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 - Professeur honoraire au CNAM

Auteur
Professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers, Jacques Foos a tenu la chaire de "rayonnements, isotopes et applications", de 1983 à 2008, formant ainsi plusieurs centaines d'ingénieurs...

Que se passe-t-il aujourd'hui autour de Tchernobyl ?


mercredi 02 juin 2010

Dans les 30 km autour de Tchernobyl, l’ancienne centrale nucléaire ukrainienne, la vie naturelle a repris. Le Pr Jacques Foos se félicite : pour lui, les scientifiques commencent à tirer sereinement les leçons de la catastrophe.


Il y a eu sur Arte, le mardi 25 mai, un événement qui mérite d'être signalé : une émission sur les retombées de Tchernobyl qui donne enfin la parole aux scientifiques !

Intitulée: "Tchernobyl : une histoire naturelle?", l'émission peut être visionnée en cliquant ici

Bien sûr, Tchernobyl fut une terrible catastrophe et nous devons tous lutter pour assurer sur la planète une sûreté équivalente à celle qui prédomine dans notre pays et rester vigilants. Mais l'évocation de Tchernobyl ne doit pas à l'inverse conduire à l'abandon de toute rationalité et alimenter les peurs les plus fantaisistes. L'émission d'ARTE est de ce point de vue bienvenue.

Elle explique, faits à l'appui, que la zone de 30 km de rayon évacuée au lendemain de l'explosion est devenue une vaste réserve naturelle où la Nature a repris ses droits. Elle est étudiée aujourd'hui par de nombreux scientifiques, biologistes et radio-écologistes. 

Elle montre que pour certaines espèces, proches de l'Homme biologiquement parlant, on ne constate aucune anomalie, même 40 générations après l'accident. Certaines interprétations tendant à prouver le contraire dans les années qui ont suivi l'accident ont été infirmées ensuite par les mêmes scientifiques qui avaient publié à tort ces informations (cela prouve de leur part une grande honnêteté scientifique).

Au contraire, toutes les espèces vivant dans cette zone (y compris celles qui n'y séjournaient pas avant et qui ont investi cette zone protégée) font preuve d'"une santé insolente" (je cite l'un de commentaires de l'émission).

Il n'y a pas là un scoop. L'exposition d'animaux - et de l'Homme- à de faibles doses radioactives produit ce qu'on appelle l'effet "Hormésis". C'est un effet bénéfique, connu depuis 50 ans et confirmé par des expériences depuis 35 ans (je pense en particulier aux expériences de mon collègue le Pr Hubert Planel, de Toulouse). 

Depuis la nuit des temps, les organismes vivants «baignent» dans la radioactivité naturelle. Les cellules vivantes se sont donc naturellement adaptées. Elles ne sont ni passives ni isolées quand elles sont irradiées mais elles réagissent vite et efficacement en mettant en jeu des mécanismes de défense adaptés à la dose. Ces mécanismes dépendent notamment du nombre et de la nature des lésions cellulaires. Presque le tiers des gênes d'une cellule sont dévolus à ces mécanismes protecteurs. Plus ces mécanismes sont sollicités, plus ils sont capables de réparer des lésions. C'est un processus identique à l'entraînement du sportif: on ne court pas le marathon sans s'entraîner sur de longues distances pratiquement chaque jour! Cet effet d'entraînement a été démontré dans l'affaire dite des irradiés de Taiwan.

A Taïwan, il y a environ 20 ans, 10 000 personnes ont subi des doses d'irradiation pendant plusieurs années (entre 9 et 200 fois la dose annuelle naturelle et ce pendant une période comprise entre 9 et 20 ans), parce qu'elles habitaient dans des immeubles construits avec du béton dont le ferraillage contenait du cobalt-60, élément radioactif utilisé en médecine comme source de rayonne. Cette «cohorte» de 10.000 personnes (c'est le terme consacré) a été étudiée et on a constaté chez elle beaucoup moins de décès par cancer que dans une population témoin (30 fois moins !). Cet accident a été signalé en 2003 lors du 48è Congrès Annuel de la Health Physics Society à San Diego (USA) par une équipe de 14 chercheurs taiwanais.
 
Un autre accident, beaucoup plus récent, survenu à Istanbul fin 1998, illustre également cet effet. Il s'agit, là encore, de ferrailleurs cherchant à récupérer le métal d'un conteneur dans lequel la source de cobalt-60 était toujours présente. 
 
Assez curieusement, du moins dans notre pays, ces exemples, plutôt positifs pour certains effets des rayonnements sur l'Homme, sont cachés, comme si ils n'étaient pas politiquement ou médiatiquement corrects. L'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) a sorti en 2007 un ouvrage sur les Accidents dus aux rayonnements ionisants: le bilan sur un demi siècle. Ces deux accidents n'y sont pas mentionnés.

Encore une fois, il ne s'agit pas de minimiser l'accident gravissime de Tchernobyl ou de dire que l'irradiation à faible dose pourrait s'assimiler à un vaccin contre le cancer. Je m'étonne simplement que l'on ne s'intéresse pas de plus près à ces processus de réparation en vue de leurs applications éventuelles pour le plus grand bien de la médecine. L'émission d'ARTE est de ce point de vue un pas en avant. 

Il est curieux de constater que jusque là, toutes les émissions sur Tchernobyl nous étaient annoncées à l'avance par le réseau Sortir du nucléaire. Mais pas cette fois-ci. Un oubli sans doute !

Voir aussi l'article d'Hervé Nifenecker "Le nuage du  volcan  Eyjafjöll plus radioactif que Tchernobyl"
 
 
4 commentaire(s)
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Commentaire par Northman
mercredi 02 juin 2010 14:27
Plusieurs remarques :
1°) Où est passé le commentaire de l'association Sortir du Nucléaire à propos de cet article Pr Foos et que j'ai pu lire ce matin sur cette page web?
2°)C'est grâce au réseau Sortir du Nucléaire que j'ai pu apprendre la diffusion de l'émission.
3°) Le reportage est tout en nuance ce que n'est pas l'article du Pr Foos.Dans ce reportage, j'ai beaucoup aimé l'histoire des divers artefact apparus au cours des évaluations et notamment l'immigration d'espèces hors de la zone interdite, montrant ainsi la difficulté de mesurer l'impact réels à terme de la catastrophe sur les organismes vivants. Une telle ambition est très difficile à mesurer dans la mesure où tout fait système avec beaucoup de données manquantes , de logiques inconnues, de manque de recul sur l'évènement.
4°) je retiendrai aussi le propos d'un scientifique qui soulignait l'irresponsabilité de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique qui n'a procédé à aucune étude de mortalité de la zone dans les premières années d'après la catastrophe. Or le reportage le dit clairement même si c'est bref, la mortalité des espèces vivantes et végétales peu après la catastrophe fût très forte et il est ajouté que l'on ne pourrait accepter moralement une telle chose pour l'Homme.
5°) Un lien très intéressant
http://www.actualites-news-environnement.com/19947-animaux-Tchernobyl.html
[2]
Commentaire par Mathias Goldstein
jeudi 03 juin 2010 17:14
Bonjour,

Malheureusement, les anomalies génétiques chez les rongeurs, les poissons ou les hommes sont prouvées depuis longtemps et elles s'aggravent de génération en génération...

Lire:

"Le point de vue d'une généticienne sur les conséquences sanitaires en bélarus", sur:
http://www.dissident-media.org/infonucleaire/conseq_en_belarus.htm

"Les mutations dans la région de Tchernobyl", sur:
http://www.dissident-media.org/infonucleaire/solange_fernex.html

"Les enfants de Tchernobyl", sur:
http://www.dissident-media.org/infonucleaire/enfants_malades.html

La CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique dont les recommandations sont reprises et adaptées par les législations nationales) elle-même reconnaît depuis des années que "toute dose de rayonnement comporte un risque cancérigène et génétique".

Le soit disant "effet Hormésis" n'est qu'une illusion (défendue par un très petit nombre de pro-nucléaire) et il est contredit par les instances internationales comme la CIPR et les différents organismes officiels des pays ayant une industrie nucléaire, ainsi que par toutes les études sérieuses sur les rayonnements ionisants depuis des dizaines d'années.

Cordialement,

Mathias Goldstein,
Webmaster de Infonucleaire.net
[3]
Commentaire par HECHES JEAN
vendredi 11 juin 2010 11:08
Ce documentaire est une manœuvre magistrale de propagande de l'industrie nucléaire qui tente de se repeindre en vert.
Que le professeur floss parte habiter là bas il aura aussi une "santé insolente" en plus de ses propos face aux conséquences tragiques sur les populations humaines et notamment les enfants que la population "scientifique" internationale s'évertue à occulter depuis des années. Vérifiez par vous même /www.lesenfantsdetchernobyl.fr/
[4]
Commentaire par Lenoir
mardi 15 juin 2010 16:10
Le Pr Foos a peu de publications dans les revues à comité de lecture. Sa thèse de 3ème cycle publiée en 1971 n'est citée nulle part (cf. Scopus). Celle de Doctorat, 14 fois, ce qui est peu. En revanche il émarge à la liste d'auteurs d'une kyrielle de brevets pris par COGEMA et AREVA, d'où son immense intérêt à défendre le développement de l'industrie atomique. Son domaine, la chimie nucléaire et la propagande pour le développement de tout usage de la fission, de la radioactivité et des rayonnements, ne lui confère aucune compétence pour apprécier le contenu scientifique (ou plutôt ses carences criantes) d'une émission sur la situation dans la zone interdite autour de Tchernobyl.

Il est navrant que dans notre pays informer sur quelque domaine controversé consiste à faire appel au "visible self-declared poly-expert" confortablement retranché dans la forteresse technocratique qui le nourrit et l'honore.

On peut lire des analyses critiques documentées du film d'ARTE et du texte du Pr Foos sur le site http://enfants-tchernobyl-belarus.org
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