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 - Rédacteur en chef de European Energy Review

Auteur
Karel Beckman, journaliste, est rédacteur en chef de European Energy Review, plateforme interactive d'informations consacrée aux problèmes de la transition énergétique en Europe.

L’"âge d’or du gaz" arrive, mais ne va pas tout résoudre


mercredi 07 septembre 2011

Avec le développement du gaz de schiste et le recul prévisible du nucléaire après Fukushima, beaucoup prédisent l'"âge d'or du gaz". La fin de nos soucis ?


La nouvelle politique chinoise de développement de son gaz, les difficultés du nucléaire, les nécessités de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, les perspectives du gaz de schiste, vont nous faire entrer dans un « âge d'or du gaz ».

C'est ce que pense l'Agence Internationale de l'Energie (AIE - International Energy Agency - IEA), dont le siège est à Paris.
 
Mais, souligne l'organisation internationale, ce virage vers le gaz ne va pas diminuer la dépendance du monde développé à l'égard des importations de pétrole et ne va pas faire l'économie de mesures drastiques pour enrayer le changement climatique. «L'énergie va être, sans aucun doute , de plus en plus chère», estime László Varró, directeur de la «Division du Gaz et charbon» au sein de l'AIE (Voir son interview en anglais sur European Energy Review).

Champagne !

Il n'y a aucun doute : beaucoup de dirigeants de compagnies d'exploitation du gaz ont ouvert avant l'été les bouteilles de champagne en découvrant le rapport spécial de l'AIE sur l'avenir du gaz. Le titre du rapport - "Are We Entering a Golden Age for Gas? ("Entrons-nous dans l'âge d'or du gaz?) était sous forme interrogative, mais de façon très formelle. En fait, le titre contenait la réponse : "oui, nous y entrons".

Il y a plusieurs raisons à cette analyse :

- d'abord, la mise en place en Chine d'une nouvelle politique ambitieuse pour le gaz (dans le cadre du plan quinquennal (adopté en mars 2011 par le Congrès du Peuple).

- ensuite, une croissance plus basse que prévue de l'énergie nucléaire, à la suite de Fukushima, conduisant à une plus forte demande en gaz.

- enfin, une utilisation croissante du gaz naturel dans le secteur des transports routiers.

Ces trois tendances sont venues coiffer deux développements importants et très favorables au gaz naturel: les exigences en matière de réduction des émissions de CO2 et la découverte de ressources importantes de gaz « non conventionnels ».
 
Dans le scenario du "Golden Age for Gas" , l'AIE voit la part du gaz naturel dans le mix énergétique global s'élever de 21% à 25% en 2035, comparé aux 22% prévus dans le scénario initial. La demande globale devrait s'élever à 5.1 trillion de mètres cubes (tcm) en 2035 - soit 1.8 tcm de plus qu'aujourd'hui et près de 0.6 tcm de plus que dans le scénario précédent. (1 trillion = 1 million de millions)

La demande chinoise, qui était en 2010 à peu près au niveau de la demande allemande, va monter jusqu'à atteindre en 2035 le niveau de la demande européenne dns son ensemble. Mais la Chine n'est pas le seul pays à connaître cette envolée. Les prévisions de l'AIE pour le Moyen-Orient connaissent un doublement, celles de l'Inde un quadruplement.

Pas de problème de production

Evidemment, une telle progression de la demande va exiger une augmentation équivalente de l'offre, donc de la production. Cette croissance représentera à elle seule trois fois la production actuelle de la Russie.
 
Mais pour l'AIE , « les ressources mondiales en gaz naturel peuvent confortablement répondre à cette demande ».et bien au-delà de 2035.

Grâce à la révolution des gaz non conventionnels , touts les régions du monde ont la capacité d'accroître notablement leur production et donc de participer à une sécurisation générale de l'alimentation en énergie, note l'AIE. D'ici 2035, les gaz non conventionnels vont répondre à 40% de la demande et la Chine sera l'un des plus grands producteurs de gaz. L'Europe est la seule région du monde où les perspectives du gaz sont moins prometteuses. Les coûts de production de ce nouveau type de gaz ne seront pas supérieurs et ses impacts environnementaux seront limités s'ils sont bien gérés.

Tout est parfait donc ! Pourtant , le rapport de l'AIE comporte des points qui ne sont pas aussi favorables. D'abord, le pétrole restera la plus importante source d'énergie en 2035, ce qui signifie que le nouvel « âge d'or du gaz » ne sera pas un âge tout à fait nouveau, à l'abri des pressions du monde de l'OPEP et des incertitudes du Moyen-Orient. En outre, ce qui est peut-être plus grave et en tout cas surprenant, est que le scénario des émissions mondiales de CO2 ne va pas beaucoup s'améliorer. L'âge du gaz va peu contribuer à diminuer les risques d'un réchauffement climatique : il va certes faire reculer le charbon (donc diminuer les émissions) mais il va aussi faire reculer le nucléaire (donc augmenter les émissions). En outre, il y a le risque que , du fait de cette énergie disponible en quantité et à bas prix, les gouvernements vont faiblir dans la mise en œuvre de leurs politiques de soutien aux énergies renouvelables, ce qui serait une mauvaise nouvelle pour le climat. Les avocats de l'"Age d'or du gaz" auront du mal à plaider que ce sera aussi un "Age d'or du climat".

Le rapport sur "The Golden Age of Gas" est essentiellement une actualisation du scénario de base de l'AIE, dit "New Policies Scenario", qui figure dans le World Energy Outlook (WEO) (voir l'article précédent de la Chaîne Energie). Le WEO est la principale publication de l'AIE , qui dessine les évolutions du marché de l'énergie. L'AIE est le « think tank » de l'OCDE, l'organisation des pays développés.
 
 
3 commentaire(s)
[1]
Commentaire par alaroz
jeudi 08 septembre 2011 09:19
C'est super ! Merci l'"AIE" et bienvenue dans le monde merveilleux du gaz de schiste, tellement beau qu'il a déjà inspiré un film : Gasland, de Josh Fox.
Allez, ouvrons le champagne. Mais pas à côté du robinet d'eau, il pourrait s'enflammer...
[2]
Commentaire par Ecospam
jeudi 08 septembre 2011 10:29
Ce genre de prévision est maintenant totalement hors de propos.

1) Allez d'abord regarder ce lien:

http://thinkprogress.org/romm/2011/09/07/313873/arctic-death-spiral-continues-sea-ice-volume-hits-record-low-for-second-straight-year/

2) Bien regarder le 2° graphique, où l'extrapolation de la tendance actuelle donne 0 en 2015...

3) Allez vous renseignez sur les conséquences de la déglaciation du pôle nord...

4) Normalement vous comprendrez qu'il y aura "l'age d'or de rien du tout" si on ne fait pas baisser les émissions de CO2 au plus vite.
[3]
Commentaire par Curieux
dimanche 11 septembre 2011 06:52
Pour rappel, une étude parmi plusieurs autres publiée par le professeur Robert W. Howarth de l’Université Cornell constate qu’une fois calculé l’impact des émissions fugitives de méthane dans le cycle de vie, les émissions de gaz à effet de serre (GES) produites par les gaz de schiste sont plus élevées que celles du charbon et du mazout. Elle confirme d’autres études dans ce sens. Ce qui contredit le fait que ce serait selon ses producteurs un bon choix « d’énergie de transition ».

http://www.enerzine.com/12/11812+le-gaz-de-schiste-contribue-au-rechauffement-climatique+.html
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