Par Dominique Bidou
- Ingénieur et démographe
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Ingénieur des mines, démographe, Dominique Bidou a été directeur de la Qualité de la Vie au Ministère de l'environnement. Il est président d'honneur de l'Association HQE (Haute qualité environnementale)...
Les "placements verts": réalité ou greenwashing?
Par Dominique Bidou
- Ingénieur et démographe
lundi 29 novembre 2010
Les fonds d'investissements sont de plus en plus souvent soumis à des évaluations "vertes" : leurs actifs correspondent-ils à des entreprises très "carbonées"? Oui, mais certains secteurs, comme l'habitat, peuvent être à la fois utiles socialement et gros émetteurs de carbone.
Des instituts évaluent depuis quelque temps l'empreinte carbone des banques et des entreprises, à partir d'informations sur la composition des leurs actifs financiers et de données sur chaque secteur d'activité.
Prenons deux exemples.
L'analyste britannique Trucost publie depuis juin 2006 les émissions de CO2 des 44 plus grands fonds d'investissement du pays et met en évidence des différences significatives entre les fonds.
En 2007, les fabricants d'automobiles et les entreprises agroalimentaires ont été pour la première fois classés selon leurs émissions de CO2 par l'agence suisse de notation environnementale et sociale Centre Info, à Fribourg, avec une méthode appelée Envimpact.
Elle a montré que les constructeurs Renault, Fiat et PSA Peugeot-Citroën étaient les mieux placées, car ils produisent essentiellement de petites voitures. 2 kg de CO2 par euro moyen de vente. Les fabricants japonais, malgré leurs célèbres hybrides, sont plus mal classés. Les américains -c'était avant la crise qui les a secoués - sont les plus mal classés et évitent la dernière place grâce à un allemand, Porsche, avec 4 kg de CO2 par €. En agroalimentaire, ces chiffres sont plus faibles, de l'ordre de 0,6 kg de CO2 par euro moyen de ventes pour des produits d'origine végétale comme Unilever, à 1,6 pour les sociétés fortement orientées vers les produits animaux, comme Nestlé et Danone.
Que faut-il penser de ces classements ?
Certes, des effets positifs sont possibles en aidant à une réorientation. Les investissements mettant en œuvre de grandes quantités de carbone seront soumis à des tensions croissantes. On le voit avec l'automobile, il y des écarts significatifs au sein d'un même secteur, et les mésaventures des constructeurs américains étaient en partie inscrites dans ces données carbone. La sagesse conduirait plutôt l'investisseur vers les constructeurs de petites voitures. Les capitaux pourraient rapidement manquer aux autres constructeurs, qui pourraient réorienter leur production pour survivre, comme l'ont fait les Américains, avec des mécanismes spécifiques.
Mais certains secteurs sont indispensables - Certaines activités doivent être prises en charge. La construction, par exemple, est pointée comme grosse émettrice de carbone, à cause des matériaux mis en œuvre. Faut-il pour autant fuir ce secteur, dont l'utilité sociale est évidente ? Ce n'est pas parce que telle activité est plus intensive en carbone qu'il faut systématiquement l'éviter, et inversement, une activité peu émettrice en carbone mais de peu d'utilité sociale est sans doute peu «durable».
Le défaut de ces indicateurs est d'être statique.
Ce n'est pas l'intensité en carbone qui doit seule guider l'investisseur. Il faudrait intégrer l'utilité de l'activité, et notamment sa capacité à faire réduire les émissions en aval de son intervention. La modernisation du parc pour atteindre des objectifs ambitieux d'économies d'énergie va aussi accentuer l'importance de ce secteur. Ajoutons les performances propres à chaque entreprise du même secteur, et leur évolution.
C'est une vision dynamique de l'intensité carbone qu'il faut adopter, en privilégiant les sociétés qui progressent le plus rapidement, et vont ainsi prendre un avantage sur leurs concurrentes. J'ai sans doute tout intérêt à choisir des placements très carbonés, s'il s'agit d'entreprises fortement engagées dans des politiques de réduction de leurs émissions, ou qui contribuent à réduire les émissions de leurs clients.
L'introduction de données carbone pour guider les placements est en route, et il faut s'en réjouir. Mais méfions-nous de conclusions trop hâtives. Les instruments d'évaluation sont encore jeunes, et doivent prendre de la bouteille, de manière à traduire plus finement l'impact carbone, rapporté non seulement au chiffre d'affaires mais à des éléments de contexte économique, social et environnemental. Les approches univoques sont souvent trompeuses, il convient de les mettre en perspective et de les confronter à d'autres légitimités.