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Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure (1964), agrégée de physique (1968) et Docteur es Sciences physique (1973), Colette Lewiner débute une carrière d’enseignante à l’Université de Paris puis rejoint...

Copenhague : nos lignes d'horizon sont très proches


mercredi 29 juillet 2009

2020, c'est demain. C'est très court comparé aux délais de construction des centrales nucléaires et des unités de capture et stockage de CO2, de rénovation des bâtiments ou du changement de la flotte automobile.


Nos obligations envers les générations futures comprennent la préservation des ressources vitales de notre planète et la diminution de la pollution d’origine humaine. Pour se conformer à ces obligations il est indispensable de maitriser notre consommation énergétique et nos émissions de gaz à effet de serre.

Nous devons agir sur de nombreux fronts, à la fois sur le court, le moyen et long terme et il n’y a pas de solutions miracle.

Je pense que notre réussite est liée à un nombre limité d’actions:

-L’information, la formation et la mobilisation des citoyens

-L’augmentation des dépenses de recherche et développement sur l’énergie et l’environnement,

-Une coopération renforcée entre les pays développés et ceux en développement,

-Une volonté politique forte.

L’énergie est un besoin vital.
Si nous pouvons espérer limiter voire réduire la consommation énergétique des pays développés, il n’en n’est pas de même pour les pays en développement. Ces derniers devraient voir leur population croitre de 1,2% par an et leur niveau de vie s’améliorer entrainant une croissance de leur consommation d’énergie de 1,7% par an[1]. Par exemple, en Chine la consommation d’énergie a augmenté beaucoup plus ces deux dernières années (8,5% par an).

Des ressources d’énergie fossile limitées et une demande croissante expliquent pourquoi la sécurité d’approvisionnement énergétique est une préoccupation majeure pour de nombreux pays.

Une autre partie du problème est la limitation (ou mieux la décroissance) des émissions globales de CO2 et d’autres gaz à effet de serre.

Il ne faut donc pas seulement investir massivement dans les infrastructures énergétiques [2] mais encore faut-il investir dans le mix énergétique le plus « décarbonné » possible (énergie solaire, éolienne, hydraulique, nucléaire, biomasse de 2ième génération et charbon propre).

Et en plus de choisir le bon mix énergétique… il faut réaliser des économies d’énergie qui permettent aussi de réduire les émissions de CO2

Il faut agir aussi bien dans le secteur industriel, tertiaire que vis-à-vis des citoyens.

La situation mondiale est contrastée; par exemple dans les pays de l’OCDE[3] l’intensité énergétique de l’industrie a été divisée par deux durant les 35 dernières années et s’élève à 0.07 [4]. Les pays en développement ont une bien moins bonne performance : 0.63 en China et 1.23 en Russie, démontrant que ces pays ont une forte marge de progrès.

Des économies substantielles sont aussi possibles dans le secteur tertiaire en diminuant notamment la consommation énergétique des bâtiments. Rappelons que les économies réalisables mondialement dans le secteur du bâtiment (résidentiel et tertiaire) représentent la consommation globale en énergie du secteur des transports ! L’enjeu est de taille.

Les consommateurs bien informés devraient modifier leurs habitudes de consommation et diminuer leur empreint carbone. En Occident, ces diminutions résulteront aussi de l’adoption de nouvelles normes -pour les voitures, l’éclairage, l’isolation des logements- et du déploiement d’équipements, tels que les compteurs intelligents, permettant de maitriser les consommations d’électricité et de gaz.

Tous les pays développés et certains pays en développement devraient mettre en place des systèmes de mesure des émissions de CO2 et agir pour les réduire. Ces actions peuvent être des combinaisons de taxes « carbone » et de systèmes d’allocation et d’échange des droits d’émission avec une mise aux enchères progressive de ces droits (comme décidé en Europe et aux Etats-Unis). Les fonds ainsi recueillis devraient être réalloués entièrement aux actions permettant de réduire notre empreinte carbone. Ce n’est malheureusement pas ce qui est prévu aujourd’hui !

Je souhaite insister sur les horizons de temps.

Sur le court terme, la crise financière et économique que nous vivons a un impact négatif. En effet, les réductions de consommation d‘énergie que nous constatons, donnent l’illusion que la solution à l’équation” Comment satisfaire nos besoins énergétiques tout en décroissant nos émissions de CO2 ? “ a été trouvée. Ceci n’incite pas à des investissements dans les infrastructures énergétiques dont nous avons pourtant fortement besoin, car après la crise une grande partie des tensions sur l’équilibre offre/demande dans l’énergie va réapparaître.

Les prix relativement bas des énergies et le manque de financement contribuent aussi à différer ou annuler ces projets d’investissements.

Heureusement que de nombreux plans de relance (notamment le « stimulus plan » du président Obama, le Grenelle de l’environnement et le plan de relance Chinois) favorisent les investissements dans les infrastructures « vertes ». Encore faut-il qu’ils sont mis en place vite et en totalité.

L’horizon 2020 qui constitue une étape cruciale dans les plans européens et américains, est court comparé aux délais de construction de grandes installations telles que les centrales nucléaires. C’est aussi un temps court pour l’industrialisation, dans des conditions compétitives, d’installations de capture et de séquestration de CO2, pour la rénovation d’une part importante des bâtiments existants et pour le changement de notre flotte automobile.

C’est un horizon encore plus court pour l’aboutissement de projets de recherche- développement et l’industrialisation d’équipements économes en énergie et émettant un minimum de CO2

Le résultat de la conférence de Copenhague en fin d’année 2009 constituera un bon indicateur pour le moyen terme.

Malgré le changement d’attitude du gouvernement américain et sa volonté nouvelle de s’engager sur des objectifs de réduction chiffrés, les négociations seront très difficiles.

Les pays développés font déjà pression sur certains pays en développement comme la Chine et l’Inde pour qu’ils s’engagent sur des objectifs quantitatifs de réduction de leurs émissions de CO2. Ces pays sont réticents à sacrifier leur développement économique, nécessaire à leur cohésion sociale, en s’engageant dans cette voie et vont soit refuser soit demander de nombreuses contreparties.

Il faut espérer que les progrès de ces négociations permettent d’établir une feuille de route pour le futur.
Sur le plus long terme, je pense qu’il faudrait que nous réfléchissions à notre modèle économique et à notre mode de vie. Dans le mode de vie occidental (qui est envié et copié par de nombreux pays en développement) la réussite sociale se mesure par l’achat d’une grande maison, la conduite d’une grosse voiture, de nombreux voyages en avion, la possession de beaucoup de biens matériels… en somme une forte consommation d’énergie et beaucoup de CO2 émis.
Ces motivations devraient évoluer et une vie plus frugale et peut-être plus intellectuelle, devrait devenir l’objectif.

C’est, à mes yeux, une des conditions permettant de préserver notre planète pour les générations futures.


[1] Selon les prévisions de l’AIE (Agence Internationale de l’Energie)

[2] Selon l’AIE, il faudrait investir, d’ici 2030, 22 000 Milliards de $ dans les infrastructures énergétiques

[3]Organisation pour la Coopération et le Développement regroupant les pays développés

[4] Mesurée en tonnes équivalent pétrole par 1000 US$ de PIB

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