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Ingénieur des mines, démographe, Dominique Bidou a été directeur de la Qualité de la Vie au Ministère de l'environnement. Il est président d'honneur de l'Association HQE (Haute qualité environnementale)...

Copenhague : le climat doit être une bonne affaire


jeudi 18 juin 2009

On présente trop souvent la lutte contre l’effet de serre comme un devoir, un sacrifice. Il faut se convaincre que c'est aussi un investissement rentable, qui peut rapporter gros


Douze ans après Kyoto, Copenhague. En décembre prochain se tiendra dans la capitale danoise une conférence cruciale pour le changement climatique. Les décisions du protocole de Kyoto (*) arrivent à échéance en 2012, et il convient dès cette année de décrire l’étape suivante, les objectifs et les règles du jeu.

Les appels à la responsabilité des Etats, lancés par des scientifiques et des associations, sont ardents et nombreux ; et plus récemment cette conférence a été mise en avant dans la campagne pour les européennes, avec l’idée que l’Europe avait un rôle clé à jouer pour son succès. Des rendez-vous entre les parties se succèdent, le dernier en date s’étant tenu à Bonn en ce début du mois de juin.

Soyons convaincus d’une idée : tant que la lutte contre l’effet de serre apparaîtra comme un effort, voire un sacrifice, une bonne action, on aura du mal à progresser.

Cela se fera toujours au forceps, et a minima. Nicholas Stern et bien d’autres économistes nous l’on pourtant bien dit : la lutte contre le réchauffement climatique est une bonne affaire. Non seulement le fil de l’eau, le BAU (business as usual), l’inaction coute très cher, mais l’action, constituée essentiellement de R&D, est rentable en elle-même. L’intérêt des acteurs et celui de la planète ne sont pas antagonistes. Mais attention : l’action doit faire l’objet d’une décision, alors que l’inaction, même si elle coûte très cher, n’en a pas besoin.

Il faut tout faire pour déclencher la décision.

Tout est bon pour ne rien faire : les doutes scientifiques, comme le sentiment d’impuissance face à l’immensité des besoins. A l’époque Bush, à quoi bon faire des efforts alors que les Américains refusent de mettre en question l’American way of life ? Et maintenant, à quoi bon puisque l’Amérique d’Obama a décidé de prendre le leadership de la lutte contre l’effet de serre ?
C’est un des drames du développement durable : il est le plus souvent présenté comme une obligation morale, du Nord vis-à-vis du Sud, et de la génération actuelle vis-à-vis des générations futures. Bien sûr, cette obligation morale existe, mais elle ne suffit pas à déclencher le passage à l’acte. La morale et le business ne cohabitent pas toujours très bien. Tant que la perception « moralisante » du développement durable sera dominante, les gens « sérieux », les décideurs, les financiers, ne le prendront que comme une contrainte, au lieu d’en faire une opportunité.

La lecture de la presse sur la conférence de Bonn, préparatoire à la conférence de Copenhague qui fixera les objectifs pour l’après Kyoto, présente une approche de type marchandage. Les efforts des uns ne peuvent qu’être la contrepartie des efforts des autres, forcément jugés insuffisants.

Une autre vision serait que ces efforts sont des investissements rentables. Ils traduisent une étape dans la modernisation des économies, dans une recherche d’une meilleure efficacité dans l’utilisation des ressources de la planète. La lutte contre l’effet de serre est donc un moteur du changement, une pression qui nous oblige à nous dépasser, dans l’intérêt de tous. L’essentiel est donc d’organiser le mouvement, pour que chacun profite équitablement de ce progrès. Le pari, qui semble bien raisonnable, est que l’investissement à consentir sera bien plus rentable si on y va tous ensemble, bien coordonnés, plutôt qu’en ordre dispersé, chacun pour soi.

Une coordination planétaire, sur la base de situations très différentes, de ressentiments et de dissensions anciennes, de responsabilités des uns et des autres vis-à-vis de la dégradation de l’atmosphère, n’est évidemment pas une affaire simple. Le contexte semble néanmoins assez favorable. La période de rodage des instruments anti effet de serre n’est pas terminée, mais nous les maîtrisons bien mieux qu’à Kyoto. Les négociations portent sur les rejets, mais elle n’est pas indifférente à la question de la ressource, marquée par des tensions fortes et des hausses de prix spectaculaires, et avec un effet de yoyo qui n’arrange rien.

La perception par les acteurs du caractère rentable de l’investissement, et rentable à terme assez proche, progresse régulièrement. Il faudra dépasser l’aspect inévitable « marchand de tapis » pour aller résolument vers « l’investisseur avisé ». On ne mettra pas tout le monde d’accord, mais si les acteurs les plus réactifs s’y mettent, une nouvelle dynamique sera lancée.

(*) (ndlr) Le protocole de Kyoto a été ratifié par172 pays, à l'exception notable des Etats-Unis. Il propose un calendrier de réduction des émissions des gaz à effet de serre qui sont considérés comme la cause principale du réchauffement climatique des cinquante dernières années. Il comporte des engagements de réduction des émissions pour 38 pays industrialisés, avec une réduction globale de 5,2 % des émissions de CO2 d'ici 2012 par rapport aux émissions de 1990.

Photo copyright JMDZ -Fotolia

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