Par Hervé Nifenecker
- Président fondateur de Sauvons Le Climat
Auteur
Ingénieur et docteur ès sciences, Hervé Nifenecker est Président fondateur du collectif  Sauvons le Climat, qu'il a créé en 2004. Il s'exprime sur "la chaîne Energie" à titre personnel...
Mais pourquoi cette polémique sur le chauffage électrique ?
Par Hervé Nifenecker
- Président fondateur de Sauvons Le Climat
mercredi 03 juin 2009
Le chauffage électrique –avec le soutien commercial que lui apporte EDF- est souvent critiqué. Mais il a aussi ses partisans, qui produisent chiffres et graphiques. Voici une plaidoirie en ce sens.
Je ne comprends pas pourquoi la polémique se concentre sur le chauffage électrique au motif que l’électricité est à l’origine de la production de CO2 ou de déchets nucléaires. On pourrait aussi renoncer à l’éclairage électrique au profit de chandelles, ou, encore préférer les moteurs thermiques aux moteurs électriques pour nos aspirateurs ou nos réfrigérateurs.
Mais examinons les arguments présentés par les adversaires du chauffage électrique.
D'abord l'efficacité. Il est vrai que la production d’électricité par les centrales thermiques entraîne une importante déperdition entre énergie consommée et électricité produite. Toutefois, se focaliser sur ce seul facteur est une erreur. Le rendement des cellules photovoltaïques commerciales n’excède pas 15%. Est-ce une raison qui, en soi, justifierait d’abandonner cette technique ? Non, bien sûr, car l’énergie primaire (le flux solaire) ne coûte rien, et ne produit pas de CO2. Le rendement n’est donc pas le seul critère. Compte aussi, plus sans doute, le coût économique.
Le coût du combustible nucléaire (de l’ordre de 0,15 c€/kWh est très faible si on le compare au coût du gaz (environ 4 c€/kWh)ou du charbon. La problématique du nucléaire ressemble alors à celle des énergies renouvelables : il faut produire le plus possible pour rentabiliser l’investissement. C’est cette considération qui explique la campagne qu’avait menée EDF en faveur du chauffage électrique. Il fallait le développer pendant les heures creuses de façon à rentabiliser. un investissement dimensionné pour faire face (avec l’hydraulique) aux demandes de pointe, hors chauffage. Inversant les facteurs les mouvements anti-nucléaires accusèrent EDF d’encourager le chauffage électrique pour développer la production nucléaire. A partir de ce moment le chauffage électrique devint l’ennemi.
La montée des préoccupations liées au réchauffement climatique a étonnamment changé le discours. Au lieu d’accuser le chauffage électrique d’être le fourrier du nucléaire, on l’accuse d’être celui des centrales à combustibles fossiles ! On affirme que les centrales à gaz et à charbon sont nécessaires pour faire face à la demande de pointe et que celle-ci est provoquée par le chauffage électrique. Ainsi toutes les émissions de CO2 du secteur électrique seraient dues au chauffage électrique.
En réalité, comme on peut le voir sur les figures ci-dessous, les centrales à gaz et charbon ne contribuent pas plus que le nucléaire à fournir la demande de pointe. C’est essentiellement la production hydraulique qui remplit cette tâche, avec, dans les cas d’extrême pointe (quelques dizaines d’heures par an) des groupes électrogènes et des turbines à gaz ainsi qu’éventuellement des importations. Les centrales thermiques à flamme ne font guère que se substituer au nucléaire lorsque celui-ci ne peut faire face seul à la demande. En d’autres termes les difficultés que rencontre EDF pour faire face à la demande de pointe sont les conséquences d’un sous-investissement dans les centrales nucléaires depuis 1999, date de mise en service de la dernière centrale nucléaire française.
L’argument selon lequel les centrales nucléaires ne pourraient pas changer rapidement de puissance est tout simplement faux. Entre 30% et 100% de leur puissance nominale, les réacteurs modernes peuvent changer leur puissance de 5% en 1 minute (plus de détails). Les centrales à flammes sont donc inutiles pour répondre à la demande de pointe. Rien n’empêche de les remplacer par des réacteurs nucléaires (il suffirait de 4 EPR pour ce faire). Et, ce faisant on réduirait nos rejets de CO2 . Pour renoncer au chauffage par fioul et gaz il faudrait 3 à 4 EPR supplémentaires.
Renoncer à produire notre électricité avec des centrales à charbon, gaz et fioul réduirait nos émissions de CO2 de 11% soit de 46 millions de tonnes de CO2 (le tiers des émissions dues au transport). Si, de plus, nous renonçons progressivement aux chaudières à fioul et gaz au profit de chauffage renouvelable (soleil, géothermie, bois) et électrique (convecteurs, pompes à chaleur) nous diminuerons nos émissions de 91 millions de tonnes supplémentaires (22 % de nos émissions). Ce n’est pas un effort inhumain pour réduire nos émissions de plus de 30%, c’est à dire de dépasser les objectifs les plus sévères de l’UE pour 2020.
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Dossier chauffage électrique |
Comme l'a dit Barrack Obama, il est peu probable que les Etats-Unis tiennent leurs objectifs de réduction d'émissions de CO2 sans le nucléaire et à en croire la source citée, le développement du nucléaire suit son cours, avec en parallèle les aides aux énergies renouvelables qui continuent de progresser.
M. Lhomme, pourriez-vous de même préciser d'où vous tenez qu'Obama a annulé le financement du nucléaire aux Etats-Unis ?
Merci à vous.
[Réponse de l'auteur]
Les figures de l'article (issues des données de RTE) montrent que l'essentiel des fluctuations de la demande sont prises en comte par l'hydraulique et le nucléaire. Le rôle des centrales à flamme est, somme toute, marginal. Elles jouent un rôle croissant parce que la construction de centrales nucléaires s'est arrêtée pendant 15 ans (Civaux 2, dernière divergence en 1999, début de construction en 1991). La consommation a cru et on est passé d'une situation de sur production à une situation de sous production. Les vieilles centrales EDF ont été remises en fonctionnement. Ce que je dis ne s'applique pas aux turbines à combustible qui aident à faire face aux situations d'extrême pointe mais, fonctionnant au maximum quelques dizaines d'heures par an elles n'influent que très peu sur émissions de CO2.
Juste quelques chiffres enterrant le nucléaire dans le monde:
47 réacteurs en construction, 133 commandés, 282 proposés.
Une question : votre hargne semble se concentrer sur les entreprises publiques (encore) françaises AREVA et EDF. Préférez vous les acteurs (constructeurs et opérateurs) étrangers?
Quelques éléments supplémentaires pour compléter vos connaissances sur ce qui se passe aux USA dans le domaine du nucléaire. (source UARGA)
Evolution depuis février.
Le secrétaire à l’Energie, Steven Chu, a dit dans son discours d’investiture que l’énergie nucléaire était une priorité. On n’en était pas sûr vu les coupures intervenues dans le budget de l’énergie, et les mentions très peu nombreuses d’activités nucléaires.
Le Département de l’Energie, que dirige Steven Chu, vient de présélectionner quatre compagnies, quatre électriciens, sur 17 candidats : ces quatre compagnies pourront, pour construire les sept
premiers réacteurs nucléaires, bénéficier d’une partie des 18,5 milliards de dollars budgétés pour servir de garantie fédérale pour leurs emprunts. L’un de ces électriciens est Unistar Nuclear Energy.
Or Unistar est la propriété conjointe de Constellation Energy et EDF, et a sélectionné l’EPR pour ses projets, comme l’ont fait aussi cinq autres électriciens, et tout récemment un sixième, Duke Energy. Les sept réacteurs de cette première vague pourraient être construits à partir de 2011. Et d’autres, en particulier avec les compagnies non présélectionnées, pourraient suivre, sans doute sans garantie fédérale de leurs emprunts. Encore faudra-t-il franchir tous les obstacles : financement, opinion publique (plutôt favorable), souvent aussi feu vert des autorités locales, autorisations des autorités de sûreté.