleurs ;) - et l'hydraulique, mais tellement moins que les fameuses énergies nouvelles à forte valeur ajoutées) C'en est presque affligeant quand on sait que vous êtes en démêlé judiciaire avec la même entreprise que vous attaquez, avec la même absence d'honneur que d'habitude...

[Réponse de l'auteur]
Il est impossible de répondre à des propos aussi confus. Quant aux démêlées judiciaires, c'est Areva qui m'attaque (cf http://bit.ly/14I0cFn ), il faut avoir l'esprit passablement enfumé pour estimer que cela doit me contraindre au silence !
[5]
Commentaire par pasdecentrale
mardi 14 mai 2013 15:19
Ils ont bien raison les Turques quand l'on voit les dégâts produits par les centrales nucléaires: Tchernobyl...., sols inutilisables, déplacements de population, non remboursement des assurances en cas de maison inhabitables, maladies..... etc, etc... Si seulement il n'y avait plus de centrale nucléaire en France
[6]
Commentaire par jodim
jeudi 16 mai 2013 10:45
Finement observé le rapprochement du 100ème anniversaire du génocide ! La même agitation diplomatico-économique peut être observée chaque année aux alentours du mois d'avril, le 24 avril étant le jour de commémoration du génocide Arménien.
[7]
Commentaire par Atom'Cratie
samedi 18 mai 2013 14:32
J'ai toujours apprécié la perspicacité de M. Lhomme. Connaissant le mépris de la Turquie pour les droits de l'homme (sans jeux de mots), l'histoire du centenaire du génocide arménien est en effet un joli lèvre ! Concernant le désastre financier de l'EPR Finlandais, dites moi si je me trompe, mais j'ai entendu dire que c'est la Coface qui garanti le financement et donc les dépassements financiers (colossaux). Au final ça serait donc bien l'état Français qui se fait pigeonner dans cette escroquerie ?
[8]
Commentaire par Taccoen
lundi 10 juin 2013 10:23
La construction de la centrale nucléaire d'Akkuyu est en cours. C'est une entreprise russe qui en est chargée.
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Stéphane Lhomme, 45 ans, est président de l'Observatoire du Nucléaire. De septembre 2002 à février 2010, il a été porte-parole du réseau Sortir du nucléaire. Titulaire d'un DEA en sociologie,...

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