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Auteur
Francis Sorin, journaliste scientifique, est membre honoraire du Haut Comité pour la Transparence et l'Information sur la Sécurité Nucléaire et ancien responsable du Pôle Information de la Société Française...

Retombées radioactives : les seuils à ne pas dépasser


jeudi 17 mars 2011

Les taux de radioactivité ont grimpé énormément à Fukushima, beaucoup à Tokyo. Et ailleurs, notamment en France, quelles peuvent être les retombées ?



Faisons quelques rappels simples des taux et seuils concernant la radioactivité.

 Des seuils réglementaires ont été établis au niveau mondial :

 - 1 millisievert (mSv) par an représente le niveau au-delà duquel  le public au sens général ne doit pas être exposé.
- 20 millisievert par an est celui toléré pour les professionnels exposés à des matières radioactives, comme les personnels hospitaliers, les techniciens des centrales nucléaires ou des mines d'uranium, etc... (très exactement, le seuil est de 100 mSv sur une durée de 5 ans).

Ces seuils ne prennent pas en compte la radioactivité naturelle dans laquelle nous baignons en permanence. Celle-ci est estimée, en moyenne mondiale, à 2,4 mSv par an.  Il y a donc des endroits où elle est plus faible (de l'ordre de 0,8 mSv) et d'autres où elle est beaucoup plus forte (jusqu'à 30 ou 40 mSv, toujours par an). Le Brésil, l'Iran, l'Inde comportent de telles zones à radioactivité forte, et la Bretagne est connue pour ses massifs granitiques qui font monter les taux.
 
A Fukushima, on a mesuré des taux de radioactivité horaires. Ils indiquent une irradiation possible en une heure, pas en un an. L'autorité de sûreté japonaise a fait état de taux allant jusqu'à 400 mSv par heure sur le site même de la centrale. A comparer donc au seuil réglementaire d'1 mSv par an.
 
Mais ces taux sont très variables. Dix mètres plus loin, ils peuvent être cent fois moins élevés. Selon la presse, à 1 ou 2 km, les balises de contrôle ont fait état de taux de 12 mSv (par heure). A titre de comparaison, un scanner du corps dégage une dose ponctuelle de 10 mSv. Les taux peuvent aussi varier beaucoup selon l'heure de la mesure. De 12 mSv, les mêmes balises au même endroit ont indiqué 0,6 mSv un peu plus tard. Toujours par heure.
 
Le "nuage" radioactif au gré des vents

Lors de ces dégagements, une partie des éléments radioactifs est retombée sur le site, provoquant ainsi ces pointes extrêmes. Mais une bonne partie s'est échappée dans l'atmosphère. Il s'agit d'aérosols qui ne se voient pas, à l'inverse des nuages traditionnels, mais gardons quand même ce terme.
 
Ce nuage est soumis aux vents. Quand le vent qui le poussait vers le Pacifique s'est mis à tourner vers le sud, on a constaté très rapidement une élévation des taux à Tokyo, à 250 km.
 
En même temps qu'il se déplace, il se disperse, se dilue et son intensité radioactive diminue fortement. S'il va vers l'est, il va traverser le Pacifique, atteindre les côtes américaines, traverser les Etats-Unis. Nathalie Kosciusko-Morizet a indiqué devant des députés que le régime des vents va plutôt le garder dans l'hémisphère nord et donc, si l'on considère les territoires français, c'est Saint-Pierre et Miquelon qui serait survolé en premier, plutôt que la Polynésie française ou la Nouvelle-Calédonie.
 
Mais, s'il arrive en Europe, ce nuage aura un impact radioactif quasi nul, donc aucun effet pour la population. Tous les experts sont d'accord pour le dire. Le nuage de Tchernobyl, lui, était à la fois beaucoup plus radioactif, compact et surtout beaucoup plus près. Mais même très atténué, il est fort probable qu'il sera détecté. Car la radioactivité se détecte très facilement. Il n'est pas besoin pour cela de capteurs sophistiqués sur avion, de simples balises au sol sont sensibles. On mesure régulièrement la radioactivité aérienne et aussi la contamination éventuelle apportée dans l'eau et les denrées alimentaires (légumes, lait, viande) car les particules peuvent retomber au sol sous l'effet des pluies. On ne peut donc être pris au dépourvu (voir la carte de l'IRSN).
 
La radioactivité qui a été provoquée par les essais nucléaires militaires aériens des années 50 est toujours détectable.  Elle est plus forte que celle provoquée par l'accident de Tchernobyl. On sait aussi qu'une éruption volcanique émet des radio-élements, comme ce fut le cas lors de l'éruption islandaise (cf article). La pollution radioactive est permanente, même si elle décroit sur le long terme.
 
Les mesures pour protéger la santé

Prenons le cas de Tokyo, évidemment plus exposé. En fonction de l'intensité de la radio-activité, les autorités prennent des mesures, la plus efficace étant de rester chez soi. Si l'on sort, un masque sur le visage -une habitude japonaise depuis toujours- est utile. Des mesures peuvent être prises concernant la consommation alimentaire. Et les autorités peuvent prescrire la prise d'iode si les conditions la rendent vraiment utile.
 
On estime que la radioactivité commence à poser un problème de santé au delà de 100 mSv par an. Mais chaque individu est plus ou moins sensible, et un nourrisson n'a pas la même capacité de résistance qu'un adulte. C'est pour cela que les seuils réglementaires ont été fixés très bas, à 1 mSv pour le public. Les symptômes évidents vont commencer vers 200 à 300 mSv, la moelle osseuse commence à être détruite vers 1000 mSv et la mort survient à des taux de 6 ou 7000.
 
Le danger est lié en particulier à deux éléments, l'iode 131 et le césium 137. L'iode radioactif peut provoquer le cancer de la thyroïde, sur laquelle il se fixe très facilement. Il y a deux formes d'iode : la forme radioactive et la forme usuelle, qui est stable. Lorsqu'on avale une pastille d'iode stable (une seule suffit), celle-ci va se fixer et va « saturer » la thyroïde. Lorsque l'iode 131 se présente, elle ne va pas trouver de place...
 
Une chose est sûre: se précipiter en France dans une pharmacie pour acheter des pastilles d'iode est une manifestation de panique tout à fait hors de propos !
 
(Propos recueillis par Yves de Saint Jacob)
 


2 commentaire(s)
[1]
Commentaire par Christian Jacques
jeudi 17 mars 2011 21:00
Bravo pour la clarté, j'ai enfin compris le problème...

[Réponse de l'auteur]
Merci. Nous essayons de dire les choses simplement.
[2]
Commentaire par fabrina
mardi 22 mars 2011 00:46
Bonjour
Que pouvez vous dire concernant la Martinique par rapport aux retombées radioactives. Nous sommes dans L'amérique Centre devons nous nous inquiéter. Quels sont les symptômes en cas d'absortions de ces particules. Merci d'avance
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Francis Sorin, journaliste scientifique, est membre honoraire du Haut Comité pour la Transparence et l'Information sur la Sécurité Nucléaire et ancien responsable du Pôle Information de la Société Française...

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