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  François Dauphin est ingénieur INSA Génie Electrique 1984, Supélec 1985 et diplômé de l'Ecole de Management de Lyon en 2002. Il est depuis janvier 2012 en charge du développement pour les pays francophones...

Faut-il assurer le nucléaire?


lundi 11 avril 2011

Combien la catastrophe de Fukushima va-t-elle coûter au Japon? Et que se passe-t-il si plusieurs pays sont concernés? Peut-on assurer de tels risques?



 
La centrale de Fukushima n'était plus assurée depuis août 2010 et les risques en responsabilité civile couverts à la marge. Comme les secteurs de la banque et du pétrole, les événements récents pourraient bien amener à un remaniement profond des fonds assurantiels internationaux de l'industrie nucléaire.

À la suite de l'accident du Torrey Canyon, en 1969, un régime international a été mis en place afin d'indemniser les dommages dus aux marées noires. Assez rapidement après la création du FIPOL, les naufrages de de l'Amoco Cadiz et celui du Tanio ont montré la nécessité de relever le montant des couvertures. Alors que les risques potentiels sont largement supérieurs, les exploitants de centrales nucléaires sont pourtant aujourd'hui dans une situation proche de celle des pétroliers d'avant 1969. 

Depuis la signature de la convention de Paris en 1957, les exploitants doivent s'assurer auprès d'un pool d'assureurs : Assuratome. Pour le seul marché français, la capacité d'intervention d'Assuratome est de 541 millions d'Euros, montant qui devait être porté à 700 millions d'Euros. A titre d'exemple, l'indemnisation du centre de retraitement de Tokaimura, qui avait engendré deux décès et l'irradiation de 600 personnes, était déjà estimée à plus 100 millions d'euros.

L'intervention des Etats

Il va sans dire que ce montant reste très inférieur aux dégâts qu'engendrera un accident nucléaire de l'ampleur de celui de Fukushima. Dans ce cas, les Etats doivent intervenir. Bien qu'il soit difficile d'évaluer ce que coûtera Fukushima, les experts avancent le chiffre de plus de 45 milliard d'euros pour le démantèlement des réacteurs. Le coût du foncier au Japon est très élevé. Si une zone de 350 km2 devient inhabitable, une perte de plusieurs centaines de  milliards d'euros est possible, sans compter les indemnités à venir sur la pêche, sur les exportations alimentaires, l'indemnisation des victimes, ....

Il est avéré que les risques, comme les retombées radioactives, se moquent éperdument des frontières. On voit donc clairement apparaitre des critiques de la part des pays qui ont pris la décision d'investir massivement dans des programmes visant à réduire la part du nucléaire mais qui continuent pour autant à supporter les risques générés par d'autres. A ce jour, aucun mécanisme transfrontalier de compensation financière n'est prévu. De plus, le fait que le risque ait été considéré comme infime et le montant des dégâts très difficile à estimer a conduit à limiter drastiquement les couvertures en responsabilité civile de l'industrie nucléaire.

L'expérience récente et passée nous montre hélas que les risques sont réels et que les dégâts internationaux importants. Même s'il convient d'améliorer en permanence la sûreté des réacteurs en exploitation, on peut considérer qu'avec sept accidents nucléaires de niveau 5 ou supérieur en 60 ans (*), nous avons une fréquence moyenne d'un  accident au sens de l'échelle INES tous les 9 ans environ.

La contribution de l'industrie nucléaire

Par ailleurs, si nous ne pouvons estimer le montant des dégâts que causerait l'explosion d'un réacteur alimenté au MOX, nous pouvons retenir qu'une enveloppe minimum de l'ordre de 250 milliards d'Euros devrait être constituée. Cela correspond au coût actualisé de l'accident majeur de Tchernobyl selon les estimations officielles de l'AIEA (voir rapport - page 33).

Sur le même modèle que celui du FIPOL, l'industrie nucléaire pourrait être amenée, dans les années à venir, à constituer un fond visant à couvrir une part beaucoup plus substantielle des risques qu'elle fait courir aux populations. L'industrie nucléaire verse environ 125 Millions d'euros par an, au plan mondial, en assurance responsabilité civile. Un surcoût de l'ordre de 10 % du prix de l'électricité nucléaire pour le client final permettrait de constituer une prime annuelle de l'ordre de 23 milliards d'Euros.

Un montant trop important pour être pris en charge par les plus grands réassureurs mais largement supportable par les énergéticiens du nucléaire et au final corrélé aux risques potentiels engendrés. Au-delà du surcoût sur le prix de l'électricité, l'élément le plus compliqué pour y parvenir sera certainement la définition des règles de calcul des primes d'assurance et d'administration de ce fonds international.
  
(*)
Niveau 7 - 1986 catastrophe de Tchernobyl en URSS.
Niveau 6 - 1957 catastrophe de Kychtym en URSS.
Niveau 5 - 2011 accidents nucléaires de Fukushima 1
Niveau 5 - 2011 accidents nucléaires de Fukushima 3
Niveau 5 - 1987 accident nucléaire de Goiânia au Brésil.
Niveau 5 - 1979 accident nucléaire de Three Mile Island aux États-Unis.
Niveau 5 - 1957 incendie à la centrale de Windscale (Sellafield), UK
Niveau 5 - 1952 accident aux laboratoires nucléaires de Chalk River au Canada.
1 commentaire(s)
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Commentaire par Infonucléaire
mercredi 04 mai 2011 18:47
Problèmes de dates, et de sens: En 1957 c'est le Price-Anderson Act, la Convention de Paris c'est en 1960 et le but était de réduire les responsabilités financières pour lancer le nucléaire...

"Aux Etats-Unis, l'énergie nucléaire n'a pu se développer de façon industrielle que lorsque ses promoteurs ont été assurés qu'en cas d'accident leur responsabilité serait limitée. Le "Price Anderson Act" fut adopté en 1957. La responsabilité civile des producteurs d'électricité s'arrêtait à 60 millions de $. Au-delà de cette somme, le gouvernement pouvait intervenir pour les indemnisations jusqu'à 500 millions de $, c'était la première fois que la responsabilité civile d'une entreprise privée était légalement limitée par une loi.
Tchernobyl aurait coûté 300 milliards de dollars à l'économie ex-soviétique, si l'industrie était entièrement responsable des dommages en cas d'accident, plus personne n'investirait dans ce secteur."
Extrait de http://www.dissident-media.org/infonucleaire/nucleaire_sans_assurance.html

"Cette loi américaine fut à l'origine de la Convention de Paris en 1960."
Extrait de sur: http://www.dissident-media.org/infonucleaire/wash740.html

Infonucléaire.

[Réponse de l'auteur]
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  François Dauphin est ingénieur INSA Génie Electrique 1984, Supélec 1985 et diplômé de l'Ecole de Management de Lyon en 2002. Il est depuis janvier 2012 en charge du développement pour les pays francophones...

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