Par Dominique Bidou
- Ingénieur et démographe
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Ingénieur des mines, démographe, Dominique Bidou a été directeur de la Qualité de la Vie au Ministère de l'environnement. Il est président d'honneur de l'Association HQE (Haute qualité environnementale)...
Copenhague : il est temps pour les ONG de se remettre en cause
Par Dominique Bidou
- Ingénieur et démographe
mardi 29 décembre 2009
Les ONG se félicitent de la forte mobilisation pour Copenhague. Certes. Mais, sur sa banquise, l’ours blanc n’a que faire des grands rassemblements. Il veut des résultats
La mobilisation pour Copenhague a été un grand succès pour les ONG. C'est en tout cas ce que disent celles-ci. L’échec de la conférence, c’est la faute des autres. Notamment les Etats, et leur égoïsme, ou les procédures de l’ONU. Il est permis de s’interroger : les ONG n’étaient-elles pas tenues à une obligation de résultats et ne devraient-elles pas analyser leur stratégie, voire se remettre en cause ?
Les ONG demandaient que la conférence de Copenhague accouche d’un accord contraignant. Mais était-ce possible ? Les rencontres de l’après Copenhague nous donnent une réponse claire : non. Et les ONG le savaient depuis plusieurs mois. Beaucoup de pays ne sont pas prêts à accepter des contrôles, à voir leur souveraineté écornée, à admettre que leurs économies doivent changer de cap. L’arrivée de Barack Obama ne suffit pas pour convertir un peuple et ses représentants, qui doivent ratifier tout accord. Le président des Etats Unis ne pouvait faire le choix d’un échec annoncé, surtout qu’il a d’autres réformes sur le feu, comme la santé.
Pourquoi donc les ONG sont-elles restées sur leurs positions, qui les conduisaient tout droit à un échec, car l’échec de la conférence est l’échec de tous, ONG comprises. Et tout d’abord, un accord contraignant est-il la meilleure manière de procéder ? L’application du protocole de Kyoto nous donne une idée de la réponse : les 2/3 des pays qui l’ont ratifié ne le respectent pas. Le champion dans ce domaine est le Canada, qui non seulement dérape sans contrôle par rapport à ses engagements, et qui en plus dévaste une région entière de son territoire, l’Alberta, pour en extraire le pétrole des schistes bitumineux. Va-t-on envoyer la redoutable armée des Nations Unies pour faire entendre raison aux Canadiens, va-t-on les soumettre à un blocus ? Va-t-on boycotter leurs jeux olympiques pour les punir du réchauffement dont ils sont responsables ? La valeur du mot contraignant doit être relativisée. Il y a sans doute d’autres moyens pour faire avancer la cause du climat.
L’illusion semble bien accrochée, qu’il suffise d’une pression sur les chefs d’Etat pour changer le monde. Comme si c’étaient eux qui décidaient de tout. Ils ont évidemment un rôle important à tenir, ils peuvent provoquer des évolutions, ils donnent des signaux, provoquent des prises de conscience, mais ils ne substituent pas aux acteurs. Pour qu’un Etat s’engage, il faut qu’il sache comment maîtriser les modes de production et de consommation de son pays. Même dans un pays totalitaire, ça ne sa fait pas tout seul. Bien sûr, la lutte contre le réchauffement climatique impose des changements dans les modes de vie, et nous savons bien que ça ne se fera pas par décret. C’est l’adhésion des acteurs, citoyens, consommateurs, élus, entreprises, qu’il faut obtenir. Croire que la pression sur les chefs d’Etat est un bon raccourci pour y parvenir est une erreur, et peut même dissuader les esprits libres, qui y voient une forme de néo colonialisme sous couvert de planète.
Il est vrai que le sentiment d’urgence pousse à chercher des accélérateurs de changement, et la mobilisation citoyenne peut en être un. La rencontre d’ONG de types différents, spécialisée dans le climat, la lutte contre la faim et la pauvreté, les altermondialistes, peut être un facteur positif, s’il amène chacun à relativiser sa position. Et à condition de ne pas foncer droit sur l’écueil de la condamnation facile. La recherche d’un coupable, l’indignation, la morale bien pensante ne font pas avancer les choses, même s’il y a des coupables, si l’indignation est légitime et qu’un peu de morale ne ferait pas de mal. Ce n’est pas là qu’il faut chercher les moteurs du changement, mais dans la recherche d’arguments positifs, qui rendent attractifs de nouveaux modèles de développement. Les arguments diffèrent selon les pays, les cultures. Les pays émergents sont tiraillés entre l’attachement à leur croissance, vécue comme une libération, et le besoin de jouer un rôle dans le concert des nations, d’être reconnus comme de grandes puissances. Un siège au conseil de sécurité des Nations Unies, contre un effort sur la forêt.
A trop jouer sur la culpabilité, le message de l’intérêt propre de la lutte contre le réchauffement climatique devient inaudible. Le concept même d’ultimatum, pour reprendre une expression souvent employée, n’est-il pas contre productif quand il s’applique à des décisions dont on sait pertinemment qu’elles ne seront pas prises, et que l’on a en plus aucun moyen de sanctionner l’échec. Ne pouvait-on trouver d’autres objectifs, pour Copenhague, qu’un accord hors de portée ? Des objectifs partiels, limités, mais porteurs d’une dynamique, subversifs par l’enchainement des décisions qu’ils auraient provoqués, démonstrateurs doux «qu’un autre monde est possible».
La stratégie de l’affrontement, de la morale exacerbée par des mots comme honte, coupables, omniprésents sur les pancartes, combinée au choix dominant du passage par les Etats et leurs chefs pour faire avancer la cause du climat était-elle la bonne ? Une autre stratégie est-elle possible ? L’ours blanc n’a que faire des grands rassemblements, il veut conserver sa banquise, il veut des résultats.
Illustration - Wikimedia commons - Une manifestation "alternative" au sommet de Copenhague
Ils adorent se rassembler pour exposer au monde leur génie créateur, dont la substance se résume à l'agitation de peurs millénaristes. Comme tous les gourous ils savent ce qu'il faut faire, mais c'est toujours ce que les autres doivent faire. Eux dont le sens politique flirte avec le degré zéro se drapent dans le statut d'expert sans responsabilité et jugent, et condamnent, les politiques, en se posant à l'extérieur de la société, en la regardant de haut comme s'ils étaient eux-mêmes étrangers au monde qu'ils vilipendent. Les questions que posent Dominique Bidou sont les bonnes, si le but est vraiment de faire avancer l'attelage. http://www.jiceo.fr/2009/12/23/echec-copenhague-nicolas-hulot-reve-technocratique/