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Europe : la sécurité d'approvisionnement en danger


jeudi 10 octobre 2013

Publiant son étude annuelle sur l'énergie en Europe, CapGemini lance un appel pressant aux gouvernements européens : il faut réformer les marchés de l'électricité et du gaz.


En présentant les conclusions de la 15eme édition de l'étude annuelle sur l'énergie conduite par le groupe mondial de conseil CapGemini,  Colette Lewiner, adresse une mise en garde à tous les gouvernements européens :

« En l'absence de réformes, la sécurité d'approvisionnement énergétique de l'Europe pourrait être menacée, dans la mesure où il n'y a pas actuellement d'incitation à investir à long terme dans des infrastructures énergétiques nouvelles qui sont vitales, et alors que la capacité financière des grandes utilities européennes  se rétrécit".

Pour la  conseillère "Energies et Utilities" du Président de Capgemini, « les régulateurs et les gouvernements doivent jouer leur rôle et établir des règles qui permettent d'aller d'un marché libéralisé vers un marché géré (comme cela est en cours au Royaume Uni). Si les bonnes réformes ne sont pas prises en temps utile, le système électrique va se détériorer et quand il y aura reprise de l'économie et de la consommation, des interruptions dans la fourniture de l'énergie pourraient se produire ».

Et Colette Lewiner conclut sur une note ironique et fataliste : « peut-être faudra-t-il attendre cette situation de rupture pour que  les réformes nécessaires soient prises... »

Cette inquiétude se fonde sur l'analyse de la situation « chaotique » des marchés du gaz et de l'électricité en Europe.
« Les centrales au gaz qui permettent de faire face aux pics de consommation ferment massivement. D'autres  marges de sécurité  diminuent aussi, par exemple les volumes de gaz stockés dans les réservoirs souterrains pour l'hiver sont nettement plus bas que les années passées. A court terme cette situation pourrait conduire en cas d'hiver très froid  à de réelles difficultés d'approvisionnement et d'équilibrage du réseau De plus, le niveau croissant des ENR dans le mix énergétique et un prix des droits d'émission de CO2 beaucoup trop bas, provoquent des chutes de prix et mettent les Utilities sous une très forte pression », estime Colette Lewiner.

Le rapport annuel, intitulé «l' 0bservatoire européen des marchés de l'énergie », détaille tous ces points :

-    Baisse des consommations d'électricité et de gaz
La crise économique est la première cause du bouleversement des marchés. En  2012, la consommation électrique en Europe a décru de 0,2% par rapport 2011 et de manière plus significative au premier semestre 2013 (1,2% par rapport au premier semestre 2012). La consommation de gaz a connu une baisse de -2,2%, mais un ralentissement de cette décroissance au premier semestre 2013 (-0,4%).

-    La fermeture de centrales à gaz
Poussée par les objectifs du paquet "énergie-climat", les capacités installées d'énergies renouvelables ont continué d'augmenter, mettant sous pression la compétitivité des centrales au gaz. En Allemagne par exemple, le taux d'utilisation moyen des centrales au gaz a été inférieur à  21% en 2012. Or selon l'AIE , un taux d'utilisation minimum de 57% est nécessaire pour assurer la rentabilité. Résultat, environ 130.000 MW de centrales au gaz en Europe (soit 60% de la capacité installée) ne couvrent pas leurs coûts fixes et risquent d'être fermées d'ici 2016 . Or ces centrales sont indispensables pour assurer la sécurité d'approvisionnement durant les heures de pointe

- L'impact du développement des gaz non conventionnels aux Etats-Unis
Grâce à un développement spectaculaire des gaz non conventionnels , le prix spot du gaz est bas aux Etats-Unis  favorisant une substitution au charbon et donc un surplus de charbon sur le marché américain. Ce surplus a été exporté vers l'Europe ce qui s'est traduit par un taux d'utilisation des centrales au charbon en Europe bien meilleur que celui des centrales gaz.

- Le fardeau des subventions aux énergies renouvelables
Même si de nombreux gouvernements n'affichent plus le même volontarisme politique sur les ENR, la croissance de la part de ces énergies dans le mix énergétique engendre une forte croissance des subventions qui devient un fardeau pour les pays fortement endettés. De plus, les augmentations de prix de l'électricité payés par les consommateurs affectent leur niveau de vie déjà impacté négativement par la crise économique.

- Les  faibles prix du CO2
Un autre problème est le très faible prix des droits d'émission de CO2 qui  dégrade l'avantage économique à investir dans les technologies décarbonées. Ces cinq dernières années, les prix des certificats de CO2 ont baissé d'environ €20/t en 2007 à moins de  €5/t en août  2013..  

Les "Utilities" sous une forte pression financière:
 La situation chaotique des marchés électriques fait que les Utilities ont des difficultés financières. Leur chiffre d'affaire baisse de façon structurelle  ainsi que l'a déclaré récemment le président-directeur général de RWE, Peter Terium « 80% du chiffre d'affaire de l'Entreprise aura disparu dans 2-3 ans ». Les investissements décroissent alors qu'il faudrait investir 1000 milliards dans les infrastructures électriques et gazières d'ici 2020.

L'étude propose une sériue  de reformes.

-    réformer le système d'échanges des quotas d'émission de CO2  ou introduire (comme au Royaume Uni) un prix plancher pour la tonne de carbone,
-    créer des marchés de capacités  coordonnés au niveau européen,
-    concevoir et mettre en place un nouveau modèle de marché de détail permettant de rémunérer les investissements dans les réseaux intelligents
-    définir une croissance raisonnable des énergies renouvelables permettant de limiter la croissance des subventions associées
-   maintenir en activité les unités de production qui sont sûres et économiquement viables
-   limiter les taxes et autres charges qui pèsent sur les Utilities

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