Par Francis Sorin
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Francis Sorin, journaliste scientifique, est membre honoraire du Haut Comité pour la Transparence et l'Information sur la Sécurité Nucléaire et ancien responsable du Pôle Information de la Société Française...
Nucléaire : c'est reparti pour 20 ans
Par Francis Sorin
- Journaliste
jeudi 05 janvier 2012
Les investissements de près de 50 milliards d'euros prévus pour le nucléaire paraissent exorbitants. Le sont-ils vraiment quand il s'agit en fait de prolonger de 20 ans l'énorme outil de production d'électricité qu'est le parc français ?
Comment analysez vous le rapport que vient de présenter M. Claude Lacoste, le président de l'ASN ?
Il y a deux enseignements fondamentaux dans le rapport publié cette semaine par l'Autorité de sûreté nucléaire.
- D'abord, il ne préconise aucune fermeture de centrale, car il juge que la sûreté de notre secteur nucléaire en France est satisfaisante.
- Ensuite, les investissements demandés par l'ASN, s'ajoutant à d'autres déjà prévus, vont permettre de prolonger de 20 ans le grand outil électrogène qui assure 75% de la production électrique française.
Précisons les choses. Les mesures que l'ASN préconise, et rend obligatoires, ce sont pour l'essentiel les exploitants eux-mêmes qui les ont proposées à la faveur des audits conduits lors des derniers mois. Le travail de l'ASN a été de les examiner, de les compléter et d'en effectuer la synthèse. Par ailleurs, EDF avait déjà prévu d'importants investissements dans ses 58 réacteurs pour prolonger leur fonctionnement au delà des 40 ans qui constituent leur durée de vie théorique.
Donc il y aura à la fois ces travaux complémentaires demandés par l'ASN -et estimés par EDF à 10 milliards d'euros- et ces dépenses que nous pouvons appeler « de jouvence » pour la rénovation en profondeur des installations. Ces travaux se recoupent assez largement, car les actions de rénovation ont souvent trait à la sûreté.
Investissement de sûreté + investissements de jouvence devraient se monter au total entre 40 et 50 milliards d'euros. Ils vont ouvrir la voie à un parc dont la durée de fonctionnement des réacteurs ne va plus être 40 ans, mais 20 ans de plus.
Le parc actuel de centrales est presque amorti. Certains des investissements nouveaux, dont ceux préconisés par l'ASN, seront sur le court terme. Mais beaucoup dans les investissements de rénovation sont à étaler sur plusieurs décennies, les centrales n'ayant pas toutes atteint la limite d'âge.
Investir de 40 à 50 milliards pour prolonger de 20 ans un parc aussi puissant, c'est une somme qui est finalement assez réduite, faible, tout à fait raisonnable si l'on considère la part du nucléaire dans la production électrique nationale.
Quand Greenpeace, ou Cécile Duflot disent que c'est de l'argent dépensé à « fonds perdus », ils font, volontairement ou non, une erreur patente de raisonnement économique. Car en fait, pour EDF, faire cet investissement, c'est se ménager à très bon compte 20 ans supplémentaires de production massive d'électricité. C'est une très bonne opération !
Vous considérez que le rapport de l'ASN confirme la sûreté des centrales. Mais en même temps il impose 10 milliards de travaux. N'y a-t-il pas un paradoxe ?
On est dans le contexte de Fuskushima. Il a conduit tous les responsables de sûreté en France et dans le monde à aller encore plus loin pour faire face aux situations les plus improbables : séisme d'ampleur considérable selon les critères français conjugué à un tsunami, phénomène très hypothétique jamais vu sur nos côtes.
Ce sont des hypothèses nouvelles, tout à fait hors normes. Il y a vraiment très peu de risques qu'elles se produisent. Mais l'approche de sûreté post-Fukushima est de prendre malgré tout toutes les dispositions pour faire face à cet improbable.
Dans cette perspective, l'ASN a défini la notion de noyau dur. C'est l'ensemble des moyens, déterminés pour chaque site, pour maintenir les deux fluides essentiels au fonctionnement sûr d'une installation nucléaire que sont l'eau et l'électricité. C'est aussi la suggestion de mettre en place une force d'action rapide nucléaire, capable d'intervenir très vite, y compris par hélicoptère, sur un site accidenté et des mesures de protection supplémentaires sous les sites certains équipements pour protéger mieux les eaux souterraines et les nappes phréatiques.
Que va-t-il se passer et quelles peuvent être les répercussions sur le coût du kWh nucléaire?
L'ASN ne dit pas à l'exploitant « fermez cette centrale ». Elle dit : « voilà ce qu'il faut faire pour aller encore plus loin dans la sûreté. A vous de décider : si vous le faites, tant mieux; si vous ne le faites pas, on ferme ». Juger de l'opportunité d'exécuter, ou non, les travaux demandés sera du ressort de l'exploitant.
Aujourd'hui, le coût de production du kWh nucléaire peut être établi à environ 4,6 centimes d'euro. Il est vraisemblable que les dépenses nouvelles vont se répercuter sur ce coût et le faire passer à 4,8 ou 4,9 ou même 5. Une hausse très restreinte qui va sans doute se répercuter sur les factures mais de façon très limitée, de toute évidence. Cela ne va absolument pas supprimer la compétitivité du kWh nucléaire face aux autres énergies, énergies fossiles ou énergie éolienne qui reste à plus de 8 centimes d'euro, sans parler du solaire qui est 5 fois plus cher. Et même en cas de hausse, faible, des factures dans la prochaine période, les tarifs de l'électricité en France resteront très bas, inférieurs de moitié, par exemple aux tarifs allemand ou italien et de 30% par rapport à la moyenne européenne. Ainsi rénové et prolongé, le nucléaire continuera d'être une très bonne affaire pour le porte-monnaie des Français.
[Réponse de l'auteur]
Les Français seront contents, tout au moins la plupart d'entre eux, de continuer de bénéficier d'une énergie nucléaire qui leur permet d'avoir une électricité bon marché et respectueuse de l'environnement, comme ils l'expérimentent depuis 30 ans.
[Réponse de l'auteur]
Les subventions de l'Etat à EDF ont été stoppées en 1982. Depuis lors, le secteur nucléaire français s'auto-finance, et même plus : par les impôts qu'il verse au Trésor et les taxes versés aux collectivités locales, le nucléaire rapporte à la collectivité publique bien plus qu'il ne lui coûte (en dotations aux organisme de recherche et de contrôle). Par ailleurs des provisions sont constituées pour le démantèlement et la gestion des déchets à vie longue: nous abondons ces provisions, nous, consommateurs actuels, en réglant nos factures d'électricité. Il est absurde de dire que l'on renvoie l'addition à nos enfants. C'est de la langue de bois qui se refuse à considérer les réalités du dossier. Je ne conteste à personne, bien sûr, la liberté d'être anti-nucléaire, et même de façon virulente, mais au moins dialoguons sur des réalités dûment établies, pas sur des imprécations qui ne reposent sur rien.
[Réponse de l'auteur]
Votre suggestion mérite considération. Cela montre en tout cas que les décideurs de l'avenir vont devoir imaginer, pour ce qui est du nucléaire, un cocktail harmonieux à partir de trois ingédients: 1/ La prolongation des réacteurs existants ( de génération 2); 2/ Le déploiement des réacteurs de G 3, EPR et aussi ATMEA; 3/ Sans oublier, à plus long terme l'entrée en lice possible des réacteurs à neutrons rapides. Et cela en tenant compte évidemment de l'évolution de notre consommation d'électricité et de la pénétration des énergies renouvelables ... et des orientations européennes et mondiales ! Quelques heures de réflexion en perspective !...
[Réponse de l'auteur]
En cas d'accident de centrale nucléaire entraînant d'importants dommages, EDF serait tenu d'indemniser à hauteur de 700 millions d'Euros. L'Etat devrait intervenir ensuite, au-delà de cette somme . Une démarche approchante vaut pour l'hydraulique en cas de rupture de barrage: c'est à l'Etat qu'incomberait l'essentiel des indemnisations en cas de nombreuses victimes et de dommages matériels importants. Pour les autres énergies, notamment pétrole et gaz où existent aussi des risques de dommages étendus, le plafonnement des risques assumés par l'exploitant ( EDF ou autre) n'est pas formellement défini comme pour le nucléaire mais il existe de fait. Que l'Etat intervienne au-delà des indemnisations versées par l'exploitant n'est pas choquant: car la fourniture d'énergie et d'electricité est un enjeu national, toute la population y a accès et en bénéficie, qu'il s'agisse de pétrole, de gaz, d'électricité hydraulique ou nucléaire. Et en fait, compte tenu des précautoions prises en France sur les centrales nucléaires et des faibles probabilités d'occurrence d'un accident appelant à des milliards d'Euros d'indemnisation, on peut estimer en théorie qu'une prime d'assurance couvrant ce risque resterait dans des montants qui ne feraient pas monter exagérément le coût de production du kWh. Ce n'est pas cela, en tout cas, qui ferait disparaitre la compétitivité du nucléaire !
Quand on en est à 500 milliards, une dizaine de plus ou de moins ne change pas les ordres de grandeur. Je ne vois pas où serait le problème. Par ailleurs il serait intéressant de savoir ou tout cet argent a été réellement affecté, car j'ai vu quelques articles pas mal sur le sujet....
Il faut aussi savoir que les centrales modérées au graphite coûtent beaucoup plus cher à démanteler (grosse qté de déchets à traiter...) C'est une des raisons qui nous a conduit à nous tourner vers les modèle à eau pressurisée. Donc le coût de 3 milliards pour 3 réacteurs + le sarcophage ne parait pas exorbitant.
Après que ce soit l'Europe qui finance la déconstruction des centrales de l'ex URSS, à chacun de se faire une opinion. A ma connaissance, la Russie n’y participe pas alors que sa responsabilité dans le problème... Décidément, l’ardoise du communisme ne se limitait pas à l’emprunt russe !
Il n'y a aucune différence , les nucléocrates sont des staliniens en cravate, vous en êtes un , car le nuage , il est vrai qu'un certain pellerin et copain du scribe auteur qui rédige ce billet ; avait à lui tout seul réussit a le dissuader de finir de nous arroser .............
A propos de russes , Stalingrad .... ça vous dit quelque chose ... ?
Au japon, on n'était pas exactement dans la même situation. Il faut aussi se rappeler que sur les 3 centrales qui ont subi le séisme et le tsunami, deux ont relativement bien résisté (Fukushima Daini et Honogawa. Elles ne sont pas en état de redémarrage immédiat, mais pas de fuite radioactive) alors qu'Honogawa était bien plus prés de l'épicentre.
La plus vielle, Fukushima Daichi a eu moins de chances, le fait de ne pas avoir « bunkerisé » les groupes de secours ou prévu des recombineurs est aussi un choix... La leçon servira.
Les BWR de l'époque n'étaient pas ce qui se faisait de mieux non plus en matière d'étanchéité du confinement. (Les français n'avaient pas choisi ce principe à cause de cela bien qu’il fut plus performant) Effectivement, on constate... Le même type de problème à Three miles island n'a pas eu exactement les même conséquences... Mais bon ce n’étais pas totalement comparable non plus...
Les nations peut-être pas mais le sérieux, si, on peut comparer!
c'est un argument relativement probant, pas de doute, vous méritez le poste de timonier au kolkoz atomique ...mais faites vite , la fin n'est plus très loin ...
Si c'étais possible ce serait si bien! Mais bon...