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 - Professeur émérite à l'Université de Paris XII

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Professeur émérite à l'Université de Paris XII, il a fait ses études à HEC, à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Paris, à l'Université Harvard,...

Des éoliennes à Paris, oui, mais à quel prix ?


vendredi 21 mai 2010

Inaugurées en grande pompe il y a plus d'un mois, les turboliennes du Parc de Belleville n'ont pas vraiment séduit Rémy Prud'homme. Sceptique quant à leur efficacité énergétique, et inquiet de leur coût, le Professeur ne mâche pas ses mots contre ce qu'il considère être un coup de com'.


' Sous le titre «Les éoliennes débarquent à Paris», la chaîne Energie de l’Expansion a fait écho aux communiqués de la ville de Paris sur les bienfaits des deux mini-éoliennes installées dans le 20ème arrondissement de la capitale. Chacune de ces turboliennes produirait, nous dit-on, 15 000 kWh d’électricité, soit la consommation de 6 foyers, et au moins la moitié de la consommation électrique moyenne d’un appartement parisien de dix appartements.

J’ai cherché à vérifier ces chiffres, et en particulier à connaître la puissance de ces éoliennes. C’est une tâche difficile. J’ai bien consulté 50 sites, qui reprenaient tous les chiffres ci-dessus, avant de trouver (sur le site du producteur) la puissance d’une turbolienne : 3,6 kW. La production d’une installation électrique (en Watt-heures) est égale à la puissance (en Watts) multipliée par le nombre d’heures de fonctionnement. Pendant combien d’heures fonctionne une éolienne en France ? Pendant 2025 heures. On trouve ce chiffre en divisant la production d’électricité éolienne en 2009 (7,8 TWh) par la puissance éolienne installée en 2009 (3,3 GW au 1er janvier + 4,4 GW au 31 décembre divisé par 2) qui figurent dans le très sérieux rapport de RTE intitulé L’énergie électrique en France en 2009 (consultable sur internet). On voit mal pourquoi le vent soufflerait plus souvent ou plus fort sur le 20ème arrondissement de Paris que sur les sites déjà installés en France. La production d’une éolienne de 3,6 kW ne devrait donc pas dépasser 7 300 kWh : c’est moitié moins que ce qui est annoncé, et repris en chœur sur internet.

Dans la com' de la mairie, un foyer consomme en moyenne 2 500 kWh d’électricité par an. Dans le rapport du ministère de l’Ecologie intitulé Production-Distribution de l’énergie électrique en France et dans les régions en 2005 et 2006 (également consultable sur internet) on lit que la consommation des usages domestiques en 2006, dernière année disponible, s’élevait à 147 TWh, ce qui, divisé par 26,7 millions de ménages, fait 5 500 kwh par ménage ou foyer : c’est deux fois plus que ce qui est annoncé, et repris en chœur sur internet.

Un immeuble parisien de dix appartements consomme donc environ 55 000 kWh. Une turbolienne pourrait alors couvrir environ 13% de cette consommation : on est loin des «au moins 50%» annoncés. «Couvrir cette consommation» est d’ailleurs une façon de parler franchement trompeuse. Il y a 8 760 heures dans une année, et une éolienne produit de l’électricité 23% du temps, et pas forcément au moment où on en a besoin. Pendant les 77% du temps où il n’y a pas de vent, les habitants de cet immeuble parisien vont donc se passer d’électricité – sauf s’ils restent branchés à notre détestable électricité nucléaire.

Ni l’article ni la com' municipale ne s’intéressent au coût de cette électricité éolienne. Dans la bonne bourgeoisie française, on ne parle pas d’argent à table. Moi qui suis un fils de paysan, je n’ai pas ces pudeurs, et j’ai cherché à savoir quel pouvait bien être le coût de ces kWh. «Ne pas compter en économie, c’est ne pas compter la peine des hommes» disait Charles Bettelheim, un marxiste de l’après guerre un peu oublié. Le prix de nos turboliennes municipales semble un secret d’Etat. Un site belge parle de 20 000 €, hors taxes et sans compter les coûts d’installation, qui ne peuvent guère être inférieur à 10%, ce qui ferait 22 000 € pour produire 7 000 kWh par an. L’investissement nécessaire pour produire 1 kWh par an de cette électricité éolienne-là est donc de 3,1 €. Par comparaison, une centrale nucléaire de type EPR coûte environ 4 milliards d’euros, et produit 12,6 milliards de kWh par an. L’investissement pour produire 1 kWh d’électricité nucléaire revient ainsi à 0,31 €. La magnifique électricité éolienne produite à Paris coûte dix fois plus cher que la méprisable électricité nucléaire. Qui paiera la différence? Vous et moi, dans des impôts plus lourds et de l’électricité plus chère, c’est-à-dire par une baisse de niveau de vie. Elle est sûrement bien plus belle, bien plus aimable, cette électricité éolienne. Et quand on aime, on ne compte pas.

En réalité, ces deux éoliennes installées à Paris sont bien inoffensives. On peut même y voir une expérience, et s’en réjouir. Ce qui est inquiétant dans cette affaire c’est le ramdam médiatico-politique - sur fonds d’approximations, de silences, d’erreurs, de contre-vérités et d’hyperboles - qui les accompagne. Paul Valéry le dit fort bien : «Le mensonge et la crédulité s’accouplent et engendrent l’opinion».

7 commentaire(s)
[1]
Commentaire par Seck
vendredi 21 mai 2010 09:55
"on lit que la consommation des usages domestiques en 2006, dernière année disponible, s’élevait à 147 TWh, ce qui, divisé par 26,7 millions de ménages, fait 5 500 kwh par ménage ou foyer : c’est deux fois plus que ce qui est annoncé, et repris en chœur sur internet."

Un peu rapide comme raisonnement. La différence entre habitat individuel et collectif (majoritaire à Paris) et l'usage de chauffage électrique ou non est indispensable pour ce genre de calcul. Les logements collectifs qui consomment moins sont majoritaires à Paris.

Pour le reste, c'est criant de vérité. Mais comme le dit lui même l'auteur en conclusion, il faut savoir se réjouir des expériences.
[2]
Commentaire par irisyak
vendredi 21 mai 2010 13:51
Monsieur,
Sauf le respect que je vous dois, il y a un triste biais dans votre analyse.
Imaginons une centrale nucléaire qui aurait pour tâche de fournir l'électricité pour un foyer .. à quel prix serait l'énergie nucléaire ...
Si donc nous comparons ce qui est comparable, l'énergie éolienne d'une 5 MW et bientôt d'une 10 MW va nous produire un kw.H à 3 ou 4 centimes d'Euros sur le long terme. L'énergie nucléaire nous produira son électricité à 7 voir 8 à 10 centimes dans 10 à 20 ans car il faudra aussi payer le démantèlement des anciennes centrales dont les provisions sont insuffisantes pour ce travail. Comme d'habitude les gouvernements les laisseront à l'abandon encerclées de barbelés: symbole de liberté ....
En bon paysan je me ferais du souci pour cette énergie.
En toute simplicité je vois que les pays démocratiques ne développent le nucléaire qu'avec parcimonie quand ils ne se tournent pas totalement vers les énergies nouvelles.
Notre pays prend un malin plaisir à tourner le dos à son avenir.
Ceci dit je vous accorde que les éoliennes Elena ne sont pas une réussite à promouvoir ... Il y en a d'autres qui le méritent.
[3]
Commentaire par Chelya
vendredi 21 mai 2010 22:14
Monsieur Prudhomme quelles sont vos références en matière de météorologie et de mécanique des fluides ? Un diplôme de google ?
[4]
Commentaire par Chelya
vendredi 21 mai 2010 22:19
(au passage votre estimation du kWh éolien urbain est ridiculement bas à moins que la disposition du site permettent de bénéficier d'un effet Venturi)

Sinon je voulais juste savoir, mis à part le fait qu'Areva communique sur un prix du MWh nucléaire de 55 €/MWh, vous pouvez m'expliquer comment vous faites pour payer les pylones et les cables si vous vendez votre courant électrique 0,03 €/kWh au consommateur ? Ou même tout simplement la maintenance de la centrale nucléaire (et le combustible puisque le business model d'Areva c'est le business model de Nespresso où on fait payer une partie du prix de la centrale dans le combustible...)

En plus j'adore les économistes qui ne prennent même pas en compte l'actualisation !
[5]
Commentaire par Rumolino
samedi 22 mai 2010 23:08
Ce cher M. Prud'homme ne rate pas une occasion pour faire la promotion de sa chère (au double sens du terme) énergie nucléaire. Tout dans son exposé suinte le biais et la mauvaise foi. A moins que ce ne soit de l'ignorance sur ce qu'est une énergie autre que celle issue de la fission de l'atome.
Que de raccourcis grossiers dans son exposé : il considère que le vent souffle de manière homogène sur tout l'Hexagone, comme si la recherche de sites éoliens n'était pas le premier des soucis pour l'implantation des machines.
Il considère que tous les foyers doivent avoir du chauffage électrique, pour entériner sa moyenne nationale. Alors que la consommation de 2000 à 3000 kWh/an pour un foyer est une valeur communément admise. Il confond investissement et coût de fonctionnement : comme s'il pouvait ignorer qu'une fois construite, l'éolienne ne requière aucun combustible. Elle se monte et se démonte sans histoires, ne pollue pas les générations futures, se remplace en un tour de main et ne fait courir aucun risque aux alentours. De plus, il ignore que le 23% de temps de marche ne correspond qu'à un équivalent pleine charge, et non à une durée de fonctionnement. Installée sur un immeuble, le lieu même de la conso, cela ne nécessite aucune infrastructure réseau.
Bref, M. Prud'homme devrait sérieusement songer à prendre sa retraite et retourner à la terre, comme ses ancêtres. Et qu'il emmène M. Allègre avec lui, SVP.
[6]
Commentaire par Eolienne pour particulier
lundi 24 mai 2010 14:35
Bonjour,
Pour les particuliers, le petit éolien n'a d'intérêt que pour baisser une facture existante. Le tarif d'achat par EDF est de toutes façons moins cher que le tarif auquel on l'achète...
Économie substantielle: oui.
Poule aux œufs d'or: non!
C'est dans ce sens que doivent se développer les éoliennes pour particuliers.
[7]
Commentaire par Vincent Brest
lundi 07 juin 2010 09:52
"une centrale nucléaire de type EPR coûte environ 4 milliards d’euros, et produit 12,6 milliards de kWh par an"

Je ne savais pas qu'il existait quelque part une centrale EPR en fonctionnement, où est-elle Mr Prud'homme ?


[Réponse de l'auteur]
Il y a actuellement quatre centrales de type EPR en construction: deux en Chine, à Taishan, une en Finlande, à Olkiluoto, et une en France, à Flamanville. Les travaux, qui durent 7 ou 8 ans, ont commencé il y a déjà 3 ou 4 ans. Personne ne met en doute que ces centrales "coûtent environ 4 milliards d'euros et produisent environ 12,6 milliards de KWh par an" - même si Olkiluoto risque de coûter un peu plus de 4 milliards. En matière d'énergie, et de technologie, il faut parfois savoir regarder devant soi, et se projeter dans le futur (proche) pour prendre les décisions d'aujourd'hui.
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