Participez aux débats sur l'énergie de demain
 - Rédacteur en chef de European Energy Review

Auteur
Karel Beckman, journaliste, est rédacteur en chef de European Energy Review, plateforme interactive d'informations consacrée aux problèmes de la transition énergétique en Europe.

Gaz de schiste : l’Europe gagnerait à s’y lancer !


mardi 31 mai 2011

Des gouvernements qui ne poussent pas à cause de leurs électeurs, des sociétés gazières qui hésitent à cause de leurs liens avec le russe Gazprom : l’Europe aurait pourtant intérêt à exploiter les gaz non conventionnels, selon un think tank britannique.


Alors que des pays comme la Chine, l'Inde et l'Australie montent dans le train de l'exploitation du gaz de schiste, les dirigeants et les entreprises européens hésitent à se lancer dans cette nouvelle ressource énergétique, d'abord exploitée aux Etats-Unis. 

Frank Umbach, associé du nouveau think-tank britannique EUCERS (European Centre for Energy and Resource Security), presse l'industrie et les gouvernements européens de surmonter leurs réticences à exploiter les gaz non conventionnels. « Le gaz de schiste offre une occasion extraordinaire de modifier la position géopolitique et géoéconomique de plus en plus vulnérable de l'Europe dans le monde », dit-il.
 
"Les groupes comme Eon Ruhrgas, Wintershall, RWE, Gaz de France and OMV sont sceptiques à propos du gaz de schiste. Ils sous-estiment son potentiel". Selon Umbach, « ce sont, parmi d'autres raisons, les forts liens de ces compagnies avec Gazprom qui les rendent hésitantes (...) Il y a le sentiment bien installé qu'il ne faut pas heurter la Russie, de quelque manière que ce soit. Ce lobby commence à avoir un effet sur la politique gouvernementale de certains pays, notamment l'Allemagne".
 
Le think tank EUCERS a pour sa part publié une étude sur l'importance géostratégique des gaz non-conventionnels, lequel a eu un grand écho dans les médias britanniques.
 
Grande-Bretagne et Pologne moins timides
 
Fin mai, la Commission « Energie et Climat » de la Chambre des Communes à Londres a adopté un rapport qui rejette les appels à un boycott britannique de l'exploration des gaz de schiste. Les députés britanniques soulignent que cette nouvelle énergie pourrait aider le pays à renforcer sa sécurité énergétique et qu'il n'était pas prouvé que la fracturation des roches présente un risque pour la qualité de l'eau potable dans la mesure où des mesures appropriées sont prises.
 
La Grande-Bretagne semble ainsi prête à suivre le même chemin que la Pologne qui a récemment annoncé des investissements importants dans ce secteur, afin de réduire sa dépendance à l'égard des sources énergétiques russes. Des représentants du gouvernement polonais se sont récemment rendus à Bruxelles pour convaincre les responsables de l'UE d'apporter un soutien affirmé aux gaz non conventionnels.
 
Mais pour le moment, Pologne et Grande-Bretagne sont des francs-tireurs. La commission européenne ne s'est pas engagée sur le dossier. Son document sur la stratégie énergétique en 2020 ("Energy 2020 Strategy"), sortie en novembre 2010, dit simplement que "le potentiel pour de nouveaux développements des ressources fossiles internes à l'Europe , y compris les gaz non conventionnels, existe et doit être évalué en toute objectivité ». Les chefs d'Etat de l'UE, lors de leur sommet consacré à l'énergie le 4 février, n'ont rien dit de plus.
 
Le gouvernement allemand n'a pas encore pris position, mais les sociétés étrangères qui ont engagé l'exploration du gaz de schiste en Allemagne rencontrent une opposition locale grandissante. Le gouvernement français a pour sa part décidé d'un moratoire sur les activités d'exploration en attendant des études plus poussées.
 
La prudence des décideurs politiques européens n'est pas vraiment surprenante, mais la réticence des groupes énergétiques l'est davantage. Dans une interview récente avec European Energy Review, Jean-François Cirelli, President d'Eurogaz et de GDF-Suez, a déclaré qu'à son avis le gaz de schiste ne deviendrait pas aussi important en Europe qu'aux Etats-Unis.
Il a laissé entendre que les associations industrielles ne faisaient pas beaucoup de lobbying auprès des institutions européennes.
 
Frank Umbach considère que c'est "une erreur stratégique"."Les groupes européens pensent qu'ils ont du temps devant eux. C'est dangereux. C'est maintenant que les groupes non-européens sont les plus actifs pour contrôler les zones les plus riches et s'assurer un avantage. ExxonMobil, qui avait manqué le départ aux Etats-Unis, prend maintenant la tête du développement en Allemagne".
 
Cependant, Frank Umbach a noté une certaine évolution toute récente dans l'attitude des compagnies. "Ils manifestent davantage leur intérêt. Il se passe des choses en coulisses. Le consensus croît sur l'idée que les gaz non conventionnels vont devenir importants après 2020 ». Selon lui, les conflits sur les prix entre  Eon Ruhrgas et d'autres compagnies européennes avec Gazprom y sont pour quelque chose. Les Russes, analyse-t-il encore, sont « très nerveux », car leurs projets d'exploitation des grandes réserves de gaz naturel de Yamal and Shtokman sont extrêmement coûteux et pourraient être menacés si la production de gaz non conventionnels devait décoller en Europe.
 
  Lire l'article complet sur European Energy Review (inscription gratuite)
 
Frank Umbach est un expert reconnu de la géopolitique, qui a travaillé à Bruxelles, Berlin, Moscou, Tokyo et Washington et beaucoup écrit sur les relations entre l'Allemagne et l'UE d'une part, la Russie, l'Ukraine et l'Asie d'autre part. Après 11 ans passés au Conseil allemand des relations étrangères, il a rejoint en 2010 l'EUCERS (European Centre for Energy and Resource Security) à Londres. L'EUCERS a été créé en Septembre 2010 par le département des études militaires au King's College. Le directeur de l'EUCERS est aussi un Allemand, Dr. Friedbert Pflüger, ancien vice-ministre allemand de la défense. Le nouvel institut défend l'idée que la sécurité énergétique ne peut pas être assurée par les Etats membres indépendamment les uns des autres et plaide pour une politique européenne commune dans ce domaine.
 

 
1 commentaire(s)
[1]
Commentaire par Chelya
mardi 31 mai 2011 16:02
La compétitivité du gaz de schiste aux Etats Unis reposent entièrement sur les possibilités d'amortissement accélérérs et les défiscalisations dont peuvent bénéficier les producteurs de gaz, sans compter les dégats environnementaux qui n'ont pu qu'être récemment transmis à la collectivité. Le Texas est obligé de fermer des écoles pour pouvoir continuer à donner des subventions aux producteurs de gaz. On a connu mieux comme recette miracle...

La Chine c'est 20% de la population mondiale pour seulement 8% des ressources en eau, vu les quantités d'eau nécessaire pour cette technique je ne vois pas trop comment ils vont pouvoir faire de la fracturation hydraulique.
PARTICIPEZ !
Cet espace est le vôtre !
La chaîne Energie de LExpansion.com
vous ouvre ses colonnes. Partagez vos analyses !