Par Thomas Porcher
Auteur
Thomas Porcher est docteur en économie, Professeur à l'ESG Management School et fondateur de GBP-conseil. Il est l'auteur du livre "Un baril de pétrole contre 100 mensonges" - Ed...
Les mauvais réflexes des traders après la mort de Ben Laden
Par Thomas Porcher
mardi 10 mai 2011
Mais pourquoi la mort du chef terroriste international a-t-elle provoqué des soubresauts dans les cours du pétrole? Il ne dirigeait pourtant pas un pays pétrolier...
La sensibilité du marché peut s'expliquer par deux raisons :
- la première raison est conjoncturelle, « les révoltes arabes »
- la deuxième structurelle, « le comportement spéculatif des traders».
Premièrement, la sensibilité du cours du pétrole aux évènements dépend d'abord de la configuration particulière
du marché actuel avec une demande en hausse tirée par la croissance mondiale (+4%) et une offre en baisse (ou stagnante car compensée par l'Arabie Saoudite) à cause de la crise libyenne (-80% de sa production de pétrole).
La trajectoire du prix du baril est donc très sensible aux tensions géopolitiques notamment dans les pays arabes producteurs de pétrole.
C'est d'ailleurs dans ce contexte que peut resurgir aisément un des vieux démons de 2008 et de loin le plus nuisible : le penchant spéculateur des traders. En effet, l'annonce de la mort de Ben Laden a entraîné des sur-réactions irrationnelles des traders entraînant une forte baisse du prix du pétrole. Malgré l'absence de lien
entre les tensions géopolitiques actuelles au Moyen-Orient et Al-Qaida, malgré le fait que l'ensemble des observateurs voient dans les révolutions arabes une demande de liberté et de démocratie loin des valeurs d'Al-Qaida, les traders ont anticipé, à la mort de Ben Laden, un apaisement des tensions géopolitiques au Moyen-Orient entraînant un relâchement des incertitudes sur l'offre de pétrole.
Des spéculateurs "moutons de Panurge"
Malheureusement, juste après un temps de réflexion nécessaire à toute prise de décision, le cours du baril est reparti à la hausse. Probablement parce que les analystes se sont rendus compte que les tensions géopolitiques actuelles du Moyen-Orient n'étaient pas alimentées par Al-Qaida et qu'inversement elles risquent d'augmenter, compte tenu des craintes de représailles. Une mauvaise nouvelle géopolitique qui alimente finalement la tendance haussière du prix du pétrole.
Quelles certitudes pouvons-nous tirer du décrochage fort et rapide du prix du pétrole après la mort de Ben Laden? Première certitude, le marché du pétrole est caractérisé par la formation d'une bulle pétrolière à son paroxysme, alimentée par les comportements conventionnels et le panurgisme spéculatif des traders. Deuxième
certitude, les traders craignent un dégonflement brutal de la bulle. C'est d'ailleurs dans ce contexte que le moindre évènement mineur concernant de prêt ou de loin le pétrole entraîne des réactions de panique comme l'atteste le vent de panique qui a soufflé la semaine dernière sur le marché du pétrole.
Finalement en 2011, et ce malgré la crise de 2008, les évaluations à court terme, les comportements spéculatifs et conventionnels, le décalage entre la logique financière (sur le court terme) et la logique productive (sur le long terme) semblent être encore la cause de la forte précarité des marchés financiers. L'économiste Keynes ne disait-il pas déjà en 1936 : « Lorsque dans un pays le développement du capital devient le sous-produit de l'activité d'un casino, il risque de s'accomplir dans des conditions défectueuses ».
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