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 - Rédacteur en chef de European Energy Review

Auteur
Karel Beckman, journaliste, est rédacteur en chef de European Energy Review, plateforme interactive d'informations consacrée aux problèmes de la transition énergétique en Europe.

Voici comment les opinions publiques dictent la politique énergétique


mercredi 05 octobre 2011

La décision d’Angela Merkel sur le nucléaire, l’abandon de projets de stockage de CO2 aux Pays Bas, autant d’indices que l’opinion publique est décisive dans les choix énergétiques. Peut-on connaître la même tendance en France à propos du nucléaire ou du gaz de schiste? Et n’est-ce pas temps pour les entreprises de sortir des allées discrètes du pouvoir et de se frotter aux opinions publiques ?


Voir la tribune intégrale en anglais sur European Energy Review

Beaucoup a été dit sur le brutal retournement de politique nucléaire en Allemagne, mais un enseignement évident ressort parmi tous les commentaires. En décidant de fermer à terme toutes les centrales nucléaires du pays, la chancelière allemande et ses ministres ont mis en évidence que, pour eux, c'est l'opinion publique qui compte. Ils ont montré que, dans les moments cruciaux, ils n'ont que faire des souhaits des dirigeants économiques. Et ne se préoccupent pas des coûts économiques à long terme de leurs décisions. Ce qui importe avant tout pour eux, ce sont les prochaines élections.

A coup sûr, le gouvernement allemand n'est pas le seul à adopter cette attitude. Je suis convaincu que des gouvernements dans d'autres pays démocratiques pensent exactement la même chose. C'est sans aucun doute le cas dans mon propre pays, les Pays-Bas, où le gouvernement de droite a récemment décidé, de façon soudaine, d'annuler un projet de longue date sur le stockage en sous-sol du CO2, provoquant la consternation de l'industrie de l'énergie. La raison ? Les électeurs avaient exprimé leur opposition et un scrutin local important approchait. Je ne doute pas que ceux qui me liront dans d'autres pays pourront me fournir de tels exemples chez eux.

En conclusion : dans les sociétés occidentales démocratiques, l'opinion publique est devenue le facteur le plus important de la décision politique.
(...)
Cette évolution a des implications profondes pour les compagnies du secteur de l'énergie. Nous pouvons tirer au moins trois leçons de la volte-face d'Angela Merkel.

1) L'industrie ne peut plus se contenter de communiquer seulement, ou principalement, avec les décideurs politiques. Les dirigeants d'entreprises ont traditionnellement tendance à éviter l'exposition en pleine lumière et a préférer des méthodes de lobbying discret en direction des politiques pour obtenir satisfaction. Cette approche n'est plus d'actualité. La seule façon d'influencer les décideurs politiques aujourd'hui est de le faire indirectement, via l'opinion publique. Cela signifie qu'ils doivent faire beaucoup plus d'efforts pour gagner l'opinion à leur cause. S'ils veulent réaliser un projet qui a une dimension politique ou publique, comme construire une centrale ou enfouir du CO2, ils doivent sortir de leur tour d'ivoire et se frotter directement avec le public (et les médias).
 
2) Pour réussir cette communication, les compagnies doivent être davantage conscientes du contexte général où elles se trouvent. Il n'est plus suffisant de parler de leur seule activité. Ils doivent être capables de comparer les coûts et les bénéfices de leurs projets avec d'autres projets alternatifs. Par exemple, une compagnie peut plaider que le nucléaire est sûr et efficace, mais si les gens pensent qu'il y a une meilleure alternative disponible sous forme d'énergie renouvelable, ils ne seront pas convaincus. La compagnie devra expliquer pourquoi, à son avis, l'énergie renouvelable ne pourra pas se substituer ou aura même des conséquences négatives.
 
3) La troisième leçon, qui dérive de la seconde, est que l'industrie de l'énergie devra essayer d'élever le niveau du débat public. C'est le message que Gertjan Lankhorst, le patron de la compagnie gazière néerlandaise Gasterra, avait fait passer -quinze jours avant la décision d'Angela Merkel - dans une interview avec European Energy Review. Il y a souligné que les débats sur l'énergie ont tendance à être mal étayés et superficiels, et il a estimé que l'industrie devrait faire beaucoup plus pour accroitre la compréhension des problèmes de l'énergie par les populations. L'industrie de l'énergie ne peut plus seulement se reposer sur les décideurs politiques pour faire passer ce qui, à leurs yeux, "est dans le meilleur intérêt du pays". Elle devra contribuer a faire apparaitre aux yeux des citoyens ce qu'est cet intérêt supérieur.
Ce n'est pas une tâche facile, sans aucun doute, mais cela semble adapté à la réalité d'aujourd'hui. C'est sans doute un défi passionnant pour les département de la communication de nombreuses compagnies énergétiques et une tâche noble pour les lobbies et associations d'industries basés à Bruxelles.
 
 
8 commentaire(s)
[1]
Commentaire par carlino
mercredi 05 octobre 2011 11:44
les compagnies doivent surtout investir sur du vrai renouvelable ...s'obstiner a nous vendre des éoliennes ...studides , destructrices de l'environnement , aléatoire et tous comptes fait émettrices de co2 ...tout au moins en France ....ça n'a aucun avenir , c'est du gaspillages d'argent et d'énergie ! .
pour l'instant elles ont on rien a foutre de l'environnement , des hommes et de la pertinence de ce qu'ils vendent . c'est aussi a cause du systéme politique qui favorise ce genre de comportement .
plutôt que de garantir des prix d'achats exorbitant ...il serait beaucoup plus efficace de subventionner cash pour le développement de technologies réellement propres et efficaces !
Un espoir cependant : la première centrale solaire à concentration en Espagne ..qui là est vraiment écologique ...qui n'engendre pas d' émissions de co2 !
[2]
Commentaire par Hervé
mercredi 05 octobre 2011 19:26
@ Carlino

Je partage un peu vos opinions sur l'éolien. Si une machine part ci par la , c’est acceptable, les forêts d’éoliennes, c’est vraiment moche.

Le souci, c'est que les technologies propres, sans risques, à un coût abordable, capable de fournir de la puissance à grande échelle, on n'en a pas vraiment aujourd’hui mis à part l'éolien (qui est trés loin d'être la panacée par ailleurs). Il y aurait le bois, mais le potentiel n'est pas suffisant.

Il ne suffit pas d'investir pour arriver, il faut d'abord inventer ces vrais ENR. Pour le moment on en est là, on n'a pas grand chose de réaliste.
[3]
Commentaire par Gépé
jeudi 06 octobre 2011 08:39
Le seul moyen de sensibiliser l'opinion publique,c'est d'agir sur les prix de l'énergie par une taxe.
[4]
Commentaire par irisyak
jeudi 06 octobre 2011 08:41
Il n'y a pas de meilleure obligation que d'exiger une augmentation des énergies nouvelles. Les industriels se retrouvent avec un marché et ils font des offres ..
Seule une croissance de 3% par an sur le total consommé peut changer les choses. Il faudra deux ou trois ans d'adaptation mais pour le reste c'est très jouable.
http://greengrowing.over-blog.com
[5]
Commentaire par Hervé
jeudi 06 octobre 2011 09:27
@ Irisyak

Oui, très bien, mais combien ça va coûter? Parce que si c'est pour développer des énergies 10x plus cher que les actuelles, lorsque elles vont commencer à représenter qqchose, ça va faire très mal sur les factures sachant que le pétrole ne va pas aller en baissant non plus. Et puis je rappelle qu'on ne sait pas encore stocker l'énergie longtemps et à grande échelle à un prix abordable, la décentralisation de la production demande à revoir et renforcer toutes les infrastructures (lignes & Postes de conversion & contrôle commande). Les mix 100% ENR, ça va être très dur et c'est pas pour demain.

Les écolos ne sont pas cohérents, ils ne veulent ni nucléaire, ni gaz pour le backup des éoliennes, alors ont fait comment?

En matière de production d'électricité, le choix actuel de la France est certes risqué, mais pas forcement idiot. A compléter dans un premier temps par des solutions éprouvées techniquement et économiquement comme la biomasse, le renforcement des économies d'énergies, et laisser le temps au temps pour résoudre les problèmes des autres formes d'énergies ou en inventer d'autres.
[6]
Commentaire par carlino
jeudi 06 octobre 2011 21:59
A gépè : vous n'avez que ça a la bouche vous les faux écologistes !
des taxes et des taxes ....et des éoliennes ....stupides ...on va aller loin avec ça !
[7]
Commentaire par Gépé
vendredi 07 octobre 2011 07:59
Réponse à carlino.
Vous voyez,vous avez réagi avec promptitude;il suffirait d'avoir le temps de vous expliquer le mécanisme économique de cette taxe pour vous convaincre;merci de votre intérêt.
[8]
Commentaire par un physicien
vendredi 14 octobre 2011 17:14
L'opinion publique n'existe pas. Elle est ce que les media en font. "élever le niveau du débat public " est un doux euphémisme. L'actualité récente (DSK, Fukushima) a clairement montré que les media préféraient les rumeurs croustillantes et le catastrophisme à une appréhension rationnelle des faits.
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