Par Remy Prud'homme
- Professeur émérite à l'Université de Paris XII
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Professeur émérite à l'Université de Paris XII, il a fait ses études à HEC, à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Paris, à l'Université Harvard,...
Le bonus-malus de Borloo a augmenté les émissions de CO2 !
Par Remy Prud'homme
- Professeur émérite à l'Université de Paris XII
mardi 28 avril 2009
Le désaccord mérite d'être regardé de près : le bonus-malus mis en place par Jean-Louis Borloo sur les automobiles aurait fait croître les émissions de CO2
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Dans un article publié par Les Echos (22.12.2008), j’ai essayé d’expliquer pourquoi le bonus-malus automobile n’était une bonne affaire qu’en apparence. Cette conclusion déplait à M. Mulin, qui essaye de montrer que je me trompe. Il s’en prend à trois observations, et son propos courtois mérite une réponse.
1) Ma première observation était que le bonus-malus ne réduisait pas les émissions de CO2. Il a certes diminué les émissions moyennes des véhicules neufs, comme je le disais, et comme M. Mulin le redit, de 7 g au km, c’est-à dire d’environ 5%.
Mais ce que M. Mulin ne voit pas, c’est que le bonus-malus a dans le même temps augmenté le nombre de véhicules achetés en 2008.
De combien ? On ne peut pas le savoir en regardant le seul chiffre des ventes en France en 2008 et en le comparant à celui de 2007 (+2% sur les 10 premiers mois, et -0,7% sur les 12 mois). Ce serait faire comme si l’année 2008 n’avait pas été marquée par la hausse vertigineuse des prix du pétrole pendant la première moitié, et par la crise économique également vertigineuse pendant la deuxième moitié. Chacun comprend que ces évènements ont eu un impact fortement négatif sur les ventes partout en Europe et bien entendu en France. Le recul des ventes en Europe, qui est de 8,5%, est une estimation de cet impact. L’effet du bonus-malus est la différence entre ce -8,5% et le -0,7% effectivement enregistré, soit une augmentation d’environ 8% des ventes de véhicules.
Le bonus-malus a donc entraîné, par rapport à ce qui ce serait passé en son absence, 8% de véhicules en plus rejetant chacun 5% de CO2 de moins. Au total, cela fait 3% de CO2 en plus, pas 5% de CO2 en moins comme le voudrait M. Mulin.
2) Une seconde observation était que le système adopté accélérait la diésélisation du parc, qui aggrave l’excédent d’essence et le déficit de gazole de la France, engendrant des transports de carburants considérables qui sont dangereux et dommageables pour l’environnement.
M. Mulin ne nie pas cet impact. Mais il ignore, là encore, l’effet du prix du pétrole et de la crise. Pour connaître l’impact du bonus-malus, ce qu’il faut comparer aux ventes effectives de voitures diésel de 2008, ce ne sont pas les ventes effectives de 2007, mais ce qu’auraient été les ventes en 2008 en l’absence de bonus-malus toutes choses égales par ailleurs (en appliquant aux ventes totales de 2007 la baisse de 8,5% enregistrée en Europe, et le taux de diésélisation de 2007, 74%).
Donc l’impact du bonus-malus n’est pas 60 000 (comme le voudrait M. Mulin) mais bien 190.000 voitures diésel de plus.
En outre, il rapporte cette augmentation au stock total de véhicules, qui est bien plus considérable, afin de faire apparaître cette augmentation comme dérisoire. C’est comme si un esprit malveillant rapportait ce que M. Mulin estime (bien à tort, on l’a vu) être une diminution de CO2 de 180 000 tonnes aux 130 millions de tonnes de CO2 rejetées par le transport automobile (0,014%) afin d’en minimiser l’importance.
3) Ma troisième observation était que le bonus-malus coûtait 300 millions par an aux finances publiques. M. Mullin la balaye d’un revers de main en expliquant que cela est négligeable. C’est un point de vue. C’est celui de tous ceux qui demandent des dépenses publiques supplémentaires, et c’est avec des « arguments » de ce type que se creusent les déficits et que se gonfle la dette de l’Etat. Pour ma part, pensant à mes petits enfants qui la paieront, cette dette, je suis plus économe des deniers publics : avant d’applaudir une dépense je voudrais être sûr qu’elle est bien socialement utile.
Le bonus-malus automobile, qui réussit l’exploit de simultanément creuser les déficits publics, aggraver le déséquilibre essence/gazole, porter un mauvais coup à l’industrie automobile, contraindre les désirs ou les besoins des consommateurs, et finalement augmenter les rejets de CO2 au lieu de les réduire, ne me semble pas rentrer dans cette catégorie.
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Il y a un autre problème à venir: Les normes automobiles drastiques et littéralement aveugles des réalités humaines entrainent les particuliers à se tourner vers les très grosses voitures car les suspensions sont de plus en plus fermes et insupportables pour bien des personnes. Les petites voitures écolos sont inutilisables pour ces personnes de plus en plus nombreuses!
Pour montrer la monstruausité des normes en vigueur on aboutit à cette situation ubuesque où une personne obèse se voit interdite de ceinture de sécurité car la modification nécessaire de la ceinture ne serait plus aux normes. Du coup pour rouler la personne obèse doit demander à son médecin une dispense de ceinture de sécurité! Plus fou que moi tu meurs!
Donc ne faisons rien, mettons les industries automobiles au chômage total, et développons à fond l'essence ordinaire.
Ou mieux, ne faisons rien, ça coutera moins cher...
La France est vraiment un pays de râleurs jamais content, quoique l'on fasse....
Quel raccouci ! Dire que la différence entre la chute des ventes en Europe et la chute des ventes en France est le simple effet du bonus-malus et qu'il est donc responsable de 8% des ventes est un axiome sur lequel il paraît peu crédible de déduire tout un raisonnement.
Non seulement c'est un axiome qui est difficilement plausible, mais c'est surtout faux de conclure à une augmentation de 8% ce serait plus une augmentation de 8 points ce qui est très différent.
De la même manière, il est totalement absurde d'affirmer " 8% de véhicules en plus rejetant chacun 5% de CO2 de moins. Au total, cela fait 3% de CO2 en plus". En effet, se basant sur un postulat faux, mais aussi sur un raisonnement que des enfants apprenant les pourcentages aux collèges n'oseraient même pas avoir, on peut démontrer ce que l'on veut. Pour exemple : 8% de 1000 voitures =80 5% de 20000 tonnes de C02 =1000 tonnes On a donc 80*1000=80000 tonnes en moins. 3% de 1000*20000 = 600000 tonnes de CO2 en moins. N'y voyez vous pas un problème?
Allons monsieur Prud'homme vous vous revendiquez scientifique et professeur mais votre article n'est fait que de contre vérité. Ne manipulez pas l'opinion avec de fausses analyses pseudo-scientifiques. C'est toute la communauté scientifique que vous décrédibiliser. Enfin un article rempli de chiffres méritent au moins de citer quelques sources...
On partage probablement des fondamentaux comme préférer le mal lorsque le remède est pire.
Et j’accepte bien volontiers une partie des remarques formulées, mais cela ne modifie pas le fond de ma pensée.
Il y a donc visiblement plusieurs manières de regarder ce même sujet qui aboutissent à des opinions différentes. Au delà des chiffres et du fait que les réductions en jeux sont (malheureusement) infimes comparées à l’ampleur de la tache,
- M. Prud’homme voit dans cette mesure de l’argent dépensé qui finalement augmente le nombre de voitures, puis la circulation et in fine les émissions de CO2, ce qui est contre-productif,
- quand j’y vois une (faible) accélération d’une des transformations nécessaires du parc automobile, qui en bonus allège (très légèrement) la facture de carburant.
Ces baisses (celles de ma vision des choses) correspondent à 0,14% des émissions du transport (et non 0,014% mais je crois que M. Prud’homme est fâché) ou encore 0,03% de l’ensemble des émissions françaises. On est bien loin de 75% à atteindre ! Mais que fait M. Borloo ?
Ceci dit, avec environ 2 500 mesures de cette ampleur (et sous réserve de ne pas augmenter les émissions en même temps, bien sur !), on atteindrait l’objectif : –75% d’ici 2050. Comme on a environ 40 ans pour y parvenir et que M. Borloo ne semble pas décidé à travailler 60 fois plus vite (60 x 40 = ~2 500), il lui faudra de l’aide, et on arrive à ce qui me semble être le vrai sujet au delà des désaccords.
Savoir si le Bonus Malus est une bonne ou une mauvaise opération n’est donc plus le sujet; ce qui est sur, c’est qu’il en faudra beaucoup plus.
Revenons donc à l’aspect économique : si l’on repart des 300 millions que coûte cette mesure (ce qui ne prend pas en compte les économies de carburant que réaliseront les conducteurs, mais qui ne seront malheureusement pas forcément la règle lors des 2 499 autres mesures nécessaires), l’atteinte des objectifs nationaux coûterait (à partir de ces données) 2500 x 300 millions sur 40 ans, soit 18 milliards d’euro (d’aujourd’hui) par an. C’est environ 1% du PIB (j’espère que Sir Nicholas me pardonnera ce raccourci qui permet de se faire une idée des ordres de grandeurs, mais pas de la complexité de la situation).
L’argent ne se dépensant qu’une fois (parfois avant de l’avoir gagné mais on a vu récemment que cela peut entraîner quelques soucis), les français vont devoir contribuer significativement à cet effort que l’état ne pourra pas assumer seul sans révolutionner l’ordre établi (cette somme correspond en effet à peu prêt au budget annuel de la recherche et de l’enseignement supérieur) !
Ramenée au nombre d’actif (~28 millions en France), elle représente un effort d’environ 650 € tous les ans. On ouvre alors la porte sur un autre débat déjà documenté par les spécialistes mais que chacun d’entre nous doit s’approprier pour en mesurer les enjeux puis s’engager.
Vaste programme !
En attendant le durcissement des normes aboutit au résultat inverse (comme je l'ai dit dans le premier commentaire) et nombre de personnes achète des voitures plus polluantes. Si ce n'est pas le cas elles utilisent des taxis ou des VSL qui pèsent sur les comptes de la sécurité sociale et donc sur les épaules des jeunes .. Il faudra choisir un jour des voitures faites pour l'automobiliste et non pour les normes. On peut faire des voitures très économes avec des suspensions très souples et qui acceuillent des handicapés. Le moteur peut être bridé. La société s'en portera mieux et les jeunes en seront déchargés.
- moins de voitures dangereuses sur nos routes
- moins de voitures laides
Négatif
- vente de surtout voitures à bas prix, donc baisse de rentabilité des constructeurs et moins de rentrées de TVA
A réfléchir:
- Que penser de ces pseudo écologistes qui partent chaque week end à 500 km de chez eux ?
Pour les chiffres
Ne pas oublier que mois le traitement des fonctionnaires (paie + retraite) coute 40 milliards d'Euros à l'états. Effectivement, 300 millions c'est rien
Détail:
Ls pourcentages ne s'aditionnent et ne se soustraient pas. Par exemple + 8% et -5% donne +2.6% au final.
Perso, je roule avec des voitures qui ont 20 ans, et qui consomment en moyenne 1 à 2 litres de plus que leurs équivalents aujourd'hui. J'en changerai lorsqu'il y aura une vraie rupture technologique...
En attendant je compense mes émissions par une contribution volontaire.
[Réponse de l'auteur]
Intéressante observation. Mais qui n'a rigoureusement rien à voir avec les calculs effectués sur les rejets de CO2 de la consommation d'électricité. Tant que vous n'avez pas une voiture électrique.
[Réponse de l'auteur]
Excusez-moi, j'avais cru que votre commentaire se rapportait au récent papier sur les rejets de CO2 du chauffage. il est au contraire très pertinent sur le papier bien plus ancien sur le bonus-malus.