Participez aux débats sur l'énergie de demain

Auteur

ADEME : deux exemples (à Nevers et Nantes) de valorisation de déchets en entreprise


jeudi 05 juillet 2007

L’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a remis les prix de son opération "objectif –10%", lancée en 2004, pour aider cent entreprises à réduire et valoriser leurs déchets. Deux entrepreneurs récompensés témoignent.


 ____________________________________________________________________
ATTENTION EDITEURS
Vous pouvez acquérir les droits de reproduction du texte à la pièce ou par abonnement au service de l'Agence Newsteam. Cliquez ici
_____________________________________________________________________

default textBernard Boizat (Aisan Bitron Europe, Nevers) : « pour réussir, il faut tout remettre à plat »

Vous êtes responsable « hygiène et sécurité » de l’entreprise Aisan Bitron Europe, à Nevers – 300 salariés –qui fabrique des systèmes d’alimentation en carburant pour automobiles. Quels types de déchets avez-vous et comment avez-vous engagé votre action de réduction et de valorisation ?
En tant qu’équipementier automobile, nous avons des déchets très divers, depuis les huiles jusqu’aux batteries et aux néons, avec les déchets banals d’emballages ou de plastiques provenant de nos processus de fabrication.
Avant, les déchets, c’était en quelque sorte une « misère » que l’on cachait. On avait un prestataire. Il emportait les déchets et nous envoyait sa facture à la fin du mois, avec un tonnage et un coût.
Pour changer les choses,  il faut d’abord un engagement fort de la Direction. Une telle action, cela vient du haut, c’est pyramidal.
Nous avons ensuite créé un mini groupe de travail, de trois cadres, avec des compétences complémentaires. Avec l’aide d’une jeune stagiaire ingénieur, nous avons mis tout à plat, pendant six mois.
Celle-ci a d’abord noté, de façon minutieuse, tous les flux  de rejets de déchets. Où sont-ils déposés ? à quelle heure passe le fenwick de ramassage ?
Avec cet état objectif, nous avons défini des zones où l’on entreposait les poubelles de même type, donc de même couleur, selon les gisements potentiels de déchets. On a défini les surfaces de ces zones, le nombre des contenants, en fonction des horaires et des volumes, et en en parlant avec les gens.
Il a fallu ensuite trancher entre logistique interne et sous-traitance de l’activité. Le choix a été celui de la sous-traitance. Le coût est le même, mais avec le prestataire, on a fait un contrat précis, organisant les heures de passage, l’ordre des zones. En cas d’erreur de localisation, on avait instauré un système sportif : carton rouge sur la poubelle mal placée, avec obligation pour le chef de secteur de rectifier dans la journée.

Un travail très méthodique donc. Comment ont réagi les salariés ?
Pour réussir, on a tout remis à plat, on a changé de prestataire, et on a développé une large communication interne, avec des réunions pour informer les personnels. Cela a été très bien accepté.

Quels sont les résultats obtenus ?
Nous avons travaillé selon deux axes : la réduction à la source, la valorisation.
Pour l’action de réduction à la source, nous avons par exemple rétabli les emballages-navettes, c’est-à-dire réutilisables. Le bureau d’études a aussi fait en sorte que, dans la conception des moules pour pièces en plastiques, ce qui reste–ce qu’on appelle la carotte- soit diminué de 5% en poids.
L’autre action a été la valorisation. Pour avoir la possibilité de vendre aux prestataires, il faut que les déchets soient bien triés. Et pour que cela se fasse sans coût supplémentaire, il faut que le salarié mette le déchet dans la bonne caisse. Un déchet coûte toujours mais il nous coûte beaucoup moins qu’avant.
Les déchets on été réduits de près de 40%. Nos recettes issues de la valorisation ont progressé de 48% et nos dépenses pour le traitement des déchets ont diminué de 6%


Sandrine Moreau (Itecom, Nantes) : « le tri des déchets nous a sensibilisés à une démarche environnementale plus large »

Vous êtes responsable qualité-environnement à l’entreprise ITECOM, dans la zone industrielle de Cheviré près de Nantes, avec une quarantaine de salariés, qui fabrique des armoires électriques pour des automatismes utilisés dans le traitement des eaux. Quels déchets produisez-vous et comment en êtes vous venus à engager une action en ce domaine ?

Nos types de déchets sont essentiellement des emballages (cartons, plastiques, polystyrènes) et des métaux, dont des câbles de cuivre. Il y a deux ans, l’entreprise a fait un diagnostic-environnement général avec la Chambre de Commerce de Nantes, et celle-ci nous a informés de l’opération conduite par l’ADEME. Nous avons postulé et obtenu un accompagnement de cet organisme.

Nous avons d’abord réduit de 30% notre production de déchets, en travaillant notamment sur les emballages et sur la réutilisation des câbles de cuivre. On a jeté « moins gras », si je peux prendre une expression familière. Avant, nous nous débarrassions sans grande précaution du cuivre non utilisé. Maintenant , on trouve un recyclage en interne, pour fabriquer par exemple les coffrets plus petits, et on trie les chutes ultimes de façon plus fine pour une revente aux prestataires qui viennent enlever les déchets.

Financièrement, quel est le bilan ?

Nous ne sommes pas tout à fait à l’équilibre. Il y a d’un côté le coût d’installation des conteneurs de tri, la location des bennes d’enlèvement, le paiement des prestataires qui enlèvent et retraitent les déchets, mais de l’autre côté la meilleure revente de déchets qui ont été finement triés.
Il est à noter qu’au début, on a travaillé avec des associations locales bénévoles : elle n’achètent pas, mais elles enlèvent gratuitement. Cela est possible pour les petites entreprises. Ensuite, notre volume d’activité a augmenté et nous avons donc fait appel à des prestataires payants.
Et au delà de l’équilibre immédiat, il y a les avantages à long terme. Au final, on jette moins, les processus de production sont plus limpides, les ateliers sont moins en désordre. Il y a des gains pour l’entreprise.

Le personnel a-t-il bien accepté cette politique ?

Dans une petite structure, la communication n’est pas trop compliqué. La plupart triaient chez eux, donc il n’y a pas eu d’interrogation sur l’intérêt de trier au travail. Il a fallu mettre à disposition des conteneurs pour qu’ils n’aient pas à courir partout. Une fois les réflexes acquis, les gestes sont simples.

Avez-vous d’autres actions environnementales ?

Le tri des déchets nous a conduit à une démarche de développement durable plus globale. Nous travaillons maintenant sur une véritable »éco-conception » de notre production. Nous procédons à une analyse de nos produits, nous étudions la possibilité de trouver des composants qui consomment moins d’énergie, qui proviennent eux même d’une filière de recyclage. J’étais « responsable qualité », je suis maintenant « responsable qualité-environnement ». L’environnement est venu se greffer naturellement à cette fonction.

Propos recueillis par Yves de Saint Jacob

Le contexte


Si l’on met à part les secteurs de l’agriculture, des mines et du BTP, les entreprises françaises produisent environ 100 millions de tonnes par an de déchets, les ménages 30 millions, les collectivités 15 millions.
Passé dans les mœurs au niveau des ménages, le tri sélectif des déchets dans l’entreprise n’est pas encore systématique.  
Comme le notait Thomas Chaudron, président du centre des Jeunes Dirigeants, « en tant que citoyen, tout le monde a pris l’habitude. Quand vous arrivez dans l’entreprise, salariés ou employeurs, on ne le fait plus. La consommation de papier chez soi n’a plus rien à voir avec la consommation en entreprise.. »
Les entreprises qui participent à l’opération « objectif –10% » lancée par l’ADEME (voir le site) ont généralement constaté qu’en mettant en place une politique, elles obtenaient deux résultats : réduire les déchets à la source d’une part, mieux valoriser les déchets subsistant d’autre part. Au total, les gains financiers permettent soit de financer la politique mise en place, soit même de réduire le « coût du déchet ».
Les entreprises ont également noté des bénéfices à long terme, en matière de mobilisation et de motivation des salariés et d’amélioration des conditions d’hygiène et de sécurité par des ateliers mieux tenus.


Voir l'info de Plusnews/Planète sur le tri des appareils électriques