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Thomas Porcher est docteur en économie, Professeur à l'ESG Management School et fondateur de GBP-conseil. Il est l'auteur du livre "Un baril de pétrole contre 100 mensonges" - Ed...

Le péril climatique : neuf chantiers de réflexion


mardi 14 juin 2011

Une énergie rare et chère, une population mondiale en hausse, des pays émergents qui consomment : il va falloir des politiques publiques très actives pour accoucher d'une nouvelle société mondiale.


Tribune par Nicolas Garderes, avocat au barreau de Paris, spécialisé en droit de l'environnement, et  Thomas Porcher, Professeur d'économie de l'énergie à l'ESG-MS.

Notre monde, après avoir bénéficié d'une énergie bon marché, car abondante, grâce au charbon puis au pétrole, entre dans une phase où l'énergie devient rare et chère.

La problématique énergétique des dix prochaines années dépend des facteurs suivants : d'une part, une augmentation de la population mondiale, qui devrait passer de 7 à 8 milliards d'individus, et une forte croissance des pays émergents, qui les amènera à consommer davantage de pétrole ; et d'autre part, une diminution des réserves de pétrole qui va entraîner une augmentation conséquente du prix du baril. Sur ces questions purement économiques viendront se greffer les questions de la pollution et du réchauffement climatique.

La question principale est donc : comment combiner développement économique et économie d'énergie tout en gérant le changement climatique, c'est-à-dire en réduisant les émissions de gaz à effet de serre ? Car les formes d'énergie actuellement utilisées : pétrole, gaz et charbon, portent atteinte à un autre bien qui devient rare : le climat actuel.

Pour assurer à nos générations futures un environnement à minima équivalent au nôtre, il faudrait que le niveau des émissions de CO2 commence à baisser en 2015, pour chuter rapidement à partir de 2020. Pour tenir cet objectif, les Etats vont devoir mettre en place des politiques publiques très actives. Ces mesures vont entraîner directement ou indirectement des changements sur les comportements des individus, les biens de consommation, le logement, l'industrie et les transports.
 
1er chantier : changer les habitudes comportementales
  
Un premier défi va être de changer les habitudes comportementales des individus afin qu'ils deviennent des consommateurs responsables. Face à l'urgence, ces changements de comportement devront se faire de manière rapide. Pour accélérer leur modification, les gouvernements devront avoir recours à des mesures multidimensionnelles : interdictions, normes, label, matraquages médiatiques, personnalités publiques sollicitées pour montrer l'exemple,... Le but sera de réorienter le comportement des individus vers un comportement éco-responsable.
 
2ème chantier : changer le type de consommation
 
 L'industrie globale va devoir s'adapter au nouveau mode de consommation ; l'ère de la production de masse de produit à faible prix et jetable devra être révolue et on devrait assister au retour des valeurs de qualité, de longévité et d'autonomie énergétique d'un produit. En effet, la diminution de la consommation devrait entraîner des adaptations dans la production ainsi que dans la communication des marques.

Les entreprises vont devoir produire moins, plus simplifié et mettre en avant des arguments concernant la longévité de leurs produits, leur qualité, ainsi que leur faible impact sur l'environnement.
 
3ème chantier : relocalisation des industries
  
Avec la contrainte de réduction des émissions combinée à la hausse du prix du pétrole, une relocalisation de la production dans les pays de grande consommation pourrait s'accomplir. Cela pourra créer des emplois dans un premier temps. Mais augmentera fortement le coût du produit et donc son prix.
 
4 ème chantier : un nouveau partage du travail
  
Le retour au produit de qualité à prix élevé devrait d'abord se faire par la hausse du prix des produits jetables de faible qualité. Elle sera suivie par la hausse du prix des produits de qualité. Cette réorientation vers la qualité avec hausse des prix devrait permettre aux industries de survivre et de compenser en partie, mais pas
entièrement, le manque à gagner dû à la baisse de la consommation et à l'augmentation des prix du pétrole.

Cependant, la baisse de la consommation entraînera une baisse de la production qui entraînera à son tour une baisse du nombre d'emplois nécessaires. Selon le partage du travail qui sera alors effectué, soit nous travaillerons le même nombre d'heures en supportant un fort chômage, soit nous travaillerons moins pour faire baisser le chômage.

Il est probable, cependant, que nous serons moins actifs, avec des revenus et une consommation moindres.
 
5ème chantier : régulation de la circulation des voitures, développement des transports et relocalisation
de l'habitat
 
Dans le domaine des transports, les gouvernements des pays développés vont devoir fortement investir dans des infrastructures de transports et réguler la circulation des voitures à essence. Les centres
des grandes villes, centres qui s'élargiront réglementairement d'année en année, devront être interdits de circulation (sauf pour livraison).

Les transports en commun et le vélo seront les seuls moyens de déplacement autorisés dans les centres-villes. Un mouvement de relocalisation des habitats et des lieux de travail devrait alors s'enclencher.
 
6ème chantier : investir et règlementer le logement
  
Dans le domaine du logement, le gouvernement va devoir prendre en charge, puis imposer de façon règlementaire, l'utilisation complémentaire de techniques dites actives, qui consistent à capter l'énergie
solaire avec des cadrans solaires qui stockent et distribuent l'énergie pour les occupants de la maison, et des techniques passives qui consistent à isoler la maison pour que la température intérieure soit constante, été
comme hiver.
 
7ème chantier : réguler le marché financier
 
La croissance de l'activité au niveau mondial pourrait butter assez vite sur les contraintes environnementales sauf pour les entreprises de « l'économie verte ». Les mêmes causes ayant sinistrement les mêmes effets, si l'activité réelle venait à croître moins vite que la masse des crédits distribuée (notamment ceux nécessaires à la mise en place des investissements), la crédibilité des titres, non-adossé au réel, serait nécessairement douteuse formant, comme en 2008, une bulle puis une crise.
 
8ème chantier : créer de nouvelles taxes pour les entreprises
  
Le gouvernement va devoir créer des écotaxes comme la « taxe délocalisée » sur la pollution des industries délocalisées, payées peu importe le lieu de production et qui permettrait d'encourager le changement industriel vers des technologies moins polluantes ou la «TVA verte » sur les produits importés (hors UE) pour inciter à diminuer les marges des industries polluantes. Ces taxes permettraient aux pays émergents de garder un droit à polluer par leur consommation, tout en cassant l'argument selon lequel les lieux de consommation et de pollution divergent.
  
9ème chantier : créer une police de l'environnement internationale
  
Ces mesures ne serviraient à rien si elles étaient limitées au cadre national. Le G20 va devoir créer une autorité
juridique de contrôle et de contrainte : une police de l'environnement internationale, dotée de moyens financiers, humains et techniques suffisants pour contrôler le respect des émissions de C02 et faire appliquer un même droit au niveau international.
 
 
De retour au premier plan, l'État interventionniste va devenir une obligation car la préservation de la Terre va nécessiter de nombreux investissements, de nombreuses subventions et surtout de nombreuses mesures pour encadrer le comportement des individus. L'État régulera et subventionnera ainsi les transports aériens, l'habitat, l'alimentation, l'utilisation de la voiture... Les impôts vont, en contrepartie, fortement augmenter et devenir une nécessité pour financer toutes ces mesures nouvelles.

Désormais, pour éviter l'irréparable, l'humanité, confrontée à la finitude, va être contrainte d'agir par anticipation, de privilégier le long terme au court terme, peut être même au péril de la croissance économique, car cette humanité prend conscience, par la force des choses, des limites de sa faculté d'adaptation.
1 commentaire(s)
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Commentaire par Gépé
mercredi 15 juin 2011 07:21
A mon avis,le moyen le plus simple et le plus efficace est d'augmenter le prix de l'énergie par une taxe qui serait utilisée pour réduire le cout du travail(contribution énergie-retraites).Il faut doubler le prix de l'énergie.
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