Par Remy Prud'homme
- Professeur émérite à l'Université de Paris XII
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Professeur émérite à l'Université de Paris XII, il a fait ses études à HEC, à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Paris, à l'Université Harvard,...
Taxe carbone : et si les régions s'en occupaient ?
Par Remy Prud'homme
- Professeur émérite à l'Université de Paris XII
lundi 29 mars 2010
Depuis la suppression de la taxe professionnelle, les régions n'ont presque plus d'impôts propres. Pourtant, si le gouvernement leur offrait la possibilité d'imposer la taxe carbone, elles gagneraient en autonomie.
Comme à peu près toutes les régions sont dirigées par des majorités rose-vertes, on doit penser qu’une taxe carbone serait imposée à peu près partout en France – à l’exception sans doute de l’Alsace, et peut-être aussi du Poitou-Charentes, puisque la présidente de cette région, Mme Royale, n’y est pas favorable. La gauche, qui affirme tenir cette taxe pour essentielle, serait donc satisfaite. La droite, dont la plupart des élus n’en veulent pas, serait également contente.
Une telle réforme aurait en outre un avantage majeur. Elle donnerait aux régions une source de revenus propres. Actuellement, en particulier du fait de la suppression de la taxe professionnelle, les régions n’ont presque plus d’impôts propres. Elles ne peuvent que dépenser l’argent que leur donne le gouvernement central. Cette absence d’autonomie fiscale est tout-à-fait contraire à l’esprit de la décentralisation, et ne favorise pas la responsabilité. Une taxe carbone régionale corrigerait (en partie) cette anomalie.
La régionalisation de la taxe carbone se heurte à deux objections, qui résistent mal à l’examen.
La première est que l’objet d’une taxe carbone est de réduire les rejets de CO2 du globe, et qu’il ne pourrait guère être atteint par la taxe du Limousin ou de la Picardie. Cet argument ne vaut pas cher, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’impact de 19 ou 20 taxes régionales serait pratiquement le même que l’impact d’une taxe nationale. Il serait même plus important, car plusieurs régions, mettant en pratique leurs discours écologiques, imposeraient des taux plus élevés que le taux envisagé au niveau national. Ensuite, les régions de France interviennent déjà massivement dans des investissements dans l’éolien ou le photovoltaique qui ont justement pour objet (sinon toujours pour effet) de réduire les rejets de CO2 de la planète. Enfin, l’argument s’appliquait – mais n’était guère mis en avant - à la taxe carbone prévue et abandonnée ; celle-ci aurait réduit les rejets de la France de quelques millions de tonnes de CO2 par an, dans un monde où les augmentations des rejets de CO2 se comptent en milliards de tonnes par an.
Pour les transports, la taxe nationale impliquait une augmentation de prix d’environ 3%, soit, avec une élasticité-prix de -0,3, une diminution de la consommation de carburant et de rejets de CO2 d’environ 1%, soit 1,3 millions de tonnes. Pour le chauffage des immeubles, la loi prévoit déjà des normes si sévères (pour les constructions neuves : 50 kWh/an/m2 en général et 20 kWh/an/m2 pour le chauffage électrique) que la taxe n’aurait guère réduit la consommation et les rejets de CO2. Pour l’industrie, qui a déjà fait beaucoup d’efforts, le coût marginal de réduction du CO2 est presque toujours plus élevé que le montant de la taxe prévue, et celle-ci n’aurait donc guère eu d’impact sur les rejets de CO2. Au total, la taxe aurait entraîné une diminution des rejets qui n’a pas été chiffrée, mais qui est très probablement inférieure à dix millions de tonnes par an. Ce chiffre est dérisoire par rapport à des rejets mondiaux de 30 milliards de tonnes, en augmentation constante et rapide. Les rejets de CO2 de la seule Chine augmentent de 500 millions de tonnes par an. La taxe carbone nationale n’avait donc aucun effet substantiel sur la réduction qui la motivait, mais seulement un effet d’image ou d’exemple. Une taxe régionale appliquée par presque toutes les régions aurait le même effet quantitatif négligeable, mais un effet d’exemple décuplé - ou pour mieux dire vingtuplé.
La deuxième objection est qu’une région ne peut pas actuellement créer un impôt nouveau. Une loi nationale est nécessaire à cet effet. Mais il y aurait certainement des parlementaires rose-verts prêts à déposer une proposition de loi donnant cette autorisation (au même titre qu’une proposition de loi autorisant les agglomérations à décider des péages urbains) et pour les raisons dites plus haut une majorité pour la voter. Les régions disposent déjà du droit de voter une surcharge à la TIPP, qui n’est rien d’autre qu’une taxe carbone sur les carburants. Donner la taxe carbone aux régions ne serait qu’une généralisation de cette pratique qui a été bien acceptée, et qui n’a pas été censurée par le Conseil Constitutionnel.
Quelque chose, pourtant, me dit que cette proposition simple et en accord avec tous les discours officiels, n’a aucun avenir.
CQFD
http://www.fiscalite-environnementale.net/article-small-is-beautiful-agir-localement-ou-globalement-46328508.html.
Pour le reste: la taxe carbone était une fausse bonne idée :cette taxe sanctionne de mauvaises habitudes sans donner aux personnes les moyens de changer. A quoi cela sert-il de sanctionner celui qui utilise son véhicule automobile si le réseau de transports en commun n'est pas à la hauteur ? A quoi bon sanctionner la surconsommation énergétique de logements mal isolés dont les propriétaires n'ont pas les moyens de financer l'isolation thermique? Pourquoi pénaliser le transporteur routier si il n'existe pas de système de ferroutage assez conséquents pour encourager les chefs d'entreprises à l'utiliser?
pour en savoir plus : http://www.fiscalite-environnementale.net/article-l-enterreme-47310699.html