Par Bertrand Barré
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Né en décembre 1942, ingénieur physicien de formation, Bertrand Barré est ancien conseiller scientifique d'AREVA voir son blog) Entré en 1967 au Commissariat à l'Energie Atomique (CEA),...
Quelles énergies renouvelables vaut-il mieux soutenir ?
Par Bertrand Barré
jeudi 02 octobre 2014
Les pouvoirs publics soutiennent éolien et photovoltaïque. Il aurait été plus utile de développer la biomasse, la géothermie et le chauffage solaire...
Les pouvoirs publics français n'ont pas attendu la loi sur la transition énergétique et la croissance verte qui va se discuter au parlement jusqu'au printemps pour promouvoir les énergies renouvelables. (...)
Nous avons donné, à grands frais, la priorité à l'éolien et au photovoltaïque, sources intermittentes d'électricité, alors que les besoins prioritaires étaient et sont toujours le chauffage des locaux et les carburants, auxquels peuvent répondre la biomasse, la géothermie (éventuellement dopée par les pompes à chaleur) et le chauffage solaire (1).L'eau chaude et les carburants se stockent aisément et l'intermittence éventuelle de leurs sources n'est pas un problème. Un chauffe-eau solaire ne fonctionne pas la nuit, mais vous pouvez quand même prendre une douche le lendemain matin.
Les difficultés du stockage de l'électricité
Il n'en est pas de même pour l'électricité, qui se stocke très mal en grosses quantités. Cela veut dire qu'à tout instant les producteurs d'électricité doivent fournir exactement la quantité exigée par leur client - et avec la qualité nécessaire en termes de fréquence et de voltage. Quand les sources intermittentes, qui ont la priorité d'accès au réseau, varient, il faut compenser ces variations en démarrant ou arrêtant des centrales thermiques ou hydrauliques. A moins, évidemment, de pouvoir stocker et déstocker du courant à la demande.
La seule méthode de stockage significatif consiste à pomper l'eau pour la remonter dans des barrages. Les Suisses achètent pas cher de l'électricité produite par leurs voisins en heures creuses, utilisent ce courant pour remplir leurs réservoirs de montagne, et revendent très cher à leurs voisins l'électricité que leurs barrages produisent en heures de pointe. Même avec un rendement de 70%, l'opération est extrêmement lucrative. Encore faut-il avoir la géographie et les équipements qui s'y prêtent...
En France, presque 90% de l'électricité est d'origine nucléaire et hydraulique, sources qui émettent très peu de gaz à effet de serre. L'uranium est, certes, importé, mais il ne représente que moins de 5% de la valeur du kWh nucléaire, il est facile à stocker, et son origine géopolitique est bien diversifiée. N'oublions pas que les éoliennes et les panneaux solaires sont importés en quasi-totalité. L'introduction d'autres énergies renouvelables dans un tel bouquet électrique n'avait rien d'urgent, et la montée en puissance des sources intermittentes va poser de plus en plus de problèmes de compensation de leur variabilité et de renforcement des réseaux électriques.
Les limites du foisonnement
La figure ci-contre illustre la variabilité de l'éolien terrestre en France, sur l'année 2013.
D'un jour à l'autre, la production électrique des éoliennes françaises peut passer de 130 à 30 GWh...
On entend souvent répliquer :"Oui, mais si les réseaux sont bien interconnectés, cette variabilité est compensée par le "foisonnement" géographique." En clair, si le vent faiblit à Copenhague, il souffle sûrement à Barcelone. Voire ! D'une part, les pertes de courant ne sont pas négligeables sur de telles distances, et d'autre part, ce foisonnement est réel, mais très partiel. La figure 2 ci-dessous, due à la patiente minutie d'Hubert Flocard montre l'addition sur l'année 2012 des productions de France, Allemagne et Autriche, Irlande, Royaume Uni, Espagne, et Danemark montre la réalité de ce foisonnement sur l'Europe, en supposant une interconnexion parfaite en "plaque de cuivre".
Autre exemple : en France, la pointe de demande d'électricité se situe vers 19-20 heures en hiver. Le soleil est couché depuis longtemps, ce qui signifie que tout le photovoltaïque français contribue à 0% de la pointe.
Tant que les énergies intermittentes ont une contribution minime au bouquet électrique, leur variabilité est aisément compensée par le reste des sources disponibles, mais quand cette contribution augmente, c'est une autre affaire. Les centrales thermiques qui doivent assurer leur secours ne fonctionnent plus assez pour être rentables, et leurs opérateurs les retirent du service, augmentant dangereusement le risque d'effondrement du réseau. C'est toute l'Europe que l'énorme investissement allemand dans le photovoltaïque met ainsi en risque de "black out".
(...)
(1) Voir le rapport publié en novembre 2001, mais toujours d'actualité, publié par MM. Birraux et Le Déaut, de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques. cliquez ici
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[Réponse de l'auteur]
Effectivement, la DGEC corrige le tir et il est grand temps. Les subventions au photovoltaïque ont gonflé la ltgne "CSPE" sur notre facture d'électricité au-delà du raisonnable. Question : si l'électricité portugaise est verte à 80%, ne serait-ce pas grâce aux importations de courant français via l'Espagne ?
[Réponse de l'auteur]
Quelles erreurs ?
[Réponse de l'auteur]
J'ajouterai que je vois mal les Français accepter de voir leurs campagnes éventrées par de gigantesques mines de lignite à ciel ouvert.
[Réponse de l'auteur]
La vraie équation allemande est : +solaire +éolien -nucléaire = +fossile Et dans les fossiles, le remplacement du gaz par le lignite (signalé dans l'article du Monde) ne fait qu'aggraver le phénomène.