Par Colette Lewiner
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Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure (1964), agrégée de physique (1968) et Docteur es Sciences physique (1973), Colette Lewiner débute une carrière d’enseignante à l’Université de Paris puis rejoint...
Un coup de frein à la renaissance du nucléaire
Par Colette Lewiner
mercredi 16 mars 2011
Il va y avoir un recours massif au gaz ces prochains mois.
Colette Lewiner : Je ne crois pas que la production d'électricité nucléaire va s'arrêter mondialement. Il y aura probablement un coup de frein à la renaissance du nucléaire, c'est-à-dire aux nouveaux projets de construction dans certains pays, comme en Europe, en Inde, en Corée, en Afrique du Sud.. Mais la Chine, par exemple, qui a besoin de cette énergie, va probablement continuer à construire des réacteurs.
Il y aura aussi des inspections pour améliorer la sûreté des réacteurs existants, notamment sur leur tenue au séisme et leurs systèmes de refroidissement de secours et l'alimentation électrique de ces systèmes. C'est le problème essentiel rencontré actuellement à la centrale de Fukushima.
L'Exp : Certaines centrales sont arrêtées ; comment le Japon va-t-il subvenir à ses besoins énergétiques ?
CL : D'abord le japon ne peut pas se passer immédiatement de l'énergie nucléaire car elle représente 33% de leur production d'électricité. Néanmoins certaines centrales vont être définitivement arrêtées et les Japonais vont probablement importer davantage de gaz, sous forme de GNL (gaz naturel liquéfié). A moyen terme, ils vont aussi développer les renouvelables.
L'Exp : Le coup d'arrêt donné au nucléaire signifie-t-il, dans les mois et années qui viennent, un recours accru aux énergies fossiles ?
CL : Le taux de disponibilité des centrales nucléaires actuelles (et donc leur production) pourrait baisser, car il y aura probablement des investissements supplémentaires pour améliorer la sûreté ce qui nécessitera des arrêts prolongés des réacteurs. La part des énergies fossiles, et surtout du gaz, va donc croître dans les années qui viennent. Quant aux énergies renouvelables, elles vont aussi se développer davantage mais elles sont encore chères. Tout ceci veut dire que le prix de l'électricité va augmenter, ce que le consommateur devra accepter.
Mais il y a un autre levier qu'il ne faut pas négliger : les économies d'énergie. Il faut absolument accélérer les investissements dans cette direction. L'énergie que nous pourrions économiser en isolant mieux les bâtiments et en changeant nos comportements, équivaut, à l'échelle planétaire, à celle que nous dépensons chaque année dans les transports ! C'est considérable.
Propos recueillis par Charles Haquet.
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A partir de là soit le Japon part dans un scénario à la brésilienne de déficit de production avec des coupures massives d'électricité qui ruinent l'économie jusqu'à ce que les nouvelles centrales et infrastructures soit construites (quelques années), soit il développe le photovoltaïque qui est la seule énergie qu'on connaisse dont la rapidité de déploiement permet de compenser la perte d'une centrale nucléaire en 6 mois... Vu que le Japon est un des leaders mondiaux de l'énergie solaire et qu'ils ont vécu ça comme une humiliation nationale de passer derrière les allemands en capacité de production, l'option photovoltaïque me parait plus logique que l'option gaz, surtout qu'elle correspond à un gros enjeux qui sont le remplacement des clim gaz très nombreuses au Japon par des solutions élec+PV (cf Daikin). On ne reconstruit pas avec les technologies du passé.
La question rejoint alors celle de la diversification des approvisionnements en énergie, notamment dans le cas du Japon, très dépendant pour son énergie car peu de ressources conventionnelles locales ; le solaire et autres renouvelables (hydro, éolien) sont alors intéressants, mais le coût additionnel est à prendre en compte. Ceci étant dit, le développement d'une industrie locale et ses externalités en termes d'emploi et exportations peuvent mitiger ce coût. Dans le cas du Japon, GE vient d'annoncer qu'il installera des turbines à gaz afin de compenser le manque de production.
La question inhérente suite au drame Japonais, en termes de politique énergétique, et applicable à nombre de pays, est gaz à effets de serre contre coût des renouvelables contre coût de la sécurité du nucléaire. Equation difficile à résoudre, sachant que moins consommer permettrai de résoudre ce problème avec potentiellement de moindres difficultés. Encore faut-il des politiques volontaires...
Pour le solaire on ne parle pas de faire 100% de la production solaire mais simplement de compenser les pertes liées aux réacteurs nucléaires qui sont maintenant foutus vu qu'on les a noyé à l'eau de mer... La question du stockage n'a donc pas lieu d'être puisque la puissance produite n'est pas suffisante pour avoir des surproductions : du point de vue réseau celà se voit uniquement comme une baisse de la consommation électrique côté client... De plus le solaire produit pendant la journée quand on a besoin d'électricité et pas 3 heures du matin quand les besoins sont les plus bas. De toutes manière la capacité photovoltaïque japonaise était de 2,5 GW l'année dernière (soit l'équivalent en production d'une tranche nucléaire) et il n'ont pas pour autant été obligé de mettre du stockage...
Pour les coûts même chose, je ne suis pas d'accord avec l'analyse, le gaz et le solaire ne se calculent de la même manière... Le concurrent du solaire c'est la facture d'électricité du consommateur puisqu'il s'agit d'un dispositif qui lui baisse sa consommation d'élec (200 €/MWh au Japon c'est à dire plus cher que l'électricité solaire), le concurrent du gaz c'est le prix du marché élec qui est beaucoup plus bas.
Dans le court terme effectivement le Japon aura besoin de toutes les sources nécessaires afin de combler le manque de production nucléaire. Des articles de presse mentionnent notamment des risques de coupure plus larges que les coupures par rotation... Le solaire peut alors jouer un rôle important. Mais le problème de la variabilité du solaire (en journalier et saisonnier) pourrait se poser.
Dans le court-terme, des centrales de combustion ou moteurs vont également sûrement être louées/achetées (si disponibles...) et se pose alors la question de leur approvisionnement (si du gaz est disponible, je ne connais pas le taux d'utilisation des terminaux japonais de GNL, à quel prix, et sinon diesel) et de leur emplacement. A moyen-terme en plus des renouvelables des cycles combinés verront aussi potentiellement le jour.... (3-4 ans)
En ce qui concerne le coût relatif du solaire par rapport au gaz (et autres technologies centralisées), c'est toujours un débat (cf la CRE et la question en France). Si on considère que le solaire est effectivement plus à comparer à un coût "livré" au niveau de distribution, alors que le gaz à un prix de gros niveau "transmission", cela dépend du prix du gaz, du taux d'utilisation des centrales solaires (car lourdes en investissements) et des coûts d'acheminement de l'électricité (que je connais pas au Japon).
Se pose cependant, comme dit auparavant, la question de la courbe de charge et de la production solaire (horaire, journalière, saisonnière)... Un peu de solaire peut aisément être compensé (cad remplacer du conventionnel), beaucoup de solaire moins (ceci est plus à moyen / long-terme) et nécessite alors des investissements (stockage, modernisation des autres centrales pour les rendre plus flexibles, nouvelles centrales flexibles) ou une réaction de la demande (qui reste limitée aujourd'hui, à voir avec le développement des réseaux intelligents).
La solution viendra également de la demande--si les centrales ne sont pas remplacées, il y aura peut-être des coupures sur plusieurs mois ou bien des systèmes qui inciteront à moins consommer ou à des horaires différents (comme en Californie suite à la crise).
La question à court-terme est de combiner ces solutions. Sinon effectivement il y aura un gros impact sur l'activité économique si des coupures larges à répétition se produisent.
Aussi, à autre titre: le parti libéral allemand FDP, partenaire de la CDU, demande à l'opposition d'arrêter de bloquer les projets de centrales ch
Vous cout doivent dater d'il y a un an et je me demande si ce ne sont pas des couts qui prennent des actualisation identiques pour toutes les énergies ce qui est une grosse faute vu que le solaire se finance plus facilement car il n'y a pas de risques carburant et que les financiers adorent quand on fait disparaitre un risque (pourquoi vous croyez que toutes les utilités filialisent leur activité EnR ?). Pour un cout plus réaliste prenez 150 à 250 €/MWh, surtout s'il s'agit d'une installation sur du neuf.
Concernant le stockage il n'est nécessaire qu'à très court terme pour stabiliser la tension (pour des raisons liées aux variations de puissance active coté consommateur) mais ça c'est quand même quelque chose que les japonais maitrisent depuis un moment vu que ce problème de tension est à la base des smart grid... (voir Ota City ou Wakkanai).
http://www.4thintegrationconference.com/downloads/Session%202-1_Watanabe.pdf
Toute la question c'est est-ce que ce qui s'est passé avec leur nucléaire va les motiver à accélérer ce déploiement en remplaçant les infrastructures détruites par la meilleure technologie disponible où est-ce qu'il vont être frileux et faire un retour en arrière vers les solutions du XXe siècle...
Je sais bien que dire qu'un pays va utiliser du LNG pour ses besoins futurs c'est tellement un classique que personne n'ira vous chercher des noises si vous le sortez et que c'est toujours moins farfelu de dire qu'un pays va se développer avec les solutions d'hier plutot que celle de demain (comme je sais pas moi... l'éolien en Espagne ou le forage vertical et la fracturation hydraulique aux USA...) mais concernant le gaz il y a tellement eu de fois où cette "évidence" a été prise en défaut que j'attendrais un peu avant de me lancer à ce type de prédictions...