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 - Professeur émérite à l'Université de Paris XII

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Professeur émérite à l'Université de Paris XII, il a fait ses études à HEC, à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Paris, à l'Université Harvard,...

La mobilité quotidienne des riches et des pauvres


mercredi 09 juin 2010

Une enquête nationale sur les transports et les déplacements des Français a été effectuée en 2007-2008. Des résultats détaillés sur la mobilité quotidienne (à moins de 80 km du domicile) viennent – enfin - d’être publiés. Ils permettent en particulier de mieux connaître la mobilité quotidienne, et notamment de savoir comment elle évolue en fonction du revenu.


Cette enquête montre que la mobilité quotidienne est principalement automobile : à 83%. Les transports en commun (y compris taxis et transports scolaires) pèsent 12%. Marche à pied et deux roues motorisés comptent pour 2% chacun, le vélo pour moins de 1%. Ces chiffres mesurent la mobilité en kilomètres parcourus. En dépit des discours, de l’alourdissement des taxes sur les automobiles, et des milliards de subventions (une dizaine par an) aux transports en commun locaux, ces chiffres évoluent assez peu.

La raison principale en est que les déplacements locaux en automobile (36,6 km/h) restent en moyenne presque deux fois plus rapides que les déplacements en transports en commun (19,2 km/h). Que cela plaise ou non le transfert modal tant souhaité vers les transports en commun implique une augmentation du temps passé dans les transports.

Mais le grand intérêt de cette enquête est de jeter de la lumière sur la répartition des déplacements par mode en fonction du revenu. Le revenu considéré est le revenu du ménage par unité de consommation, qui reflète mieux que le revenu global du ménage le niveau de vie de ses membres. Les Français sont classés en fonction de leur revenu ainsi défini, et regroupés en quatre groupes (appelés quartiles) d’égale importance : les Pauvres (1er quartile), les Moyennement Pauvres (2ème quartile), les Moyennement Riches (3ème quartile), les Riches (4ème quartile). On peut aussi, pour des analyses plus fines, les regrouper en dix groupes d’égale importance (appelés déciles). Les déplacements considérés sont les déplacements hors marche à pied des personnes de plus de 6 ans au cours d’une semaine.

L’enquête confirme que les riches se déplacent davantage que les pauvres, mais elle montre surtout que cette constatation classique doit être nuancée. Le nombre de déplacements par personne par semaine augmente avec le revenu, de 12,7 pour les Pauvres à 17,8 pour les Riches. Mais cela n’est pas vrai pour les Très Riches (les Français du 10ème décile, les 10% les plus riches), qui font moins de déplacements que les Français des 9ème et 8ème déciles. D’autre part, les déplacements des Riches sont plus courts que les déplacements des Moyennement Riches. Lorsque l’on compte en kilomètres parcourus ce sont les Moyennement Riches, pas les Riches, qui se déplacent le plus.

La seconde constatation concerne le choix du mode en fonction du revenu. L’idée souvent avancée que les riches se déplacent en voiture et les pauvres en transport en commun est largement fausse. La courbe du kilométrage effectué en transport en commun en fonction du revenu est une courbe en U : élevée pour les Pauvres, elle est minimale pour les Moyennement Pauvres et augmente ensuite avec le revenu. Les Très Riches du dernier décile consomment moins de transports en commun que les Très Pauvres du premier décile, mais autant que  les pauvres du deuxième décile, et bien davantage que les 70% des autres Français. Les considérables subventions publiques aux transports en commun locaux bénéficient donc principalement aux plus riches et aux plus pauvres de nos concitoyens.
La part des deux roues motorisés (motos et scooters) varie à peu près comme celle des transports en commun : élevée pour les Pauvres et pour les Riches, faible pour ceux dont le revenu est dans la moyenne. On peut dire la même chose pour la bicyclette.

La courbe des kilomètres effectués en voiture est à peu près l’inverse des précédentes. Elle augmente avec le revenu, culmine avec le 6ème décile, qui correspond au début du groupe des Moyennement Riches. Mais elle décline régulièrement avec les quatre déciles suivants. Le kilométrage en voiture effectué par les Très Riches du 10ème décile est très proche du kilométrage effectué par les Moyennement Pauvres du 5ème décile. Les mesures fiscales ou réglementaires anti-voitures du type taxe carbone ou (c’est la même chose) augmentation de la TIPP, représentent donc une part du revenu qui diminue fortement lorsque le revenu augmente. C’est la définition même d’un impôt régressif.

Enquête disponible sur internet à : www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr

 Mobilité hebdomadaire selon le mode et le revenu du ménage, 2007-2008

Enquête Nationale Transport et Déplacement 2007-2008


Notes :
a) revenu par unités de consommation.
b) Kilomètres parcourus


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