Sortir du Nucléaire répond à Hervé Nifenecker
mercredi 17 mars 2010
La semaine dernière, Hervé Nifenecker accusait "Sortir du Nucléaire" de vouloir "détruire l'industrie du nucléaire" en présentant de manière "fallacieuse" des documents dévoilés par une source anonyme, interne à EDF. Voici la réponse du Réseau, qui persiste, et signe.
Il y a une semaine, le Réseau «Sortir du nucléaire» a publié des documents internes à EDF sur l’EPR en construction à Flamanville, fournis par une source anonyme. Les premiers enseignements que l’on peut en tirer laissent craindre la possibilité d’un accident majeur pour le réacteur de troisième génération. L’usage du mode de pilotage propre à l’EPR, dit «Retour Instantané en Puissance» (RIP), censé lui permettre d’adapter sa puissance à la demande électrique, pourrait accroître les risques de perte de contrôle du réacteur. On assisterait alors à un emballement du réacteur, dont les conséquences seraient d’autant plus graves que le mécanisme d’arrêt automatique pourrait ne pas se déclencher. Le réacteur risquerait alors l’explosion.
D’ores et déjà, des défenseurs du nucléaire ont réagi, dont Hervé Nifenecker dans la chaîne Energie, affirmant qu’il était normal d’envisager dans les documents de travail toutes les hypothèses possibles, y compris les cas d’accident grave, et que tous les paramètres étaient parfaitement maîtrisés par les ingénieurs. Nous nous contenterons de les renvoyer à la lecture des documents, en particulier à la note « Bilan de la phase préliminaire de l’étude d’EDG FA3 et perspectives », où EDF avoue explicitement que tous les problèmes sont loin d’être résolus, qu’il conviendra de ne pas en informer l’ASN, et que celle-ci devra recevoir des notes minimisant les risques. Et de signaler que le simple geste des lanceurs d’alerte qui ont transmis ces documents internes en dit long sur la prétendue maîtrise des problèmes !
Car il ne s’agit pas d’entrer ici dans un match de ping-pong sur les arguments techniques, qui aurait pour effet d’esquiver les autres questions que soulève cette affaire.
D’un simple point de vue méthodologique, est-il responsable de commencer à construire un réacteur alors même que certains paramètres échappent au concepteur ? Est-il responsable, deux ans après, alors que les ingénieurs butent toujours sur ces points, de décider d’en construire un deuxième ? De manière générale, comment justifier le maintien de la filière nucléaire française, alors même que les pollutions liées au nucléaire sont connues et qu’il n’existe aucune solution au problème des déchets ?
Qu’est-ce qui justifie le développement de l’EPR, et du nucléaire en général ? Accroître la production d’électricité, à l’heure où la France devrait se concentrer sur la maîtrise de ses consommations plutôt que de se lancer dans une fuite en avant ? L’emploi ? On sait que pour un investissement similaire, les économies d’énergie et les renouvelables pourraient créer jusqu’à 15 fois plus d’emplois, non délocalisables et répartis sur tous le territoire . L’économie ? Les coûts de construction du premier EPR, qui seront payés par le contribuable, ont déjà explosé, et la rentabilité de ce réacteur «de 3ème génération» est compromise. La lutte contre l’effet de serre ? Trop cher, trop dangereux et hors jeu pour la majorité des émissions de gaz à effet de serre, le nucléaire ne saurait répondre à cet enjeu . L’Agence Internationale de l’Energie elle-même reconnaît qu’un développement tous azimuts du nucléaire, avec l’hypothèse invraisemblable de 32 GW de puissance installées chaque année (soit un réacteur tous les 15 jours) jusqu’en 2050, ne permettrait d’obtenir qu’une réduction minime des émissions de gaz à effet de serre, de l’ordre de 6 % …
Rien ne saurait justifier le développement du nucléaire. Dans ce contexte, et à la lumière des dernières révélations, la volonté de Nicolas Sarkozy de relancer le nucléaire civil, en réunissant une soixantaine de pays dans les locaux de l’OCDE, est plus choquante que jamais. Ses propos présentant le nucléaire comme une technologie « propre », souffrant d’ «ostracisme», frôlent le surréalisme. Notons également la participation à cette conférence de nombreux pays non signataires du Traité de Non-Prolifération, comme Israël, qui a signalé son intention de signer des contrats avec la France.
La volonté de l’Etat d’étouffer toute contestation, en déployant une impressionnante présente policière pour empêcher les citoyens de se rendre sur les lieux de la conférence pour protester, est extrêmement révélatrice : ce sont des enjeux de pouvoir, et rien d’autre, qui dictent la politique énergétique française !
Toutefois, nous invitons à ne pas être dupe du jeu du Président Sarkozy : cette conférence n’est finalement qu’une tentative désespérée de donner le change, pour faire oublier les difficultés que rencontre la filière nucléaire française. L’EPR accumule les déboires, les scandales s’ajoutant aux échecs commerciaux rencontrés par le réacteur de troisième génération. Quant aux projets de construction d’un réacteur par GDF Suez, ils semblent peu réalistes, étant donné l’absence de maîtrise de technologie de cette firme. En France comme dans le monde, les capacités industrielles limitées de la filière nucléaire (goulots d’étranglement au niveau de la production, manque de personnel qualifié…) constitueront inévitablement un frein à une hypothétique relance.
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- "...pourrait amener à une perte de contrôle du réacteur, provoquant l’éjection des grappes de commande."
Non : en cas d'éjection de grappe, les dégâts sur le coeur seraient plus importants en utilisant ce mode que dans un cas classique. La probabilité d'occurrence de cet accident n'augmente pas.
- "Quant aux projets de construction d’un réacteur par GDF Suez, ils semblent peu réalistes, étant donné l’absence de maîtrise de technologie de cette firme"
Voici quelques informations si faciles à trouver que je serait étonné que les rédacteurs de cet article ne les connaissent pas :
GDF Suez, via sa filiale Electrabel exploite depuis 30 ans en Belgique 7 réacteurs nucléaires, avec un personnel qualifié d'environ 2000 personnes (au passage les performances en matière de sûreté des centrales belges sont souvent meilleures que les françaises, je vous renvoie au rapport de la mission de l'IAEA OSART à Tihange).
GDF Suez, via sa filiale Tractebel Engeneering, dispose d'un bureau d'étude spécialisé dans le nucléaire avec 3700 ingénieurs, mettons que seulement 1000 font du nucléaire.
Je ne ferais que citer les filiales ENDEL et ITENA, très présentes sur la maintenance du parc nucléaire français et sur le démantèlement des installations nucléaires.
N'oubliez pas non plus que GDF Suez participe à la construction d'une centrale en Roumanie.
Probablement la phrase la plus amusante de ce billet. En tant qu'expert technique, M. Nifenecker met en pièce le rapport de SdN pour éviter les mauvaises interprétations et comme d'habitude, SdN répond à côté de la plaque pour éviter un débat sur lequel ils n'ont pas les arguments et ont pertinemment tort.
Mais bon, à l'ouest, rien de nouveau...
On peut évidemment réduire la probabilité d'occurrence de l'évènement mais physiquement, on ne peut l'éliminer qu'en fermant ou en ne construisant pas le réacteur.
Les copains de la Préfectorale et de l'ASN acceptent alors une probabilité calculée de 10-9 mais en février 2009, deux sous-marins nucléaires se sont heurtés au milieu de l'Océan Atlantique : quelle était la probabilité d'un tel événement ?
Contrairement à ce qu'affirment certains, le problème n'est pas technique mais financier : l'EPR c'est entre 8 et 12 milliards d'euros mobilisés sur dix ans sans aucune électricité et générant des quantités colossales de CO2 maintenant (pour la même énergie fournie, l'éolien nécessite 300 fois moins de béton !) et ensuite oblige les "clients" à consommer pendant quarante ans sous prétexte de "rentabiliser" l'installation. C'est exactement du modèle économique inverse dont nous avons besoin aujourd'hui : économiser maintenant massivement argent et énergie et produire au fur et à mesure avec des petits moyens de production mais nombreux et variés et disséminés et non polluants.
Une petite réponse à Frédéric Boutet :
Je ne ferais pas de remarque sur les coûts que vous annoncez, même si je ne suis pas tout à fait d'accord.
Par contre 300 fois plus de béton pour la même puissance fournie je me demande d'où vous sortez ces chiffres.... Personnellement en me contentant d'un bête recherche google voici ce que j'obtient :
Fondations pour une éolienne de 2 MW : de 400 à 800 m³ de béton.
Mettons 500 pour notre calcul soit 250 m³ / MW
EPR Flammanville d'après le dossier EDF : 400 000 m³ de béton.
EPR = 1600 MW donc en gros ça revient à 250 m³ par MW...
Ohhh ça alors, àç peu près la même chose... Sauf qu'une éolienne performante fonctionne 30% du temps... Donc il faut en gros 3 fois plus d'éoliennes pour produire la même énergie q'un EPR, et donc hélas 3 fois PLUS de béton pour les éoliennes.
Et même si mon calcul est imprécis, on est très très loin des 300 fois que vous indiquez.
Juste une précision:
RTE nous dit que le facteur de charge moyen des éoliennes Françaises est de 23% !
Puisque certains comparent avec un EPR, AREVA nous explique que le facteur de charge d'un EPR est de 92% soir un rapport de quatre. Il s’agit bien sur de moyenne annuelle puisqu'un EPR est conçu pour fonctionner 60 ans alors qu'une éolienne, seulement 20 ans ... soit à nouveau un rapport de 3.
Ce qui revient à dire que pour 1 MW électrique installé, le MW nucléaire produira 12 fois plus d'énergie que celui de l'éolien! Et toujours dans la même logique, si 1 MWe éolien installé coute 1.7 millions d'Euros, pour produire avec l'éolien de façon identique à un EPR, il en coutera: 1600 MW x 12 x 1.7 Millions d'€ = 32,64 Milliards d’€
Et ce qui n’empêchera pas que lorsqu’une éolienne se couple au réseau parce qu’elle produit de l’énergie, se sera toujours en remplacement du MIX 80% de nuc, 12% d’hydro et 8% de THF !!!
Ou en d’autres terme, l’éolien ne sert à rien dans le contexte du réseau Français… En tout cas, en termes de pollution, d’autonomie puisqu’elle ne régule pas et surtout, ce sont tous les Français qui supportent ce cout inutile au travers de la CSPE, des tarifs d’EDF et de leurs impôts ! Et quelques uns sont en plus, spoliés lorsqu’ils se trouvent en co-visibilité d’une éolienne…
La seule explication, c’est que SDN doit avoir des intérêts dans une société éolienne .
http://www.francebtp.com/chantiers/e-docs/00/00/19/2E/document_articles.php
et le chiffre qui a été donné pour l'EPR ne représente que le béton utilisé pour le réacteur et pas pour toutes la centrale (par exemple les infrastructures de refroidissement)... A énergie équivalente ce n'est pas 300 fois moins mais l'éolien sort quand même gagnant de la comparaison avec une bonne marge...
Vous annoncez 150 M3 et vous donnez un lien dont vous faites référence qui lui, indique 293 M3 de Béton ?????
Pour le coup, Maxime à raison !
Le nucléaire peut-il en dire autant ? Non, bien au contraire, alors on nous noie sous des monceaux de chiffres abscons pour nous faire oublier l'essentiel : le nucléaire est porteur de mort à grande échelle, tôt ou tard.
Si notre société était vraiment civilisée, elle devrait disqualifier d'office le nucléaire pour cause de danger insupportable par rapport aux bénéfices attendus.
Comparer les rendements du nucléaire et de l'éolien, c'est aussi ridicule, inintéressant et déplacé que de comparer par exemple les talents d'orateurs d'Hitler et de Churchill... Ces deux technologies n'ont RIEN à voir, car l'une est potentiellement super dangereuse et doit être refusée par principe, alors que l'autre est inoffensive, et doit être développée même si elle est imparfaite.
|...//...ENDEL et ITENA, très présentes sur la maintenance du parc nucléaire français et sur le démantèlement des installations nucléaires...//...]
ENDEL ! L'employeur des nomades du nucléaire, c'est bien de ce fossoyeur de valeurs que vous parlez MAXIME ?