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Un entretien avec Albert Fert, prix Nobel français de physique


vendredi 16 novembre 2007

Albert Fert vient de recevoir le prix Nobel de physique, avec l’Allemand Peter Grunberg, pour une découverte fondamentale aux multiples applications industrielles. Dans cette interview à l’agence Newsteam, il revient sur ses études et sur les liens entre recherche et industrie.


 
Newsteam - Albert Fert, vous avez été récompensé pour la découverte en 1988 du phénomène de recherche fondamentale qui est la magnéto-résistance géante. De façon simple, qu’est ce que ce mot recouvre ?

Albert Fert - C’est un effet observé dans ce qu’on appelle des multicouches magnétiques, qui sont des sortes de mille-feuilles - pour parler simple - empilant des couches très minces de deux métaux, un métal aimanté, comme le fer, et un métal non aimanté, comme le cuivre, avec des épaisseurs très petites, de un a deux nanomètres.
Ces mille-feuilles présentent une propriété qu’on appelle la magnéto-résistance géante : leur
résistance électrique diminue très fortement en présence d’un champ magnétique. En présence de ce champ, le courant se met à passer dans le mille-feuilles.

Newsteam - Cette découverte de 1988 a été une étape fondamentale, mais une étape seulement. Il y a d’autres pistes, comme la spintronique…

Albert Fert - Oui, les journaux parlent surtout des applications actuelles de la magnéto-résistance géante qui sont importantes dans le domaine des ordinateurs. Mais l’autre conséquence, c’est l’ouverture d’un champ de recherche et de technologie qui s’appelle la spintronique. Elle est également fondée sur la même exploitation de l’influence du spin sur la mobilité des électrons, mais dans d’autre conditions , non plus seulement dans des multicouches , mais dans ce qu’on appelle des jonctions-tunnels, des piliers magnétiques et dans diverses structures fabriquées par la nanotechnologie.

Newsteam - Quelles sont applications de la spintronique en cours ou à venir ?

Albert Fert - Les applications sont multiples. En 1997, est arrivée l’application économiquement la plus importante : la lecture des disques durs d’ordinateurs. Dans une tête de lecture du disque dur, vous avez une multicouches, cette espèce de mille-feuilles. Quand cette multicouches voit le champ d’une inscription magnétique, sa résistance varie, le courant électrique change et on peut détecter l’inscription. A cause de la sensibilité de la magnéto-résistance géante, il a été possible de détecter des champs magnétiques plus petits, donc des inscriptions magnétiques plus petites et donc de mettre un plus grand nombre d’inscriptions sur le même disque dur.
Cela a conduit entre 1997 et aujourd’hui à une augmentation de la densité d’informations stockées dans un disque dur par un facteur voisin de 200.

Newsteam - Cela signifie une capacité de stockage plus importante qu’on constate dans certains outils quotidiens…

Albert Fert - Vous pouvez avoir des disques dur d’ordinateurs à 400 gigaoctets. D’autre part, sur des disques de très petite taille, on a pu mettre beaucoup d’informations, d’où l’extension de l’utilisation de la technologie du disque dur à l’électronique nomade (les baladeurs, les téléphone portables, etc…) ou a certains appareils photos.

Newsteam - On parle aussi d’application dans le domaine médical. Qu’en est-il ?

Albert Fert - Les capteurs magnétiques ont été utilisés rapidement en médecine, par exemple pour l’analyse de certaines molécules, comme les antigènes. On peut « décorer » les antigènes avec des petites particules magnétiques et ensuite les détecter par l’effet de magnéto-résistance géante, ce qui permet d’avoir une grande sensibilité. On peut avoir des capteurs extrêmement petits –qui peuvent détecter une ou deux molécules -et on peut multiplier le nombre de capteurs pour une série d’analyses en parallèle.

Newsteam - En recherche, quelles sont les avancées les plus prometteuses pour faire progresser la spintronique ?

Albert Fert - Notre technologie aura, je l’espère, un impact important sur les « magnetic random access mémory », les m-ram. On connaît aujourd’hui les ram, mémoires à semi-conducteurs, mais il y aura - il y a déjà sur le marché - des m-ram basés sur des effets de spintronique.
Par ailleurs, il y d’autre directions de recherche, comme l’électronique moléculaire,
qui utilise non plus les semi-conducteurs mais les molécules organiques. Dans le collimateur des physiciens, il y a aussi l’objectif de l’ordinateur quantique, un ordinateur qui ne combinera plus seulement des informations binaires – 0 et 1 - mais combinera aussi ce qu’on appelle un qubit, un bit quantique. Ses possibilité de calcul seront nettement supérieures à celles des ordinateurs actuels

Newsteam - Vous oeuvrez pour la recherche fondamentale, avec le CNRS, mais aussi pour un laboratoire privé, chez Thales. Comment avez vous concilié la recherche fondamentale avec la recherche appliquée ?

Albert Fert - Quand j’étais à l’université Paris Sud, nous avons créé avec un collègue de Thomson, Alain Friedrich, un laboratoire commun financé par le CNRS et par la compagnie Thalès, associé avec Paris-Sud, donc un interface entre les deux mondes, entre le monde universitaire et le monde industriel.
Alain Friedrich c’était mon premier doctorant. Il a fait une carrière à Thomson, moi j’ai continué à Paris Sud. Un jour, dans un congrès à San Diego, nous avons commencé à discuter. J’ai parlé de certaines idées que j’avais dans le domaine des multicouches magnétiques. Lui, dans son laboratoire, maîtrisait les nouvelles technologies de dépôt des couches ultra-minces. Nous avons établi un projet de collaboration qui, en combinant la physique de base des laboratoires universitaires et la technologie des laboratoires privés, a conduit à la découverte de la magnéto-résistance géante.

Newsteam - Vous êtes Prix Nobel français, dans la lignée de Georges Charpak et Gilles de Gennes. Comment expliquez vous ce savoir-faire propre à l’école française de physique ?

Albert Fert - L’école française de physique a des qualités. Dans mon cas, j’ai profité de la qualité de ce qu’on appelle l’école de Jacques Friedel, professeur à Orsay, qui a formé un grand nombre de physiciens dans le domaine de la matière condensée.

Newsteam - Un savoir faire combinant théorie et expérience, dans la lignée de l’école Friedel ?

Albert Fert - Oui c’était une caractéristique de cette école dont j’ai profité. Je suis un expérimentateur mais certains de mes articles les plus cités sont aussi théoriques.

Propos recueillis par Jean-Luc Prigent
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1 commentaire(s)
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Commentaire par solaroc
mardi 19 février 2008 19:03
recherche sur mathétorésistance: effet expliiquerait t'il la force de plaquage des électrons sortant de l'espace vers la terre et le niveau de passoir des matériaux donnant leurs densités