Participez aux débats sur l'énergie de demain
 - Expert international énergie

Auteur
  François Dauphin est ingénieur INSA Génie Electrique 1984, Supélec 1985 et diplômé de l'Ecole de Management de Lyon en 2002. Il est depuis janvier 2012 en charge du développement pour les pays francophones...

Energies renouvelables: EDF face à des choix difficiles


jeudi 10 février 2011

Alors que l’Allemagne se lance massivement dans le développement des énergies renouvelables, la France prend du retard, avec des conséquences importantes pour le champion national EDF.


L'Allemagne a décidé de consacrer le montant colossal de 1% de son produit intérieur brut pendant 20 ans pour soutenir le secteur des énergies renouvelables.

Angela Merkel s'est donné les moyens de ses ambitions (*). Elle a décidé d'une augmentation de 10 % du prix de l'électricité et d'une taxe de 2,3 milliards d'euros par an sur l'énergie nucléaire. Elle annonce ainsi clairement son intention de prendre le leadership du secteur électrique européen en misant tout sur le renouvelable.
 Dans le même temps, le gouvernement français tergiverse et prend des mesures que les industriels et les ONG qualifient de mortifères. Cette situation rend l'évolution de la stratégie du groupe EDF particulièrement complexe. Le groupe a trois options devant lui :

1) EDF peut prendre le pari de contrer l'Allemagne en investissant à son tour massivement dans un outil industriel. Dans le solaire, EDF pourrait s'adosser sur l'expertise du CEA et de l'INES. Dans l'éolien profiter de l'appel d'offres off-shore et de nos compétences aéronautiques pour bâtir une industrie. Il renforcerait son image de producteur sans CO2 adoptant un positionnement proche de celui d'AREVA.
Cette stratégie présente plusieurs inconvénients. Le premier d'entre eux est que les énergies renouvelables comme le nucléaire, sont des technologies très capitalistiques. Or EDF a déjà fort à faire en la matière avec trois fronts d'investissement simultanés : le remplacement des 58 réacteurs français, la mise au point délicate des réacteurs EPR et enfin le démantèlement des anciennes centrales. Ouvrir une quatrième ligne d'investissement, au moment où les taux d'intérêt sont sur la pente ascendante, n'a rien d'une décision anodine..

2) EDF peut tout aussi bien prendre le pari inverse et adopter une attitude passive voire négative vis-à-vis du renouvelable. Les centrales nucléaires et thermiques largement amorties dont il dispose lui permettent de voir venir pour plusieurs années. A l'appui de ce choix, EDF peut mettre en avant que l'Allemagne, malgré ses investissements, ne produit à ce jour que 3 % de son électricité à partir du soleil. Le choix immédiat entre les différentes technologies solaires n'a rien non plus de trivial.
Cette stratégie d'attente n'est toutefois pas sans risque. Les énergies renouvelables seront compétitives face à la plupart des modes de production actuels dans moins d'une génération et le boom du photovoltaïque français a démontré un très grand attrait des clients pour ces solutions. Malgré les soubresauts de 2010, 61% des français y restent favorables, loin devant l'éolien et le nucléaire. EDF pourrait donc se retrouver avec des centrales et un réseau inadaptés et se voir totalement dépassé par des technologies innovantes et des pratiques commerciales qui se seraient peu à peu imposées à l'étranger, comme l'i-pod et les technologies mobiles se sont imposées dans la communication.

3) EDF peut enfin adopter une stratégie intermédiaire et se lancer dans le renouvelable via l'étranger. En ayant investi à hauteur de 50 % dans EDF-EN, société présente dans 14 pays et à hauteur de 50 % dans TENESOL c'est du reste ce que le géant français semble réaliser. L'avantage d'une telle stratégie est de pouvoir surveiller le marché international avant d'investir en France au moment opportun. Les problèmes restent nombreux.
Tout d'abord le montant qu'il faudra verser pour acquérir les filiales détenues partiellement n'ira qu'en s'accroissant. Ensuite, la limitation des moyens alloués à ERDF, la société de distribution en France, a accentué la dégradation, déjà sensible ces dernières années, de la qualité de service. Les délais de raccordements sont 3 à 6 fois plus longs en France qu'à l'étranger. Si cette situation devait perdurer, elle nuira à la réputation du groupe français voir permettra à de nouveaux acteurs de se positionner comme le montre la proposition de la FNCCR (Fédération des Collectivités Concédantes) de reprendre les raccordements à son compte.

EDF s'appuie depuis toujours sur une production centralisée compétitive, le contrôle des réseaux de distribution, une image de service public et une note triple A des agences de notation. L'irruption du renouvelable est susceptible de remettre en cause les positions existantes. La stratégie à retenir constitue pour la direction d'EDF un véritable casse-tête.

(*) Le plan allemand est largement plus ambitieux que celui que Pierre Mesmer avait décidé en 1973 en France à la suite du premier choc pétrolier.
2 commentaire(s)
[1]
Commentaire par Roberton
vendredi 11 février 2011 02:26
Si le soleil nous fournit des énergies renouvelables par l´intermédiaire de l´atmosphère comme le vent, la pluie, la lumière et la chaleur, nous devons les transformer en énergies mécaniques, puis électriques pour être utilisables. Or pour ce faire nous avons besoin du pétrole pour extraire les matières premières et les transformer en acier, ciment, générateurs, transformateurs, câbles électriques, plastiques, résines, isolants, toute l´informatique nécessaire pour son bon fonctionnement etc.. L´éolien ou le photovoltaïque non pas une durée de vie très supérieure à 20 ans, or ce sont des centaines de milliers d´éoliennes et des centaines de km² de panneaux photovoltaïques nécessaires avec la déplétion du pétrole, sans parler de la maintenance. Plus nous allons dans le futur, moins nous aurons de conditions de les fabriquer et de les maintenir. Parler alors d´énergies renouvelables est une affirmation erronée. Les dites renouvelables et les autres s´arrêterons le jour ou les camions, automobiles, trains et avions s´arrêterons eux aussi c´est à dire 2 ou 3 décennies après le passage du pic de production de pétrole.
[2]
Commentaire par carl
mercredi 16 février 2011 09:59
EDF et la France doivent choisir les technologies les plus régulières et celles qui ont meilleur rapport surface-volume utilisé / kw rendu . Ceci exclu bien entendu l'éolien industriel qu'ils soient onshore ou offshore. Sous couvert de l'écologie on assiste a un véritable massacre de l'environnement . Là il y a beaucoup d'anguilles et mensonges ....si vous voyez ce que je veux dire !
PARTICIPEZ !
Cet espace est le vôtre !
La chaîne Energie de LExpansion.com
vous ouvre ses colonnes. Partagez vos analyses !
Auteur
  François Dauphin est ingénieur INSA Génie Electrique 1984, Supélec 1985 et diplômé de l'Ecole de Management de Lyon en 2002. Il est depuis janvier 2012 en charge du développement pour les pays francophones...

Lire la suite

Du même auteur